C’est une vieille histoire qui vient de trouver une heureuse conclusion. On sait que les populations de cormorans deviennent envahissantes et que cet oiseau consomme au moins 500 grammes de poissons par jour. À partir de l’automne, on le voit à peu près partout, aussi bien sur de grands fleuves comme la Loire ou la Seine, mais aussi sur les étangs, les réservoirs, les lacs et les petites rivières. Il s’abat aussi sur les piscicultures. C’est donc devenu une nuisance.

Les pouvoirs publics pris en tenaille entre les mouvements « animalistes », et les pisciculteurs ont longtemps louvoyé. Une année on pouvait tirer, la suivante, c’était devenu impossible. En cassant une décision administrative protectrice, le Conseil d’État, en 2024, avait sommé le ministère de changer son fusil d’épaule. C’est fait.

Le gouvernement n’a donc pas « entendu » les revendications des pisciculteurs. C’est le Conseil d’État qui lui a tordu le bras. L’arrêté du 19 septembre 2022, avait suscité de vives réactions de la part de la Fédération Nationale de la Pêche en France et de la protection du milieu aquatique (FNPF). Mis devant l’obligation de rectifier le tir, le ministère de la Transition écologique a publié le 26 février dernier un nouvel arrêté autorisant l’effarouchement et le tir des cormorans. « Face aux dégâts provoqués chez les poissons d’eau douce, l’objectif est de limiter la prédation dans les piscicultures et chez les espèces aquatiques protégées », précise le gouvernement.

Très friand de brochets, de truites ou d’ombres, le cormoran est devenu la bête noire des pisciculteurs et des pêcheurs. Sa population a explosé au cours des quarante dernières années. En 1983, on comptabilisait 15 000 grands cormorans. Désormais, ils sont plus de 115 000 à s’installer chaque hiver en France.

L’arrêté précise que les quotas de « tirs dérogatoires » seront fixés par chaque préfet dans les départements, dans la limite de 20 % des effectifs de cormorans. Ce plafond pourra dans certaines circonstances être augmenté, jusqu’à 30 %.

Les autorisations d’effarouchement ou de tir peuvent être accordées dans les zones de pisciculture en étang, ainsi que dans d’autres zones où la prédation a des impacts avérés sur les populations de poissons menacées. Cela inclut les cours d’eau, les plans d’eau connectés, les fossés et les canaux.

Certains départements, notamment le Calvados, les Côtes-d’Armor, l’Eure, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, la Manche, le Morbihan et la Seine-Maritime, sont exclus de ces mesures. Cela est dû à la présence d’une sous-espèce de cormoran strictement protégée, le Phalacrocorax carbo carbo.

Tir autorisé jusqu’à 100 mètres des rives

Les effarouchements et les tirs peuvent être effectués pendant toute la période de chasse, en journée, et jusqu’à 100 mètres des rives des cours d’eau, plans d’eau ou canaux.

À noter que des opérations exceptionnelles de destruction des nids et des œufs peuvent être décidées par les préfets, en fonction des besoins spécifiques et des contextes locaux.

Cette mesure aura-t-elle un impact significatif sur les populations de cormorans ? C’est la question que l’on peut poser. Tous les naturalistes savent que lorsqu’une espèce explose, les tirs ne sont pas suffisants pour calmer la progression. On le voit bien avec l’augmentation constante des sangliers, tirés et retirés de toutes les manières possibles. Il y a des lois de la nature qui nous échappent. Pourquoi la tourterelle turque a-t-elle envahi toute l’Europe et l’Afrique du Nord ? Pourquoi le pigeon ramier devient-il si abondant ? Il faut à chaque fois avancer une explication qui n’explique rien. Il est vrai que lorsque l’on ne sait pas quoi dire, il reste une carte majeure : le « réchauffement climatique » …

Cela posé, les pisciculteurs vont pouvoir défendre leur exploitation et c’est une bonne chose. Si on peut dissuader les oiseaux noirs de s’attaquer à la truite et à l’ombre et si on peut éliminer les cormorans qui se sont spécialisés sur certaines portions de rivière, ce sera bien aussi.

Pour les chasseurs, cet oiseau n’a aucun intérêt. Il vole lourdement et sa chair ne vaut pas grand-chose même si certains, à grands coups d’herbes aromatiques et d’alcools variés parviennent à en tirer, paraît-il, un ragoût convenable. Si les chasseurs prêtent main-forte, c’est donc par désir de préserver les équilibres et la biodiversité.

C’est donc une victoire pour tous ceux qui la défendent. Bien entendu, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) réagit vertement. « Le grand cormoran a toute sa place dans nos paysages en tant que prédateur originel des cours d’eau français et faire de cet oiseau le bouc émissaire de la régression des poissons d’eau douce est un non-sens et camoufle les véritables causes : pollution et dégradation de la qualité des eaux, barrages et discontinuité écologique, réchauffement climatique et sécheresses meurtrières ». Cette association est opposée à toute mesure de régulation… à l’exception notable du chat, dont elle dénonce les vagabondages et l’appétit pour les passereaux.

Elle aimerait bien que l’on trouve des solutions énergiques pour limiter la casse. Personne n’est parfait …

Pour les chasseurs, cet oiseau n’a aucun intérêt.