À 80 € la tonne et un rendement de 60 t/ha à 15,5 °S, la betterave bio a été très rentable en 2024. Pour Damien Grégoire, qui s’est installé en 2021 à l’âge de 40 ans, la dernière campagne betteravière est la meilleure. En effet, ses rendements tournent plutôt autour de 50 t/ha depuis que la ferme a été convertie en agriculture biologique en 2019, juste avant que son père Patrice ne prenne sa retraite. « Nous sommes partis tous les deux de zéro », se rappelle Damien Grégoire.
L’importance des débouchés
La conversion a été possible grâce à l’accompagnement de la régie Eau de Paris, car l’exploitation est située sur un bassin de captage. Et puis surtout, les débouchés étaient présents sur la région, avec la sucrerie Cristal Union de Corbeilles-en-Gâtinais pour la betterave, la déshydratation SidéSup à Engenville pour la luzerne et le site de Gatichanvre à Prunay-sur-Essonne pour le chanvre. La coopérative locale Terre Bocage Gâtinais (TBG) a également converti un silo en bio. La luzerne (qui apporte de l’azote) et le chanvre (utile pour maitriser les mauvaises herbes) sont rentrés dans la rotation, qui était auparavant très classique.
Semis 1 mois plus tard
Damien Grégoire sème ses betteraves un mois plus tard que tout le monde, pour laisser le temps à la terre de se réchauffer, « la betterave démarre plus vite, elle est ainsi moins concurrencée par les mauvaises herbes ».
Si l’année 2024 a été finalement très bonne, elle avait pourtant mal commencé. « Je n’ai jamais vu mes betteraves semées le 11 avril, car elles ont été mangées par les limaces. Je les ai donc re-semées le 10 mai en mettant cette fois-ci de l’anti-limace biologique. » Damien Grégoire pense que ce retard a permis aux betteraves d’échapper à une attaque de cercosporiose précoce. En revanche, n’ayant pas trouvé assez d’unités de semences, il a dû semer 2 rangs avec une variété différente. « Une variété a très vite pris la cerco. C’était à couper au couteau. Il y avait deux rangs de betterave complètement effeuillés, alors que les Betaseed sont restées vertes jusqu’à la récolte. »
Herse étrille au stade fil blanc
Tout le désherbage se fait mécaniquement avec un passage successif d’une herse Treffler, d’une houe rotative et d’une bineuse Garford guidée par caméra.
Damien Grégoire a bien pu mesurer l’intérêt d’un passage de herse étrille, 3 jours après le semis, pour enlever les petites plantules au stade fil blanc. En 2022, il a en effet oublié de passer la herse sur une bande de 3 mètres. « Je suis arrivé dans le champ et j’ai vu une bande pleine de mauvaises herbes », montre-t-il sur une photo. Pour réussir ce premier passage, il faut être attentif au réglage de la tension de la herse et à la vitesse (entre 1 et 2 km/h maximum) pour ne pas déplacer les graines.
Ensuite, il passe la houe, qu’il possède avec deux autres voisins, puis la bineuse Garford, équipée de cœurs et de doigts Kress, jusqu’à fermeture des rangs.
« La première année, je n’ai pas été assez attentif et j’ai dû broyer mes betteraves avant de les récolter », se rappelle-t-il.
Quand la betterave couvre le sol, une écimeuse coupe les mauvaises herbes qui dépassent. Damien Grégoire a aussi testé la désherbeuse à pneu d’un voisin, qui a donné de bons résultats, mais la terre doit être humide pour bien arracher les racines.
Pour l’instant, les adventices sont bien maîtrisées. Mais l’agriculteur pense qu’il va arriver sur des années où il faudra redoubler de vigilance. « La luzerne a un pouvoir nettoyant limité dans le temps. Quatre ans après l’implantation, je commence à voir quelques petits ronds de chardon. Je pense que les cinq premières années en bio sont les plus faciles, parce que l’on part d’une situation plutôt saine. »
Le triptyque rendement correct, faibles charges et aide de l’agence de l’eau explique le bon résultat économique de l’exploitation.
La régie municipale Eau de Paris et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie versent une subvention directe de 450 €/ha les cinq premières années, puis 220 €/ha les deux dernières années (l’engagement est pour 7 ans).
Au niveau des coûts de production, le matériel de désherbage mécanique est amorti sur l’ensemble de la ferme, les semences de betterave sont non traitées et Damien Grégoire obtient des betteraves propres sans utiliser de la main-d’œuvre, qui coûte deux à trois fois le prix d’un passage mécanique.
Le rendement en betterave bio tourne autour de 50 t/ha. Un chiffre à comparer au rendement moyen de 82 t/ha quand la ferme était en système conventionnel. « Avec une betterave payée 80 €/t et zéro coût en phyto, le revenu est resté stable », estime l’agriculteur.
Damien Grégoire semble avoir trouvé un modèle résilient. « Je suis toujours en train d’ajuster les surfaces », avoue l’agriculteur, qui estime avoir atteint une certaine cohérence technique et économique.