La manifestation du 8 février à Paris sur l’esplanade des Invalides a sans doute pesé sur l’avancement du dossier. La mobilisation de 4 000 agriculteurs à deux pas du ministère de l’Agriculture a permis de maintenir la pression sur le gouvernement pour accélérer la finalisation du plan d’accompagnement de la filière promis, à la suite de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) du 19 janvier.
De fait, Marc Fesneau a rencontré le lendemain les représentants de la filière pour aborder la mise en place concrète d’un plan d’accompagnement et en particulier d’un volet de compensation financière des pertes de rendement causées par la jaunisse, ainsi que les garanties de financement par l’État.
« Il y avait besoin de réassurer les planteurs, car nous sommes à un moment où les agriculteurs font leurs choix et ils peuvent planter autre chose que de la betterave », a déclaré le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en conférence de presse le 9 février. Et de dire aux agriculteurs : « plantez et assurez la souveraineté alimentaire de la France ».
Marc Fesneau a assuré que les services du ministère travaillent pour éviter les écueils de l’indemnisation de 2020. « Nous avons quelques semaines pour caler le dispositif », a-t-il précisé. Beaucoup de planteurs ont en effet encore en mémoire l’absence ou la faiblesse des indemnisations, suite aux attaques de jaunisse en 2020, pour cause de franchises et de plafond imposés par les fameux de minimis.
Pour que ce dispositif puisse couvrir intégralement le risque de jaunisse, comme le souhaite la CGB, il faut encore travailler quelques sujets juridiques et aussi les références. « L’idée est d’avoir un système simple tout en tenant compte des diversités de situation », assure Marc Fesneau.
Le ministre a également assuré que les sucreries seront prises en compte dans un dispositif spécifique d’indemnisation.
Des modalités concrètes à préciser
Le président de la CGB, Franck Sander, s’est montré satisfait : « les mesures du plan d’accompagnement de la filière présentées par le Ministre prennent la bonne direction. Je tiens à saluer le travail accompli par l’administration, en concertation avec la profession, ces dernières semaines. Il doit néanmoins être poursuivi rapidement, notamment afin de finaliser les modalités concrètes de la compensation financière. En effet, il est important que l’enveloppe soit garantie, ainsi que la méthode ». Et de poursuivre : « on aura encore besoin d’utiliser des produits phytosanitaires, et donc on va regarder comment le ministère peut accélérer les homologations au niveau européen sur des nouveaux produits, qui pourraient arriver dès l’année prochaine. »
Le plan d’accompagnement prévoit en effet que le recours aux produits autorisés sur betterave pourra être amplifié en 2023, à raison de 3 passages de Movento et d’une application plus précoce (stade cotylédons) du Teppeki et du Movento, afin de mieux lutter contre les pucerons, en cas de nécessité.
Il y a encore des modalités concrètes à préciser, car ce dispositif juridique sera notifié au niveau européen (mesures de crise de l’OCM 1). Mais l’important est que ce système, sans plafond ni franchise, puisse compenser les pertes causées par la jaunisse. C’est un préalable indispensable avant d’appeler les planteurs à semer leurs betteraves en mars prochain.
Colère et détermination pour sauver l’agriculture
L’image était forte. 622 tracteurs partis très tôt le matin ont envahi Paris, à l’appel de la CGB, de la FNSEA Grand Bassin Parisien et des JA région Île-de-France pour s’opposer à la « liquidation de l’agriculture française ». Arrivés à 8 heures Porte de Versailles (où se tiendra le Salon de l’Agriculture dans 2 semaines), les tracteurs ont ensuite descendu la rue de Vaugirard pour atteindre l’esplanade des Invalides à 10 heures. Prenant Napoléon à témoin (son tombeau est situé en la cathédrale Saint-Louis des Invalides), les responsables syndicaux de plusieurs filières (betterave, pomme de terre, blé, maïs, endives, oléoprotéagineux fruits et légumes…) ont appelé les responsables politiques à faire preuve de courage. On pouvait d’ailleurs voir beaucoup d’écharpes tricolores portées par une centaine d’élus – président de région, députés, sénateurs, maires – venus afficher leur soutien à l’agriculture.
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Damien Greffin, président de la FNSEA Grand Bassin Parisien et co-organisateur a invité les syndicalistes agricoles. Ils ont surtout interpellé le gouvernement, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, et le président de la République. Ils ont simplement demandé « le droit de travailler » et ont mis les gouvernants devant leurs contradictions, eux qui parlent toujours de souveraineté alimentaire et qui dans les faits prennent des décisions qui plombent l’agriculture.
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L’interdiction brutale et soudaine des néonicotinoïdes a été « la goutte qui a fait déborder le vase », comme l’a dit Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Cette manifestation initiée par les betteraviers de la CGB, à la suite de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 janvier, a très vite été rejointe par les producteurs des grandes cultures du Bassin parisien, puis par des associations spécialisées (pomme de terre, colza, endive et même cerises…).
Dans les rangs des agriculteurs, les sentiments oscillaient entre colère et incompréhension. Les betteraviers étaient souvent dégoûtés de voir comment une succession de mauvaises décisions politiques risque de tuer des filières d’excellence et de mettre à mal notre souveraineté alimentaire.
Incompréhension également quand on voit que l’acétamipride, un néonicotinoïde utilisé en pulvérisation sera utilisé par d’autres pays européens. Les betteraviers français en sont empêchés par la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité. Encore un exemple de surtransposition des normes. « En 2016 Barbara Pompili a décidé de marquer son passage en interdisant totalement les néonicotinoïdes, ce que n’ont pas fait les autres pays européens. Ils ont gardé la possibilité d’avoir recours à des traitements foliaires pour éviter d’être coincé en cas d’interdiction des traitements de semences. La France s’est privée de cette possibilité par idéologie, a dénoncé la présidente de la FNSEA. Faire croire que l’on peut produire sans produits phytopharmaceutiques, sans chimie, c’est une mascarade ».
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Alain Carré, président de l’interprofession l’AIBS a remercié le ministre d’avoir été très réactif. « On se sent soutenu. Maintenant c’est à nous de semer les betteraves de façon à assurer la souveraineté alimentaire ».
Christian Spiegeleer, président du SNFS, estime qu’il était logique de commencer à trouver des mesures visant à rassurer les planteurs. « Il y a le volet industriel qui nécessite d’être regardé de prés. Nous sommes aussi très attentifs à la concurrence européenne, notamment à des pays qui n’ont pas exactement les mêmes interdictions que nous et qui pourrait même appliquer la décision de la Cour de Justice de manière différente ».
Gérard Clay, président du conseil d’administration de Tereos salue la réactivité du Gouvernement et des services de l’Etat face à cette décision inattendue de la juridiction européenne. Il a rappelé que « la coopérative restait mobilisée s’agissant du volet d’indemnisation des industriels en cas de perte de production liée à la jaunisse. »
« Nous devons nous battre si nous voulons garder demain nos outils de production, nos industries de sucre d’alcool et de gel hydroalcoolique ; si nous voulons garder notre brie de Meaux et de Melun qui sont fabriqués grâce à la pulpe de betterave. Nous devons garder ce pouvoir qui est de produire les aliments des Français. Car nous sommes le pays qui a la nourriture la plus saine, la plus sûre. Le Sénat est là pour vous accompagner, pour éviter que le pays ne sombre dans la médiocrité et la dépendance. Il ne faut pas baisser les bras. Nous sommes ceux qui ont raison contre un État qui nous démobilise ».
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