Cultiver 200 hectares de grandes cultures à Velye (Marne) en parallèle de ses nombreuses responsabilités agricoles sans embaucher de salarié, voilà l’objectif que s’est donné Éric Masset. Ce betteravier est le président de La Coopération Agricole Luzerne de France, la section de la fédération nationale des coopératives agricoles qui s’occupe de la production de luzerne déshydratée. Par ailleurs, il est aussi membre du bureau de la coopérative Sun Déshy et président du comité d’orientation stratégique « Transition écologique » de La Coopération Agricole. Ces responsabilités occupent plus de la moitié de son temps de travail et il ne dispose donc que de l’autre petit mi-temps pour cultiver sa ferme, avec l’aide de sa femme, elle aussi associée exploitante.
Comment fait-il ? Tout d’abord, Éric Masset profite des atouts indéniables de la Champagne crayeuse. « Ce sont des grandes parcelles et le sol est très simple à travailler », explique-t-il. La surface moyenne de ses parcelles est de 25 hectares et les terres de craie et de « gravelure » sont légères et ressuient très vite, ce qui permet des interventions en tout temps. La plupart des travaux s’adaptent donc bien à son agenda parisien. Mais cet atout n’explique pas tout. Assez vite après son installation, Éric Masset choisit de s’associer avec un de ses voisins. Hormis les travaux de récolte, chacun cultive sa ferme de façon indépendante, mais tout le matériel est partagé. Cela permet d’avoir du matériel plus gros tout en limitant les charges de mécanisation. « Nous n’avons que 3 tracteurs pour 500 hectares ». À noter cependant qu’Éric Masset délègue toute la pulvérisation à son associé : « avec mes responsabilités à Paris, je n’ai plus suffisamment de flexibilité dans mon emploi du temps pour intervenir au bon moment ». Le pulvérisateur de 36 mètres ne fait alors qu’une bouchée des grandes parcelles plates, d’autant plus que le chauffeur a vu ses temps de rinçage diminuer de façon importante. Éric Masset avoue que cette organisation présuppose une bonne entente et une facilité à travailler en commun : « il faut savoir accepter mutuellement les défauts de l’autre ». Cependant, l’agriculteur semble avoir choisi un associé assez arrangeant : « quand je suis à la ferme, j’ai toujours accès au matériel », se réjouit-il. Par ailleurs, le luzernier ne laboure plus sa ferme depuis 1998. « Cela me fait gagner beaucoup de temps », explique-t-il. La Champagne crayeuse se prête très bien à cette technique, particulièrement par son ressuyage qui rend les semis de céréales d’automne assez indépendants des précipitations : jamais il n’aura besoin de sortir la charrue pour retrouver un peu de terre plus sèche. Cependant, il rencontre maintenant des problèmes de graminées résistantes (vulpin principalement). Il vient donc de racheter une charrue pour effectuer un labour ponctuel. Enfin, la luzerne déshydratée, culture au faible besoin de mécanisation, occupe bien évidemment une part non négligeable dans son assolement. Comment pourrait-il en être autrement au vu de son engagement dans la filière ?
Un coup de vibro avant la herse à paille
Eric Masset s’essaye au désherbage mécanique de la luzerne. Selon lui et contrairement à certaines idées reçues, cette culture nécessite quand même un désherbage. Si le champ est trop sale, cela baisse drastiquement la valeur du produit fini, explique Éric Masset. Cependant, l’enracinement très profond de la culture à partir de la deuxième année est assez favorable à une intervention mécanique, particulièrement dans les terres de craie. « Dans la filière, on a surtout travaillé cette thématique pour l’agriculture biologique. Mais moins pour la production conventionnelle qui a des contraintes de qualité légèrement différentes », explique-t-il. Il a donc essayé de supprimer les adventices en hiver grâce à une herse à paille. « Mais l’efficacité n’est pas suffisante », avoue-t-il. « L’année prochaine, je ferai précéder cette intervention par un passage de vibroculteur ». Mais le céréalier assure ne pas pouvoir se séparer du désherbage chimique de la céréale qui suit. « Certes, la légumineuse pluriannuelle réduit la pression adventice, et cela est très bénéfique en bio. Mais les mauvaises herbes restent encore trop nombreuses pour changer le programme herbicide. Un rattrapage est même parfois nécessaire ».