Producteurs de luzerne dans la Marne, Sébastien Joly et Florent Millon pratiquent le désherbage mécanique. Le premier utilise du matériel ancien ou d’occasion et le second investit dans des outils plus récents et spécifiques, ceux-ci servant au désherbage d’autres cultures.
Adepte du vibroculteur
En 2013, Sébastien Joly s’est initié au désherbage mécanique de ses luzernes avec un vibroculteur de 6 mètres. Cet outil est équipé de cinq rangées de dents vibrantes et fines, de 35mm qui travaillent entre 4 et 8 cm de profondeur selon la structure du sol, d’un bâti de herses suspendues et d’un rouleau cage. Il s’en sert parfois pour désherber une jeune luzerne ou compléter un passage chimique. « À l’automne, le sol doit être suffisamment réhumecté pour permettre la pénétration des dents, indique l’agriculteur. Il convient de ne pas intervenir trop tôt en saison pour éviter de faire relever des adventices ». En 2023, il a investi dans un vibroculteur HE-VA. Plus lourd et plus large (8 m), il comprend six rangées de dents vibrantes de 40 mm et un rang de dents peignes. Il l’utilise à 8 km/h sur une profondeur de travail de 4 à 6 cm. Ce vibroculteur a été utilisé pour la première fois en novembre dernier sur une luzerne d’un an. Malheureusement, les pluies incessantes ont favorisé le repiquage et la relevée des vulpins. Un second passage mécanique a alors été nécessaire. Sébastien Joly a testé la herse à dents, qui ne l’a pas convaincu, et une roto-étrille Einbock de 12 m de large. « Cette dernière pourrait compléter le travail du vibroculteur à condition que son passage soit suivi de plusieurs jours consécutifs de temps sec pour un résultat optimal », souligne-t-il.
Bluffé par le travail de l’Actisol Stell’Air
En agriculture biologique depuis 2017, Florent Millon sème ses luzernes sous couvert d’orge ou de blé de printemps, voire de tournesol. Il les désherbe mécaniquement en sortie d’hiver lorsque le sol est suffisamment ressuyé. Pour ce faire, il a récemment investi dans un Actisol Stell’Air de 6 m. Cet outil se compose de deux rangs de stelles rapprochées, équipées de doigts en forme de cuillères incurvées pour soulever et projeter la terre et les adventices. L’inclinaison de chaque rang est contraire à l’autre pour mulcher partout. À l’arrière, trois rangs de peignes de diamètre 16 mm permettent de niveler le sol. Florent Millon se dit bluffé par « le travail incroyable » réalisé par cet outil. Il effectue au minimum deux passages à 15 jours d’intervalle, l’un dans le sens de la longueur et l’autre en diagonale à une vitesse de 10 km/h et sur une profondeur de travail de 8 à 10 cm. Ensuite, il passe la herse étrille puis la rotoétrille. « Je n’interviens jamais si les conditions météo sont limites, précise-t-il. Je préfère broyer la luzerne avant la première coupe plutôt que de gaspiller mon temps et du carburant. Le contrôle des graminées est essentiel surtout si je sème ensuite un blé de printemps ou du chanvre ».
Point de vue de Honoré Labanca, responsable agronomique L.C.A. luzerne de France
« Face au retrait des substances actives qui s’accélère, il nous faut trouver des solutions pour produire des luzernes de qualité. Pour ce faire, nous réalisons des essais de désherbage chimique, mécanique et mixte afin d’obtenir des références techniques. À l’implantation, entre le stade 3 et 7 feuilles trifoliées, le désherbage mécanique reste difficile, sauf à utiliser une bineuse optique. Ce matériel reste toutefois peu répandu en système conventionnel. Durant cette même année, à l’automne et si la luzerne est bien implantée, la roto-étrille complète efficacement un désherbage chimique d’automne, voire un passage de vibroculteur sur des adventices très développées. Le coût du passage d’un outil mécanique (carburant compris) équivaut à celui d’un passage chimique (données encore à l’étude). En revanche, cette pratique nécessite plus de temps de travail, ce qui représente un frein à sa mise en place. En plus de réduire l’Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT) de la luzerne, le désherbage mécanique permet de produire une culture de qualité, valorisable sur le marché de l’alimentation animale, et propice à favoriser un prix rémunérateur aux producteurs. »