En marge du Salon international de l’agriculture, Bayer a réuni le 25 février plus de 70 responsables techniques de la distribution agricole et de la prescription, à l’occasion du colloque HerbiPro. Objectif : préparer l’avenir du désherbage des céréales à paille, alors que la fin annoncée du flufénacet impose une refonte des stratégies. « Nous sommes à la veille d’un bouleversement réglementaire majeur », prévient Sophie Huvier-Boutin, directrice marketing de Bayer CropScience France. Face à ce retrait prévu pour fin 2025, « le besoin d’innovation n’a jamais été aussi pressant », confirme Alice Nolli, cheffe de marché des herbicides céréales.
Projet herbicide Aclo Duo : la réponse technique pour l’automne 2026
D’ores et déja, Alice Nolli observe une évolution marquée des pratiques de désherbage d’automne. « Les stratégies de prélevée et des programmes en deux passages montent en puissance, avec un recours croissant à l’aclonifène », précise-t-elle. En effet, au moins 7,4 % des surfaces de blé tendre ont reçu cette substance active en 2024.
Dans ce cadre, Bayer prépare pour l’automne 2026 le lancement du projet herbicide Aclo Duo (code d’expérimentation H325BCS) associant 500 g/l d’aclonifène et 100 g/l de diflufénican (DFF), utilisable sur blé tendre et orge d’hiver. « Doté d’un mode d’action unique, l’aclonifène inhibe la biosynthèse des caroténoïdes et des enzymes essentielles à la photosynthèse, détaille Alice Nolli. Ce double site d’action évite le risque de développement de résistances. » L’association avec le diflufénican renforce l’efficacité du produit, qui vise un spectre large contre les graminées (vulpin, ray-grass, pâturin annuel, agrotis) et les dicotylédones dont le coquelicot.
« Aclo Duo sera la pièce maîtresse du désherbage de demain », estime Magalie Devavry, responsable technique en herbicides céréales. Il est destiné à un positionnement en post-semis/prélevée, en association avec un herbicide partenaire ou en programme. « Le suivi de la recommandation, je sème – je désherbe, permet d’obtenir les meilleures efficacités », ajoute-t-elle.
Nouveaux leviers agronomiques à l’étude
Si la chimie reste un pilier du désherbage, Bayer rappelle l’importance des pratiques agronomiques, surtout avec la pression croissante des graminées et la réduction des matières actives disponibles. Rotation des cultures, décalage de la date de semis, faux-semis, travail du sol, désherbage mécanique : ces leviers restent essentiels pour agir sur le stock semencier et limiter les infestations. D’autres pistes émergent, comme l’application localisée des herbicides, l’écimage ou la récolte des menues pailles.
Parallèlement, le levier variétal prend de l’ampleur. Bayer travaille avec RAGT sur des variétés de blé hybride qui pourraient offrir de nouvelles solutions. « Elles faciliteront la gestion des adventices en raison d’une meilleure adaptation aux semis tardifs, d’une vigueur à la levée renforcée, d’une biomasse foliaire et racinaire plus importante », souligne Murielle Moille, responsable du projet blés hybrides chez Bayer. L’objectif est de sélectionner des blés plus couvrants, capables de concurrencer efficacement les adventices et de soutenir les techniques culturales telles que le désherbage mécanique.
L’intelligence artificielle, pour concevoir les molécules
Bayer réinvente la recherche à travers son approche CropKey. « 80 % de ce que nous faisons aujourd’hui en laboratoire n’existaient pas il y a cinq ans », observe Mélanie Héroult, responsable de la recherche sur les herbicides chez Bayer. Alors que les approches classiques reposaient sur le criblage de milliers de molécules, CropKey inverse la logique : « avant, on testait des clés, les molécules, jusqu’à trouver celle qui ouvrait la serrure, la protéine ciblée. Aujourd’hui, on part de la serrure pour fabriquer la clé sur mesure ». Ce procédé, plus rapide et plus précis, utilise l’intelligence artificielle. Il intègre dès les premières étapes des critères de sécurité et de durabilité. Trente molécules issues de CropKey sont actuellement à l’étude, dont des herbicides.
« Avec cette nouvelle approche, nous créons des profils permettant enfin de rompre les résistances », ajoute la chercheuse.
Par ailleurs, face aux défis techniques à relever en désherbage, Bayer prône une gestion collective ainsi que le recours à une pluralité de méthodes et de technologies. « Nous continuons à travailler sur une large palette d’outils dont fait partie la chimie, mais elle nécessitera d’être utilisée en combinatoire, conclut Yves Picquet, président de Bayer France. Dans ce cadre, nous prenons en compte toutes les technologies, dont l’intelligence artificielle. Ces outils plus précis augmentent le champ des possibles et nous ouvrent de belles perspectives pour l’avenir. »
Autre temps fort du colloque : le rôle concret de l’intelligence artificielle. Mehdi Siné, directeur général de l’Acta, souligne son potentiel pour optimiser l’expérimentation et générer des bulletins sur la santé des plantes. Il rappelle l’importance de la formation et de la vigilance. Il prend pour exemple une récente demande de reconnaissance d’une plantule de panic que Chat GPT a identifiée comme étant une véronique ! De son côté, Bayer teste en interne un chatbot pour accompagner l’usage du système Conviso Smart, en s’appuyant sur des données techniques et scientifiques issues de ses sources.