Gros coup de mou sur les cours des oléagineux en Europe ces deux dernières semaines, à un niveau qui glisse vers le plancher des 500 €/t. Le 24 janvier, les cours sur les marchés physiques Fob Moselle et rendu Rouen affichent 526 €/t. Sur Euronext, les échéances jusqu’en novembre 2023 s’inscrivent dans une fourchette de 530 à 540 €/t, ce qui prouve la confiance des investisseurs sur des niveaux de prix équivalents ou un peu plus élevés pour les mois à venir. En quelque sorte, malgré les aléas et la volatilité, les cours continuent à tenir bon.
La chute du colza, au cours des deux dernières semaines, vient essentiellement de l’afflux de canola canadien en Europe. C’était prévisible, puisque le Canada a retrouvé son potentiel normal d’exportations de 10 Mt par an. Ce volume est essentiellement destiné au vieux continent, car les relations du Canada et de la Chine sont exécrables depuis plusieurs années. Sous la pression américaine et de Donald Trump, le Canada avait été contraint d’arrêter la dirigeante du géant chinois Huawei, pour des infractions aux lois américaines. Elle a été libérée depuis, mais les Chinois gardent une rancune tenace au pays dirigé par Justin Trudeau. Dès lors, l’offre canadienne reste abondante. À fin novembre, sur 11 mois selon Agreste, la France a d’ailleurs importé au total pour 1,76 milliard d’euros de graines oléagineuses, soit 200 M€ de plus que l’année précédente.
L’autre cause de la chute des cours du colza vient de l’Allemagne, avec la volonté du ministre de l’Agriculture, Cem Ozdémir, de ne plus incorporer de colza dans les biocarburants, estimant que les aliments sont trop précieux pour être transformés en carburant. Or, la moitié de la surface de colza en Allemagne est destinée aux biocarburants. Il y a de quoi inquiéter les producteurs et les transformateurs ! On ne sait si la volonté ministérielle aboutira, mais l’annonce a fait chuter les cours.
Mais il y a d’autres facteurs qui, à l’inverse, sont haussiers. L’économie européenne, et notamment française, résiste mieux que prévu aux crises successives, dont celle du Covid et au prix des énergies; l’inflation régresse. La guerre russo-ukrainienne semble devoir durer malheureusement plus longtemps que prévu, ce qui limite les productions de la mer Noire. L’euro se renforce face au dollar et l’économie chinoise pourrait repartir avec la fin des restrictions d’activité et de déplacements liés à la politique anti-covid. Enfin, les cours du soja à Chicago restent très fermes, à près de 550 $/t, malgré la récolte record à 152 Mt de soja au Brésil, grâce à un équilibre presque parfait entre l’offre et la demande mondiales. Or, les cours du colza se sont reconnectés au marché mondial et le colza européen n’a aucune raison de chuter en dessous des autres graines oléagineuses.