L’atmosphère était à la fois festive et empreinte de réflexions, lors de la remise des prix des Betteraviers de l’année, le 25 avril dernier, au Campus Agro-Environnemental d’Arras. Cet événement organisé par le Betteravier français, avec le soutien des sociétés Deleplanque, Sencrop et Holmer, a mis à l’honneur des agriculteurs dont les portraits ont été publiés dans le journal en 2024.

Après un véritable show assuré par les Étudiants de BTS spécialité “Agronomie et culture durable“ pour annoncer leur favori, les lauréats ont entamé un débat sans langue de bois.

Du matériel trop cher

Laurent Caillaux dans la Sarthe, a souligné sa « ténacité à défendre la betterave » dans une zone excentrée à 140 km de la sucrerie d’Artenay. Une lutte menée pendant des années avec d’autres « irréductibles planteurs ». Mais, comme ces confrères, il est confronté à la flambée des coûts de mécanisation : « l’intégrale est une machine qui apporte un confort énorme en termes d’arrachage, mais on est obligé de l’acheter d’occasion. Les prix ont doublé et cela devient un vrai souci de renouveler son matériel ».

Besoin d’une météo fiable

Céline Vannier, installée dans l’Eure depuis 2015, a évoqué avec humour les défis de la reprise d’une exploitation et les aléas climatiques qui ont marqué ses premières récoltes. « Avant, je travaillais dans l’hôtellerie, il fallait supporter les clients. Les betteraves, c’est vachement plus sympa que les clients », a déclaré cette passionnée de betteraves et de lin. Céline Vannier a mis en avant sa démarche progressive vers le désherbage mécanique, soulignant le besoin d’une météo fiable pour ces techniques.

Un second souffle avec la méthanisation

Le témoignage d’Antoinette et Pierre Sainte-Beuve, agriculteurs dans l’Aisne, a illustré les complexités de la transition agricole, notamment la reprise d’une « exploitation vieillissante » et l’intégration d’une nouvelle activité – la méthanisation – qui a donné un second souffle à l’exploitation. Ils ont partagé les défis liés à la diminution des surfaces cultivables en zone périurbaine et la nécessité de s’adapter avec des variétés tolérantes aux herbicides. « Cette année, j’ai semé des betteraves Smart, c’est donc un peu le stress. Comme pour toute innovation au début on n’est pas très à l’aise. Mais j’ai la chance d’avoir des techniciens qui habitent dans mon village », a déclaré Antoinette Sainte-Beuve.

L’Innovation service du revenu

Face aux attentes des agriculteurs concernant les rendements, les maladies, la disparition des néonicotinoïdes et le changement climatique, le semencier Deleplanque, le fournisseur de données météorologiques Sencrop et le constructeur Holmer ont présenté leurs pistes d’innovation.

Marc Uberti, CEO Holmer Exxact, a reconnu les défis économiques rencontrés par les agriculteurs pour le renouvellement de leur matériel et a évoqué une réflexion sur la possibilité de proposer des machines plus adaptées aux agriculteurs souhaitant arracher eux-mêmes leurs betteraves.

Chez Sencrop, l’accent est mis sur l’exploitation des big datas et de l’intelligence artificielle pour affiner les prévisions météorologiques et aider les agriculteurs à prendre les meilleures décisions pour leurs interventions. « La possibilité de comparer différents modèles de prévision et d’accéder à un réseau de 40 000 de stations météo connectées représente un atout précieux », a expliqué Martin Ducroquet, co-fondateur de Sencrop.

Une sélection plus rapide avec les NGT

De son côté, le semencier Deleplanque travaille sur le développement de variétés tolérantes aux maladies et aux stress hydriques. Si l’Europe venait à autoriser les nouvelles techniques génomiques (NTG) cela permettrait une sélection variétale beaucoup plus rapide et adaptée aux changements climatiques. « Aujourd’hui, il faut entre 7 et 12 ans pour sélectionner une nouvelle variété. Avec les NGT, on pourra les mettre en marché en 3 à 5 ans », a estimé Maxime Bouton, directeur de l’activité betterave de Deleplanque.

Jérôme Hary, membre du comité de pilotage de l’ITB, a souligné le rôle essentiel de l’institut technique pour accompagner et développer les nouvelles pratiques qui arrivent chez les planteurs de betteraves.

Nécessité d’un soutien politique

Le débat a ensuite abordé des enjeux plus larges. Le secrétaire général de la CGB, Fabien Hamot, a insisté sur la nécessité de maintenir la rentabilité de la betterave face à la concurrence et aux défis environnementaux. Il a plaidé pour un soutien politique fort à la filière et pour des conditions de concurrence équitables.

L’économiste Philippe Ducroquet, auteur de l’Atlas des politiques agricoles et alimentaires, a apporté un éclairage global. Son analyse de 30 pays sur 5 continents a mis en lumière l’importance des politiques agricoles et des infrastructures dans la lutte contre la sous-nutrition, relativisant le rôle du potentiel agronomique. Il a également souligné la tendance croissante à la mondialisation des échanges agricoles (ceux-ci représentent par exemple 40 % pour le sucre) contrastant avec les discours en vogue sur la souveraineté alimentaire. Il a enfin insisté sur le fait que l’augmentation future de la production alimentaire proviendra principalement de la productivité et non de l’accroissement des surfaces, notamment en Afrique et en Amérique latine.

Enfin, Bruno Cardot, le betteravier star de la communication en agriculture sur les réseaux sociaux et les plateaux TV, a lancé un appel aux élèves présents pour qu’ils s’engagent dans la communication autour de leur métier. Utilisant l’humour et la pédagogie, il a démontré le potentiel de ces outils pour lutter contre les idées reçues et valoriser l’agriculture auprès du grand public.

Alice Varlet remporte le prix des étudiants

Les Étudiants de BTS spécialité “Agronomie et culture durable“ du lycée d’Arras ont voté pour Alice Varlet. Après avoir repris la ferme familiale dans l’Aisne, Alice Varlet a développé deux nouvelles activités. Des chambres d’hôte et une production de vin sont venues compléter les grandes cultures et l’élevage allaitant. L’exploitation agricole est maintenant bien diversifiée. L’activité de chambre d’hôte prend énormément de temps, mais Alice Varlet a aujourd’hui plein d’anecdotes sur ses rencontres avec une clientèle essentiellement urbaine. Alice Varlet pourra passer de l’autre côté du miroir quelques jours, puisqu’elle a gagné un séjour en Hotel 5 étoiles offert par le semencier Deleplanque.