Depuis le 10 mars dernier, la Chine a instauré des droits de douane de 15 % sur les importations de maïs américain. Mais depuis le début de la campagne, elle n’en a importé que 200 000 tonnes, selon le Conseil international des céréales (CIC) ! En fait, elle n’achètera que 30 Mt de céréales cette campagne-ci, dont 7,5 Mt de maïs, essentiellement d’Amérique du Sud. En 2023-2024, elle s’était fait livrer 63 Mt de grains.

Aussi, la Chine contribue fortement à la contraction de la demande mondiale de céréales observée depuis le mois de juillet 2024 et estimée par le CIC à 32 Mt. Les échanges mondiaux de grains se replient ainsi de 9 % à 416 Mt.

Pour 2025-2026, le Conseil international des céréales prédit une légère reprise des échanges mondiaux de grains (424 Mt ; +6 Mt) portée accessoirement par la Chine (32 Mt ; +2 Mt). Elle n’importerait que 7,5 Mt de blé, 8 Mt de maïs et 10 Mt d’orges et du sorgho.

La taxation douanière de la Chine à l’égard du maïs américain est très symbolique. Mais l’Empire du milieu est coutumier de telles sanctions lorsqu’un de ses partenaires commerciaux le “déçoit“ ou ne s’aligne pas sur ses positions.

Fin de la libéralisation heureuse

« On observe dans le monde une reprise en mains des échanges mondiaux de céréales par les États, soutient Philippe Mitko du Synacomex. Nous vivons la fin de la libéralisation heureuse !». Lors de la 16e matinée export d’Intercéréales et d’Agro Bourse Paris, le 19 mars dernier, il a listé les plus récentes initiatives prises à cet égard par différents gouvernements. Les États-Unis taxent et détaxent au fil des humeurs de son président réélu, Donald Trump. Chaque fin d’année, la Russie fixe des quotas d’exportations et des prix minimums souvent inappropriés. « Avec un rouble ragaillardi, les exportateurs pourraient ne pas utiliser cette année le quota fixé à 10,6 Mt. Le prix de vente est trop faible et en plus les stocks sont déjà bien entamés », souligne de le CIC.

Le 1er avril prochain, la Commission européenne pourrait décider de taxer à son tour le maïs étasunien, mettant alors un terme à la reconquête très récente du marché européen des céréales par les États-Unis. Ils étaient quasi absents il y a encore 2-3 ans.

Cette campagne-ci, ils en ont déjà expédié plus de 2,6 Mt, principalement vers l’Espagne. Le marché européen représente à lui seul 5 % des débouchés du maïs étasunien à l’export.

En Afrique, le Maroc prévoit de sécuriser ses approvisionnements de blé en les contractualisant avec plusieurs pays partenaires et en particulier avec la France, son premier partenaire commercial. Quand l’Égypte et l’Algérie se lancent dans de vastes programmes de productions de céréales irriguées dans leur désert.

« Taxer, boycotter et imposer des quotas sont des mesures politiques prises à l’encontre de la transparence des marchés des céréales recherchée par AMIS, le système d’information sur les marchés agricoles créé en 2011 par la FAO pour fluidifier leurs fonctionnements et pour éviter leur emballement en période de crise », déplore Alexis Poullain, expert des marchés matières premières à la FAO.

Quoi qu’il en soit, le CIC table sur une production mondiale de céréales de 2 368 Mt en 2025-2026, en hausse de 2,7 % sur un an. Sur les 424 Mt de céréales exportables (+ 6 Mt), les principaux pays exportateurs en vendront à eux seuls 365 Mt, soit 14 Mt de plus que la campagne actuelle, et ce sans le concours notable de la Russie (52 Mt ; +2 Mt sur un an). Autrement dit, les 64 Mt produites en plus seraient essentiellement consommées par les pays structurellement déficitaires en grains. Seules 11 Mt contribueraient à la reconstitution de leurs stocks (142 Mt).

En se basant sur les déclarations des surfaces implantées et sur l’état des cultures, l’Union européenne est partie pour produire 275 Mt de céréales et pour en exporter 44 Mt (+ 4 Mt), selon le CIC. Mais la récolte débute dans quatre à cinq mois !