Thibault Vandewalle aime apporter sa touche. En 2017, à peine âgé de 21 ans, il s’installe dans la ferme familiale et se lance dans le semis direct. Au départ, il teste sur de petites surfaces. Il tente des couverts, qui lèvent… Ou pas.

Sur ses terres de qualité variable (cranettes, limons, argile à silex, limons sableux), le jeune agriculteur change la rotation. « J’ai considérablement augmenté les cultures de printemps pour gérer les ray-grass », dévoile-t-il. Il alterne souvent deux cultures d’hiver successives avec deux cultures de printemps. Quand le ray-grass fait de la résistance, Thibault n’hésite pas à cultiver du maïs sur maïs. Mais la nouvelle (PAC) complique cette pratique.

Faut-il sacraliser l’animal ?
L’utilisation d’engrais azoté solide diminue l’empreinte carbone par rapport à la solution azotée. ©Marie-Pierre Crosnier

Plus de couverts inter-cultures

Pour choisir ses couverts, le betteravier s’inspire des guides du GIEE Magellan, sa bible. Ces documents, disponibles sur le web, compilent les résultats obtenus par des agriculteurs en semis direct dans la Nièvre. Il utilise aussi le tableur Acacia, en mélangeant des plantes basses et hautes. Avant maïs, il teste le mélange seigle, fenugrec, fèverole (respectivement 20,1 et 50 kg). Avant pois, ce sera le trio seigle, phacélie, avoine de printemps (20,3 et 20 kg). Entre deux blés ou entre un pois et un blé, il opte pour féverole, tournesol, lentille et phacélie. « Toutes les occasions sont bonnes pour enrichir le sol », s’enthousiasme-t-il.

Pour profiter de l’effet « couverts », Thibaut Vandewalle les détruit plus tardivement, vers janvier-février. Avec pour conséquence une durée de séchage du sol plus longue, regrette-t-il. Il a investi dans un éco-rouleau hacheur et complète son passage mécanique par un chimique. « Je préfère semer en ayant détruit les végétaux afin de limiter les problèmes de mulots et de limaces », justifie-t-il.

Autre changement, le semis direct à 50 cm en maïs, betterave et colza. La prochaine étape sera l’implantation de soja en 25 cm, avec deux passages.

Après cinq ans d’expérience, le novateur apprécie la baisse de charge en carburant. Il observe des bénéfices du semis direct, surtout dans ses argiles à silex et ses crannettes. En terres limoneuses, il reste en techniques culturales simplifiées.

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Les cultures légumineuses améliorent le bilan carbone. ©Marie-Pierre Crosnier

50 crédits carbone à valoriser

Le betteravier veut aussi valoriser l’amélioration de son empreinte carbone. Sollicité par Agora, il a réalisé un diagnostic carbone sur 92 ha de SAU. La coopérative de l’Oise utilise la méthode label bas carbone Grandes cultures avec l’outil Carbon Extract d’Agrosolutions. Cet outil prend en compte les pratiques culturales de l’exploitant sur trois ans, ainsi que les types de sols.

Un premier calcul de l’empreinte carbone est réalisé à partir des pratiques utilisées. Puis un second avec de nouvelles pratiques réduisant les émissions de gaz à effet de serre et augmentant le stockage du carbone. Par exemple : réduire la fertilisation azotée, privilégier l’azote solide au liquide, diminuer la consommation de carburants, introduire des couverts, des prairies permanentes, planter des haies ou se lancer dans l’agro-foresterie.

Comme Thibault a déjà actionné certains leviers (réduction du labour, mise en place de couverts, introduction de protéagineux), il a prévu de développer les inter-cultures courtes et longues. Il pense augmenter sa sole de légumineuses, dont le soja, et travailler sur les modes d’implantation. Reste que si le levier « couverts d’inter-culture » est efficace théoriquement pour le stockage de l’azote, le manque d’eau estival le rend incertain. Thibault envisage d’optimiser les apports azotés : localisation sur betteraves, emploi de Farmstar au dernier apport, utilisation d’une coupure de tronçon sur son pulvérisateur et utilisation d’ammonitrate au lieu de solution azotée.

Pour ses 92 ha, Thibault atteint une émission de 262 tonnes équivalent CO2 par an (2,84 teqCO2/ha/an). Un résultat dans la moyenne des niveaux d’émissions en grandes cultures. Le stockage de carbone annuel dans les sols (modélisé avec Simeos-AMG) est estimé à 5,04 teqCO2/an, soit 0,05 teqCO2/ha/an. En appliquant le programme d’actions proposé, il devrait économiser 75 teqCO2/an soit 0,82 teq/ha. La méthode label bas carbone applique une réduction à cette quantité. « en fin de compte, je pourrai vendre 50 crédits carbone annuellement », estime Thibaut Vandewalle. La coopérative travaille à cette valorisation et espère obtenir entre 40 et 80 €/t de CO2 économisée, soit entre 2 000 et 4 000 € annuel. Avec un paiement de 60 % tous les ans et 40 % restants en fin de programme si les objectifs sont atteints. De quoi amortir une partie des charges supplémentaires et valoriser le travail réalisé.