L’usage des biostimulants progresse en colza avec 10,7 % des surfaces concernées en 2024, selon la dernière enquête de Terres Inovia, contre 5 % en 2020. Autre indicateur témoignant d’une attente forte de la part des producteurs : selon le panel du cabinet Kynetec, 22 % des hectares développés en 2023 ont bénéficié d’un biostimulant, devançant les céréales (11 %), mais restant derrière le lin (31 %). « Les agriculteurs sont vraiment en recherche de solutions pour améliorer la santé de leur culture et sécuriser les rendements », observe Cécile Le Gall, chargée d’études chez Terres Inovia. Aussi, l’institut technique a présenté, le 6 mars, les résultats de son programme d’expérimentation dans le cadre d’un webinaire « Les Jeudis de TI ».

Seize biostimulants testés

Entre 2019 et 2023, Terres Inovia a donc conduit 32 essais en blocs de 6 répétitions, dont 17 avec ses partenaires issus du projet Adaptacol (mené dans le cadre du Plan de sortie du phosmet). Les parcelles d’essais, majoritairement en « petites terres », n’ont pas reçu de produits organiques l’année de l’essai. L’objectif était de mesurer l’impact des biostimulants selon trois objectifs : l’efficacité d’utilisation des éléments nutritifs, la tolérance au stress abiotique et les caractéristiques qualitatives.

Seize produits ont été testés, parmi lesquels des extraits d’algues, des oligo-éléments, des acides humiques, fulviques ou aminés, des composés contenant du phosphore et de la potasse, ainsi que des produits à base de bactéries vivant dans les tissus des plantes (endophytes). La première catégorie de positionnements ciblait le début de cycle, afin de soutenir la levée, améliorer la croissance et l’absorption des nutriments. La seconde, pilotée au printemps, devait sécuriser la floraison et le remplissage des siliques. De plus, le réseau a couvert des conditions très contrastées. « Au-delà des variations climatiques entre les années, la pluviométrie n’a pas dépassé 70 mm entre le 15 août et le 1er octobre dans 44 % des essais, précise Cécile Le Gall. À l’inverse, pour 16 % des essais, elle excédait 100 mm. Quant à la floraison, elle a été marquée par des précipitations élevées, comprises entre 200 et 240 mm dans 40 % des cas. »

Pas de gain de rendement significatif

Résultat : « Sur les 32 essais, un seul a montré un effet positif significatif dans au moins une des six modalités testées », constate Cécile Le Gall. Il s’agissait d’un biostimulant à base d’extraits d’algues et d’oligo-éléments. Tandis qu’un autre s’est révélé contreproductif. « D’ailleurs, le positionnement a été modifié ultérieurement par la firme car il provoquait, dans certains cas, un impact négatif à la floraison, précise-t-elle. Globalement, l’effet sur le rendement net s’avère quasi nul. » L’écart moyen observé est de – 0,3 q/ha comparé au témoin, donc non significatif. De plus, aucun essai n’apporte un gain de rendement supérieur à 10 %.

Même constat sur la biomasse en sortie d’hiver et la vigueur des plantes. « Dans les situations de stress hydrique ou thermique marquées, nous n’avons pas observé d’effet bénéfique plus important qu’en situation non stressée », souligne-t-elle.

Comment expliquer ces décalages, alors que la littérature internationale rapporte plutôt une hausse des rendements de 16 % en colza et tournesol ? « L’une des explications serait que ces essais sont sûrement réalisés dans des situations plus stressantes, mais aussi que ce sont avant tout les résultats positifs qui sont publiés », partage l’ingénieure.

Enfin, pour la teneur en huile, quatre essais ont montré une amélioration significative, de l’ordre de 0,1 à 0,2 point par rapport au témoin. « Cependant, au niveau industriel, il faudrait au moins un point de plus pour que cela soit réellement intéressant », précise Cécile Le Gall. Par conséquent, les essais font ressortir des marges négatives pour un colza à 400 euros la tonne.

Un colza moins sensible à la biostimulation ?

Pourtant, la réponse semble plus marquée pour des cultures de printemps, le colza serait-il moins sensible à la biostimulation ? « D’abord, il possède une forte capacité de compensation, sous réserve d’être bien implanté », explique Cécile Le Gall. Cette culture s’adapte aux stress en développant des ramifications secondaires, compensant ainsi la perte de tiges ou de fleurs. Ensuite, le positionnement et le nombre d’applications testés étaient probablement insuffisants pour faire face aux stress subis tout au long d’un cycle long. « Nos protocoles prévoyaient une ou deux applications, mais il est possible que cela ne suffise pas à induire un effet notable », analyse-t-elle.

Par ailleurs, la diversité des contextes pédoclimatiques et le manque de ciblage des conditions optimales d’utilisation rendent l’interprétation des résultats plus complexe. « Aujourd’hui, nous avons encore trop peu de connaissances sur les facteurs qui influencent la réponse de cette plante au biostimulant, conclut la chargée de mission. Malgré tout, un biostimulant doit s’envisager comme une aide au sein d’une combinaison de leviers agronomiques et non un substitut. » Quant aux essais en grandes bandes, Terres Inovia attend de disposer d’une méthodologie robuste, tant pour la mise en place des essais que pour leur analyse statistique. Pour en savoir plus : webinaire « Les Jeudis de TI » sur les biostimulants.