Dans quelle mesure peut-on éviter une hausse du coût de la protection fongicide en 2023 ? Depuis plusieurs campagnes, la pression des maladies et leur nuisibilité restent assez basses et c’est plutôt une bonne nouvelle. « Nous relevons des dégâts faibles à modérés sur les céréales en 2022, sur les orges comme sur les blés », note Jérôme Thibierge, d’Arvalis. Pourtant, la protection reste payante : « en moyenne, la protection fongicide a permis cette année d’éviter une perte de rendement de 11 q/ha sur le blé tendre ». En 2022, les deux maladies les plus présentes étaient la rouille jaune et la septoriose, dont l’impact est resté assez modéré dans la plupart des régions. Précoce en 2022, la rouille jaune a été observée en Normandie, Picardie, Nord et Île-de-France, dès début ou mi-avril, et jusqu’en fin de cycle. « Le premier critère qui conditionne le risque de rouille jaune reste la sensibilité variétale. Sur les variétés résistantes, le risque est négligeable, quel que soit le climat. En revanche, sur les variétés sensibles, le climat explique l’essentiel du risque », estime Jérôme Thibierge. En 2022, la rouille jaune a été le plus souvent observée sur les variétés Campesino, Complice, RGT Sacramento, RGT Libravo, Tenor… Dont la note rouille jaune est de 5 ou 6. Comment assurer une protection si la rouille jaune se déclenche en 2023 ? Selon Arvalis, un traitement précoce avec un fongicide à base de triazoles et de strobilurines se justifie surtout sur les variétés sensibles, dont la note rouille jaune est inférieure à 7.
Septoriose moins impactante
En 2022, la septoriose est restée dans l’ensemble modérée, avec un niveau d’inoculum moins important que les deux dernières campagnes, selon le modèle Septo-LIS. Les contaminations hivernales ont été faibles. Ensuite, la septoriose présente sur les feuilles les plus âgées a peu ou pas évolué, en raison de la sécheresse printanière. En 2022, le modèle d’Arvalis proposait une intervention au stade dernière feuille étalée sur les variétés moyennement sensibles et autour du stade gonflement-épiaison pour les variétés peu sensibles. Pour la campagne 2023, Arvalis préconise toujours une seule application contre la septoriose, dans l’hypothèse d’une pression modérée. L’impasse du traitement T1 à 2 nœuds reste encore la règle, sauf pour les variétés sensibles à la septoriose. Dans ce cas où il est nécessaire de traiter au T1, le soufre et les phosphonates (Pygmalion) sont des biocontrôles possibles. Le T1 tout biocontrôle Pygmalion 2l/ha + Velours (soufre) 3 l/ha a obtenu sur deux ans d’essais des résultats sensiblement équivalents à la solution mixte avec Juventus + soufre. Dans la plupart des cas, le traitement au T2 reste, comme par le passé, le pivot de la protection anti-septoriose. Les solutions fongicides les plus efficaces, lorsqu’elles sont bien utilisées, permettent plus facilement d’envisager un seul traitement. C’est le cas pour le fongicide Revystar XL, mais aussi pour Questar lorsqu’il est associé à Elatus Plus. Dans la mesure où les souches de septoriose résistantes aux fongicides SDHI (Revystar, Zoom, Librax, Elatus..) continuent à augmenter, Arvalis conseille d’associer ces fongicides, soit avec du folpel, soit avec un fongicide de la famille des strobilurines.
Gérer l’enveloppe fongicide
En 2023, l’augmentation du prix des fongicides pourrait se situer entre 10 à 20 % selon les produits. Comment maintenir un budget fongicide dans ce contexte ? « Que l’on choisisse de maintenir la dépense par rapport à 2022, de maintenir la dose, ou d’aller chercher le dernier quintal, les bénéfices de la protection fongicide sont très semblables sur le plan économique, dans le cadre d’un blé payé 30 €/q, avec des fongicides 20 % plus chers, et en présence d’une pression de maladie moyenne », estime Jérôme Thibierge. Si l’on choisit de ne pas augmenter le coût de protection par rapport à celui de 2022, l’Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) sera plus bas que pour les autres options. « Dans les recommandations de 2023, nous avons retenu l’approche technique intermédiaire, sans changer les doses fongicides proposées en 2022, à risque parasitaire identique », indique-t-il. Arvalis continue aussi à promouvoir la génétique comme moyen de limiter les interventions. Car le choix d’une variété peu sensible à la rouille et à la septoriose reste le meilleur levier pour limiter le budget fongicide. « Les résultats de 4 années d’essais montrent qu’il est possible de moins traiter en ayant simplement recours à des variétés peu sensibles et productives, sans que le résultat économique de la culture ne soit pénalisé », affirme Gilles Couleaud d’Arvalis. En revanche, retarder la date de semis en vue de réduire la pression parasitaire au printemps suivant demeure une stratégie risquée. « Nous mesurons une baisse de potentiel de rendement moyenne de 7 q/ha pour 22 jours de retard de semis et jusqu’à une vingtaine de quintaux dans les cas les plus défavorables ».