Moins d’un mois après l’interdiction totale des néonicotinoïdes en France, c’est au tour du S-métolachlore (Smoc) de monter sur l’échafaud. La raison de sa condamnation : les concentrations des eaux souterraines estimées de trois molécules issues de sa dégradation, ont été jugées « inacceptables » par l’Anses, du fait du dépassement de la norme européenne de 0,1 µg/litre (limite de qualité). La CGB, l’AGPB, l’AGPM, la FOP et l’UNPT rappellent que, comme le précise l’agence française dans un rapport de 2021, « ces limites de qualité ne permettent pas d’évaluer le risque pour la santé en cas de dépassement ». Pointant ce risque de contamination, l’agence de santé engage donc une procédure de retrait des principaux usages des phytosanitaires contenant du S-métolachlore.
La filière maïs est la première touchée
Sabine Battegay rappelle que 70 % des maïs grain et fourrage sont désherbés avec une des deux molécules de la famille des chloroacétamides (60 % pour le Smoc et 40 % pour le diméthénamide-P). Ces molécules sont très utilisées car elles représentent désormais le dernier rempart face à l’extension des populations résistantes des graminées estivales, comme les espèces panic sétaire digitaire (PSD). Si ces cultures ne sont pas dans l’impasse, le recentrage sur le diméthénamid-P posera quand même d’importantes questions, explique Sabine Battegay. En effet, elle explique qu’il est toujours plus sécurisant d’avoir plusieurs produits à disposition, tant pour des raisons d’apparition de populations résistantes, parmi les graminées estivales pour lesquelles il n’y a pas d’autres solutions possibles, que d’approvisionnement, explique-t-elle.
Néanmoins, les filières maïs semences et maïs doux sont clairement dans l’impasse. Ces cultures bien spécifiques ne tolèrent que cette molécule (selon Arvalis, 97 % des surfaces sont désherbées avec le Smoc). Par ailleurs, la molécule sur la sellette permet d’avoir une meilleure efficacité contre l’ambroisie et le datura, deux adventices très problématiques en termes de santé humaine. Si la molécule est interdite, ces productions seront en très grand danger, explique l’AGPM.
La betterave moins impactée
Selon l’ITB, le S-métolachlore n’est utilisé que sur 5 % des surfaces de betteraves. « La molécule a pour intérêt de proposer un mode d’action distinct des autres matières actives graminicides (HRAC 15 – K3). C’est donc une alternative vis-à-vis des risques de résistance aux matières actives « dim » ou « fop » », précise Rémy Duval, responsable adjoint du département technique et scientifique de l’ITB.
« Concernant les oleoprotéagineux, la molécule est employée sur environ 250 000 ha de tournesol et plus de 100 000 ha de soja. », explique la Fop. Les alternatives existent ou vont arriver mais, selon elle, un des principaux problèmes réside dans le report vers d’autres molécules déjà très utilisées et en alerte. En effet, la pendiméthaline est une molécule candidate à substitution, et le diméthénamide-P est déjà employé sur le maïs et le tournesol (associé à pendiméthaline). Il y a donc un risque de développement de résistances.
Par ailleurs, d’autres cultures comme celles du pois, des haricots ou de la canne à sucre connaîtraient des situations d’impasses techniques, explique Xavier Thévenot, de la société Syngenta.
La diminution de dose non suffisante
Si le recours au désherbage mécanique est dans certains cas envisageable en substitution, son usage n’est pas possible pour tout type de culture et dans toutes les situations météorologiques. Par ailleurs, il représente une solution nettement moins efficace et plus coûteuse, expliquent les 5 associations spécialisées grandes cultures dans un communiqué de presse du 15 février. Aujourd’hui, 94 % des surfaces reçoivent au moins un herbicide.
« Dès 2016, et donc avant le premier rapport de l’Anses de 2021, nous avions engagé des efforts dans l’utilisation du S-métolachlore, en préconisant aux agriculteurs une diminution des doses utilisées », explique Sabine Battegay. À la fin de cette même année, l’Anses les avait limitées à 1000 g/ha pour le maïs, le tournesol et le soja. Mais cela n’a pas suffi…
Une distorsion de concurrence de plus
Cette procédure de retrait intervient alors même que le réexamen de l’autorisation de mise en marché de la molécule au niveau européen est en cours et n’est pas arrivée à son terme (ce qui devrait arriver prochainement). « Ce décalage avec le calendrier européen aura pour effet de provoquer une nouvelle situation de surtransposition réglementaire et donc des distorsions de concurrence inacceptables avec les autres États membres de l’UE », alertent les associations spécialisées grandes cultures de la FNSEA. « Nous appelons donc l’Anses, en l’absence de risque sanitaire avéré, à inscrire son action dans le pas de temps des autorités européennes pour éviter toute concurrence inéquitable entre les agriculteurs français et leurs voisins ».
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