Depuis 2021, des Fermes pilotes d’expérimentation (FPE) sont implantées dans toutes les régions betteravières pour évaluer au champ, et dans des conduites classiques, l’efficacité de solutions alternatives aux néonicotinoïdes. Pour cette campagne 2025, 51 exploitations ont accepté de tester, sur leurs parcelles de betteraves sucrières (45) et de betteraves porte-graines (6), différents leviers et combinaisons de leviers pour lutter contre la jaunisse.
Le choix des leviers testés et des dispositifs expérimentaux est le fruit d’une réflexion commune entre l’Institut technique de la betterave (ITB), les Services agronomiques de sucreries (Cristal Union, Tereos, Saint Louis Sucre) et les lycées agricoles impliqués dans le projet. Le positionnement des essais mis en place dans les parcelles d’agriculteurs sont discutés avec les agriculteurs en fonction de ce qu’ils souhaitent tester dans leurs parcelles et des sujets qui les intéressent le plus. Pour évaluer l’efficacité des leviers et combinaisons de leviers, des suivis de pucerons et de jaunisse sont réalisés chaque année, et parfois une évaluation du gain de rendement en présence du levier est également réalisée. Les solutions testées sont autant que possible intégrées dans une stratégie de protection intégrant les aphicides. Quelques combinaisons de leviers intégrant plusieurs solutions testées dans le PNRI-C sont également envisagées.
L’évaluation des combinaisons de leviers se poursuit
Plantes compagnes X aphicides
Des graminées (avoine rude ou orge de printemps) sont semées avec les betteraves, et détruites en début de cycle pour limiter la concurrence. Elles réduisent la colonisation des pucerons par un effet visuel (camouflage, contraste avec le sol) et/ou olfactif. Elles seront testées en complément d’une protection aphicide classique pour renforcer la protection dans les situations à risque élevé. Dans les situations à risque plus faible, une réduction du nombre d’aphicides permise par les plantes compagnes sera évaluée.
Médiateurs chimiques X aphicides
Des molécules odorantes, aussi appelées Composés organiques volatils (COV) seront mobilisées. Elles ont un effet répulsif sur les pucerons, et altèrent leur survie ainsi que leur reproduction. Épandues sous la forme de granulés, elles permettraient de renforcer l’efficacité de la protection aphicide classique dans les situations à risque élevé, ou de retarder le premier aphicide dans les situations à risque plus faible.
Lâchers d’auxiliaires X aphicides
Des œufs et des larves de chrysopes sont testés pour augmenter les populations d’insectes prédateurs de pucerons dans les parcelles. Les lâchers sont réalisés avec un Delimbe équipé d’une soufflerie, en relais d’un premier traitement aphicide pour se positionner dans des conditions météorologiques favorables à leur activité, et à des densités de pucerons plus faibles. Une réduction du nombre de traitements aphicides est visée par cette combinaison.
Lâchers d’auxiliaires X plantes compagnes
Des lâchers de chrysopes sont réalisés sur des betteraves présentant un couvert de plantes compagnes pour évaluer l’effet additif des deux leviers. Les plantes compagnes pourraient également être plus favorables au développement et au maintien des chrysopes en leur fournissant un habitat plus diversifié et avec des proies alternatives disponibles lorsque les pucerons sont peu abondants.
Pour plus de détails sur ces travaux
Afin d’informer les betteraviers des solutions testées dans leur région, l’ITB propose une carte interactive avec des repères géographiques représentant chaque ferme pilote d’expérimentation (FPE). Les bornes donnent accès aux détails des essais conduits dans chaque FPE au cours des trois années du PNRI, et des deux années du PNRI-C. Les leviers et modalités testés y sont annotés par année. Les mécanismes en jeu, les mises en place 2025 et les projets concernés sont détaillés pour chaque levier, ce qui permet de mieux comprendre les attentes des solutions testées. Enfin, la newsletter PNRInfo permet de suivre chaque mois l’avancement des travaux du PNRI. Pour s’y abonner, il suffit de cliquer sur la mention « Recevez nos infos par mail et SMS » qui figure en bas de chaque page du site itbfr.org.
Témoignage d’expert de Fabienne Maupas, directrice technique et scientifique de l’ITB, coordination du projet FPE-C
Pourquoi les nouvelles solutions travaillées dans le PNRI ne sont pas encore utilisées par les agriculteurs ?
Le principal obstacle est le coût. Les solutions alternatives aux aphicides conventionnels actuellement sur le marché coûtent 2 à 6 fois plus cher. Le second frein est leur efficacité de 30 à 60 % pour celles qui fonctionnent le mieux. Donc c’est plus cher et moins efficace.
Les aphicides conventionnels, avec une efficacité de 80 %, ne suffisent-ils pas ?
Dans un champ avec 5 pucerons pour 10 betteraves, si l’agriculteur applique le meilleur aphicide disponible sur le marché qui permet une mortalité de 80 % des pucerons, il en reste toujours un qui va continuer de se reproduire, avec 1 à 3 nouveaux aptères le lendemain selon les conditions climatiques, qui seront eux-mêmes en capacité de se reproduire au bout d’une semaine. Donc la dynamique épidémique est très rapide et devient vite incontrôlable si les températures sont favorables. À cela s’ajoute le fait que ces produits ont une rémanence d’une dizaine de jours seulement.
Comment un agriculteur peut-il raisonner la combinaison de leviers ?
La stratégie doit être menée sur trois fronts : d’abord, réduire la quantité de réservoirs viraux ; ensuite, empêcher l’atterrissage des pucerons sur la culture et enfin, une fois seulement que les pucerons sont présents, freiner leur dispersion dans la parcelle.
La gestion des réservoirs viraux passe par la destruction avant les semis des repousses de betteraves. Ensuite, on cherche à dissuader les pucerons d’envahir la culture, par des plantes compagnes ou des odeurs. L’objectif est que les pucerons arrivent le plus tard possible, pour réaliser les traitements aphicides sur des plantes mieux développées et donc plus réceptives. Les variétés tolérantes qui arriveront progressivement sur le marché auront également toute leur place dans ce raisonnement car les premiers résultats montrent, d’une part, que certaines sont moins appétantes vis-à-vis du puceron et, d’autre part, que certaines ont une tolérance partielle aux virus.