Le changement climatique et l’adaptation nécessaire étaient au cœur du débat de l’assemblée générale de la CGB Nord-Pas-de-Calais, le 16 mai à Saint-Laurent-Blangy. Guillaume Wullens, le président, est revenu sur les caractéristiques de la campagne 2022, entre sécheresse et gel-redoux. L’année commençait bien avec 50 % de la sole betteravière des deux départements nordistes semés au 23 mars (pour comparaison, cette situation n’est atteinte qu’au 23 avril en 2023 avec les dernières betteraves semées le 12 mai). Mais le printemps sec de 2022 a entraîné des problèmes de désherbage. L’abondance d’adventices a parfois gêné les process de transformation en sucrerie.
Autre anomalie, la sècheresse estivale avec – 50 à – 75 % de précipitation pour juillet et août. Certains planteurs ont irrigué pour la première fois leurs betteraves. Les conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix de l’énergie ont ensuite conduit les groupes sucriers à anticiper les réceptions. Et ce en revalorisant les indemnités de début de campagne.
Ce choix a permis de limiter les problèmes survenus en décembre, constate Guillaume Wullens. Après le gel du 1er au 15 décembre, les températures ont grimpé à + 10 °C, engendrant des betteraves non marchandes (BNM) importantes. « Nous avons dû nous interroger sur la limite entre une BNM et une betterave marchande. Les échanges avec la CGB et les sucriers ont permis d’avancer, mais ils doivent se poursuivre. Ces épisodes gel-températures chaudes peuvent se reproduire avec l’évolution climatique ». En Belgique, 1000 hectares ont été perdus à cause du gel et du redoux.
Finalement, les 4 840 planteurs du Nord-Pas-de-Calais ont obtenu 85 t/ha, en dessous de la moyenne quinquennale de 89 t/ha à 16. Mais ce rendement reste beaucoup plus élevé que dans certaines régions plus au sud.
Autre préoccupation des planteurs : la durabilité de la filière sucrière, surtout après l’annonce de la fermeture de la sucrerie d’Escaudoeuvre. « Les surfaces emblavées en betteraves dans les deux départements nordistes (autour de 55 000 ha) sont certes inférieures au pic de 2017 (67 000 ha), mais supérieures aux surfaces d’avant les quotas de 53 000 ha », tempère Guillaume Wullens. Mais les surfaces de 2023 sont à la baisse.
Serge Zaka, le célèbre agro-climatologue au chapeau, a rassuré les producteurs. « Oui, il sera encore possible de produire de la betterave dans votre région en 2050 et en 2070. Mais il faudra changer de braquet pour les ravageurs et les pressions maladie. Sans oublier des sécheresses plus importantes et des arrêts et ralentissements de croissance dus à de trop fortes chaleurs ». Cyril Cogniard, membre du Comex de la CGB, a conclu avec le défi de la décarbonation des usines et la note d’espoir : « les prix pourraient atteindre 50 €/t de betteraves ».