Des règles basées sur le risque d’exposition des pollinisateurs
Les règles avaient été définies dans l’arrêté ministériel du 31 janvier 2022. Elles sont d’application obligatoire pour les parcelles qui ont reçu des betteraves dont les semences étaient traitées NNI (thiamethoxam, imidacloprid) en 2021 ou en 2022. Le principe des mesures est d’éviter que des pollinisateurs puissent venir prélever dans ces parcelles des nectars et/ou pollens pouvant contenir des résidus de ces matières actives. L’arrêté impose donc d’éviter toute culture attractive pour les abeilles ou bourdons. Il considère le rang des cultures qui succéderont à la betterave, en « n+1 » ou « n+2 », après betteraves traitées en année n. Les règles ont été établies en croisant l’attractivité de chaque espèce cultivée avec une estimation du taux résiduel de la matière active dans la terre. Cette part résiduelle du produit appliqué est susceptible d’être prélevée par les cultures suivantes, mais son taux diminue progressivement par dégradation naturelle.
Le degré d’attractivité des cultures n’est pas toujours bien connu. Le caractère d’attractivité des cultures est une notion délicate à établir. Elle est la résultante d’une quantité de nectar ou pollen disponible dans chaque fleur, de leur qualité nutritionnelle pour les pollinisateurs (pauvre pour le pollen des céréales à paille, et lesquelles ne produisent pas de nectar), de la durée de floraison, et enfin leur accessibilité pour l’insecte (en particulier du nectar). Elle peut être différente selon le pollinisateur. Elle peut également différer en relatif, et selon la saison : la présence d’une espèce en fleur et très attractive tend à diminuer la fréquentation d’une autre culture de moindre attractivité dans une parcelle voisine. Inversement, en période de disette, cette autre culture peut devenir une ressource d’intérêt pour les pollinisateurs, faute de mieux.
Les contraintes de choix des cultures suivantes
Le schéma proposé en bas de page résume les règles définies par l’arrêté. Globalement, les cultures autorisées pour suivre immédiatement les betteraves sont essentiellement les céréales à paille, qui n’ont pas d’intérêt nutritionnel pour les pollinisateurs. Des travaux conduits par les instituts techniques en 2021 n’avaient pas permis d’infléchir le statut des cultures de pomme de terre et de maïs, qui ne sont autorisées qu’en deuxième rang, donc n+2 : après des betteraves traitées NNI conduites en 2021, ces deux cultures peuvent être implantées cette année 2023. Pour les autres cultures, qui ne sont pas indiquées en n+1 ou n+2 dans le schéma, elles ne sont autorisées qu’à partir de l’année n+3. Un colza ne peut être implanté qu’à l’été 2023 (donc récolte 2024) après une betterave traitée implantée en 2021.
Des contraintes à bien appréhender pour les couverts d’interculture
L’arrêté indique qu’il faut « limiter l’implantation des cultures intermédiaires après la culture suivante à des cultures peu attractives pour les abeilles et les autres pollinisateurs conformément à l’annexe 2, ou éviter les floraisons, ou recourir à une destruction avant floraison. »
Dans le cas où les couverts viendraient à fleurir, les contraintes sur le choix des espèces sont donc les mêmes que celles mentionnées sur la figure 1. La campagne culturale se définit de manière générique « de la récolte du précédent (année n) à la récolte de la campagne en cours (année n+1) ». Pour des betteraves semées avec NNI en 2022, l’interculture à l’été/automne 2022 est considérée en n+1, celle à l’été 2023 en n+2. Dans ce cas, il n’y a donc plus de contraintes sur la conduite des couverts, à partir de l’été 2024 (n+3). Pour les intercultures en n+1 et n+2, il reste possible d’implanter des couverts contraints par l’annexe 2, uniquement si la floraison est évitée.
Les solutions techniques à mobiliser pour la conduite des couverts d’interculture
Il est possible de jouer sur deux leviers pour éviter la floraison : le choix d’espèces et/ou variétés tardives, et la réduction de la période de mise en place du couvert pour limiter la somme de température. Cette dernière option se confronte au cadre réglementaire des programmes d’actions régionaux pour les nitrates. Pour la plupart des régions betteravières, le couvert doit au moins être présent deux mois, et sa destruction ne doit pas être réalisée avant le 1er novembre. Les consignes peuvent varier selon les programmes d’action régionaux, dans le cas notamment de situations spécifiques (teneur en argile élevée, semis tardif du couvert, zones d’actions renforcées…).
Le choix du couvert peut se faire parmi des espèces qui, dans des conditions de semis relativement tardives (fin août, début septembre), ont peu de chances de fleurir avant la date de destruction réglementaire. Concernant les moutardes et radis nématicides, il convient d’être prudent.
Pour les moutardes nématicides les plus tardives, dans les essais conduits par l’ITB, les floraisons ont débuté (avec moins de 3 % de plantes fleuries) au plus tôt autour des 1 000 °j. Pour les radis nématicides, plus tardifs que les moutardes, les floraisons (< 3 %) ont débuté au-delà de 1200 °j, à l’exception des variétés les plus précoces (Arena, Litinia). Le déclenchement des floraisons n’est pas uniquement lié à la somme de degrés-jours : il peut dépendre aussi des durées des jours, de conditions particulièrement sèches, etc. Le tableau 1 indique, pour quelques stations météorologiques, les sommes de degrés-jours selon différentes durées de mise en place des couverts. Dans tous les cas, les variétés de moutardes précoces ne seront pas adaptées, que ce soit en pur ou en mélange.
En anticipation d’une situation de floraison inopinée du couvert, il convient de prendre contact avec la DDTM de sa région, pour voir les possibilités dérogatoires de destruction, avant la limite réglementaire.
Les règles d’autorisation des cultures dans la succession après betteraves traitées NNI sont basées sur leur attractivité vis-à-vis des pollinisateurs.
Elles tiennent compte des délais de dégradation des matières actives dans le sol.
Pour les couverts d’interculture, le choix des espèces est contraint uniquement si le couvert venait à fleurir. L’été 2023 sera la dernière période d’interculture concernée par les contraintes liées au dérogations accordées.