Avec 34 Mt de blé tendre, maïs, orges, blé dur, vers l’Union européenne ou les pays tiers, la France est le premier exportateur européen de céréales. Elle exporte environ 50 % de sa production. Grâce à elle, l’Union européenne est le quatrième exportateur mondial derrière la Russie, les États-Unis et le Canada. Mais pour combien de temps encore ? Dans une note de synthèse publiée en janvier, le think tank AgriDées pointe les dangers, de la concurrence mondiale, la compétitivité de la filière française et son organisation. « Le bouleversement provient d’une modification profonde sur l’échiquier mondial : la production issue de la mer Noire, principalement de l’Ukraine et de la Russie, retrouve sa grandeur historique et même la dépasse. Depuis dix ans, ces deux pays sont passés d’un volume conjoint à l’exportation de 30 à 60 millions de tonnes de blé tendre, faisant progresser leurs parts de marché mondiales de 25 à 40 % », souligne la note, coordonnée par Yves Le Morvan, responsable filières et produits chez AgriDées. Face à ce constat, la France peine à structurer son offre pour répondre aux demandes de ses clients. « Si nous ne sommes pas proactifs, le risque est de devenir un importateur net demain », craint Rémi Haquin, le président du conseil spécialisé céréales de FranceAgriMer.
Des restructurations à venir
Pour Franck Capelle, administrateur du think tank, la filière française doit améliorer son offre à l’export pour mieux s’adapter aux attentes des marchés extérieurs. « Il s’agit de passer d’une gestion des excédents en flux poussés à une gestion des exigences des clients en flux tirés. Et sortir de notre offre milieu de gamme », insiste-t-il. « Il faut davantage chasser en filière avec un leadership d’entreprises », avance pour sa part Yves Le Morvan. Car la filière française apparaît morcelée. « Le problème de la France est que les opérateurs ne sont pas intégrés. C’est un cas unique au monde », juge Stéphane Bernhard, directeur d’InVivo Trading. À Rouen, la filière a beaucoup évolué. « Senalia est un très bon exemple de ce qu’il faut faire, avec un management commun des silos portuaires. C’est porteur d’espoir », affirme Yves Le Morvan. Reste à mettre les acteurs autour de la table pour partager un projet commun. Pas facile. « Aujourd’hui, il y a un alignement sur le constat. Il faut aligner les flux et stopper les pertes là où nous ne sommes pas compétitifs. Cela passera par des restructurations intelligentes », a déclaré le 22 janvier, Thierry Blandinières, le directeur général d’InVivo, lors d’un colloque organisé par AgriDées sur le sujet. Pour le think tank, les économies réalisées sur l’organisation des structures pourraient être de l’ordre de « 2 à 3 €/t ». Un sujet stratégique pour les coopératives qui représentent 75 % de la collecte céréalière. « Nous sommes prêts à oeuvrer pour le rassemblement, sans même demander le leadership. Je pense que nous aurons des avancées significatives dans les semaines qui viennent », a-t-il conclu. À bon entendeur !
Adrien Cahuzac