S’associer pour investir dans un méthaniseur, pour de nombreux agriculteurs, c’est une évidence. Notamment quand les projets atteignent 3 à 5 M€, comme c’est par exemple le cas en Ile-de-France. Parce que les méthaniseurs sont essentiellement alimentés en matières premières végétales issues des intercultures (1), les associés doivent aussi apporter des surfaces importantes, 400 à 2 000 hectares parfois et y passer beaucoup de temps. Au-delà de l’investissement financier, la méthanisation demande donc aussi un investissement humain très important.
Qui fait la marge ?
Pour que leur association soit durable, toutes les questions doivent être tranchées en amont du projet. La première est celle du prix de cession interne entre l’agriculteur (en individuel ou société agricole type EARL, SCEA) souvent à l’impôt sur le revenu, et la structure qui supporte l’activité de méthanisation, en général une SAS à l’impôt sur les sociétés (à la fiscalité plus favorable). Si le prix de revient de la matière première est de 90 €/tonne, le producteur vendra-t-il à 95 € ou 120 € ? La question est de savoir qui fait la marge. La fiscalité laisse une certaine liberté. Elle doit être étudiée très en amont du projet selon la taille et la stratégie des exploitations qui s’associent. Quand il faut mettre en valeur 600 ha par exemple et que trois agriculteurs s’associent, si le premier apporte 100 ha et les autres 250 ha chacun, les intérêts ne seront pas du tout les mêmes. Si la matière sèche est vendue 95 €, le plus petit est désavantagé car il n’a que 1/6e du méthaniseur. À l’inverse, si son travail d’agriculteur est favorisé, cela se fera au détriment de la répartition du capital dans l’unité de méthanisation. Côté imposition, avec 100 ha, le premier sortira un bénéfice agricole (BA) de 20 000 €, il préférera alors garder la marge sur son exploitation car il restera dans sa tranche marginale d’imposition à 14 %. Alors que ses collègues, avec 70 ou 80 000 € de BA, vont passer au taux marginal de 41 % et préfèreront que la marge passe sur l’unité de méthanisation.
Rédiger un Pacte d’associés
Ces problématiques relèvent du droit des affaires. Aussi, nous conseillons la rédaction d’un pacte d’associés : c’est une convention établie entre associés, parallèlement aux statuts de la société, qui vise à organiser les relations entre eux et le fonctionnement de l’entreprise. Ce contrat est un acte “secret”. Il n’est pas connu des tiers puisqu’il n’a pas à être déposé au Registre du commerce et des sociétés. Sa rédaction a l’avantage d’être libre. En l’espèce, il précisera cette répartition de la marge mais aussi la gouvernance de l’unité de méthanisation : sous prétexte que l’un met plus de terres en valeur que les autres, a-t-il la capacité de décider seul ? Si l’un des associés manque à son engagement d’apporter tant de matière sèche sur telle durée, se verra-t-il privé de son droit à dividendes, voire même exclu de la société ? Le document essaiera également de prévoir toutes les situations futures qui pourraient mettre en danger le projet. Par exemple, l’expropriation d’un des associés sur une partie des terres pourra entraîner une perte de capacité de production. Va-t-il aussi perdre de son pouvoir de décision ? Et de la rentabilité ? La vente ou la transmission de l’exploitation de l’un des associés entraînera-t-elle la substitution du cédant par le repreneur dans la société de méthanisation ou les associés devront-ils donner leur agrément préalable à l’entrée de tout nouvel associé ? On peut aussi rencontrer des situations où les unités de méthanisation sont très rentables alors qu’en parallèle, les céréaliers ont des difficultés sur leur ferme. Tous ces cas sont explosifs ! Il est primordial de les anticiper en amont du projet et de les écrire noir sur blanc dans un pacte. Ces précautions juridiques ne résoudront pas tout, surtout si les associés font face à un manque de matières premières ou cherchent un nouvel associé, mais elles leur donnent les moyens d’agir sans mettre en péril l’activité.
(1) La France interdit les cultures dédiées à la méthanisation au-delà de 15 % des approvisionnements, seul l’usage des inter-cultures est autorisé.