Que peut-on attendre des plantes de service ? Leur effet va bien au-delà de « l’engrais vert ». Elles sont capables d’agir sur la régulation des bioagresseurs de manière directe ou indirecte, mais aussi d’avoir une action ciblée sur des parasites du sol ou sur certaines adventices. Quelques plantes de service remplissent aussi une fonction moins directe, en attirant les insectes utiles – auxiliaires et pollinisateurs – vers la plante cultivée. En pratique, les plantes de service déjà utilisées couramment en grandes cultures appartiennent à deux grands groupes : les légumineuses et les brassicacées (moutarde, radis, navet), auxquelles s’ajoutent plusieurs espèces comme la phacélie, le sarrasin ou le seigle.
Plantes pièges à ravageur
Par définition, une plante piège permet d’attirer puis de retenir le bioagresseur. Elle s’utilise associée avec la culture ou en rotation pour réduire les populations de parasites et pour casser leur cycle. Les exemples sont bien connus : le radis fourrager (Raphanus sativus) ou la moutarde blanche (Sinapis alba) permettent, en interculture, de réduire les populations du nématode de la betterave (Heterodera schachtii). Plusieurs variétés sont disponibles au catalogue. Le radis fourrager résistant au nématode Meloidogyne Chitwoodi peut aussi s’intégrer comme plante de service dans une rotation de pommes de terre ou de betteraves. Le sorgho fourrager Piper s’est également révélé comme une plante piège des nématodes à galles (Meloidogyne), permettant de diminuer les populations de plus de 80 %. Dans ce cas, il faut détruire le sorgho et l’enfouir avant la fin du cycle du nématode.
Fonctionnant de façon différente des plantes pièges, les plantes répulsives agissent en repoussant les parasites et en rendant la plante cultivée moins attrayante. Soit elles émettent des composés volatils libérés dans l’air, soit elles sécrètent des substances au niveau des racines, dont les effets répulsifs peuvent s’exercer sur des insectes. Parmi les plantes insectifuges, le romarin a un effet répulsif sur le puceron vert (Myzus persicae), qui hélas ne s’exerce que sur une distance d’environ deux mètres. Pour mieux utiliser le pouvoir de ces espèces, une base de données sur les plantes de biocontrôle, capables de réguler les ravageurs, va se mettre en place dans le projet CREA piloté par l’Inrae.
Plantes assainissantes
Cette catégorie regroupe les plantes biocides et biofumigantes, qui permettent d’assainir la parcelle de culture par leurs sécrétions. Quelle différence entre les deux ? Les plantes biocides sont utilisables vivantes et en association culturale. En revanche, les plantes biofumigantes sont utilisées une fois fauchées, par incorporation au sol juste après un broyage. « Les sécrétions émises après par ces plantes sont éphémères, et il faut les enfouir aussitôt après la fauche sur 3-4 cm pour obtenir un résultat », rappelle Matthieu Hirschy, chef de projet à l’Acta. Plusieurs moutardes, la cameline, le seigle et des aliacées sont connues pour leurs effets assainissants. La moutarde brune (Brassica juncea) broyée et enfouie conduit à une mortalité allant jusqu’à 95 % des kystes de nématodes à kystes (Globodera pallida). Cette technique a également fait ses preuves contre certains champignons pathogènes du sol (Pythium, Verticillium). Appliquée en interculture, elle contribue à la lutte contre le rhizoctone (Rhizoctonia solani). L’enfouissement d’une moutarde 15 jours avant le semis d’un blé permet de libérer dans le sol des composés actifs dans la lutte contre le piétin échaudage, avec certes un effet limité. Les plantes biofumigantes permettent aussi de contrôler certaines adventices. Ainsi, l’incorporation de résidus de moutarde au sol aide à freiner les levées de digitaire et d’amarante. Les effets des espèces assainissantes, une fois incorporées au sol, se montrent toutefois très variables.
Plantes attractives pour les auxiliaires
Les plantes de service dites attractives ont la capacité de capter les ennemis naturels des bioagresseurs ou aussi des insectes butineurs qui peuvent améliorer la fécondation d’un colza. Les abeilles apprécient en particulier de butiner la phacélie, la bourrache officinale et le mélilot blanc. La moutarde blanche et le mélilot attirent les syrphes, mangeurs de pucerons. De nombreux auxiliaires, dont les punaises prédatrices, viennent visiter les légumineuses : féverole, gesse, lentille, pois, sainfoin, trèfle blanc, trèfle d’Alexandrie, trèfle incarnat, trèfle violet et vesce commune. Le sarrasin attire les syrphes et les insectes pollinisateurs en général. La phacélie exerce un attrait sur de nombreux auxiliaires dont les syrphes et les trichogrammes ainsi que les abeilles grâce à son fort pouvoir mellifère. Le fénugrec et le nyger peuvent aussi attirer plusieurs auxiliaires. L’avenir pourrait aussi relever des plantes multiservices, qui exercent simultanément plusieurs rôles bénéfiques : lutte contre des bioagresseurs de la culture, amélioration de la nutrition et de l’état physique du sol. « Il reste à mieux caractériser tous ces effets » conclut Matthieu Hirschy, avec des évaluations plus complètes par variété ».