« Le peuplier est rentable », soutient Eric Vandromme, betteravier de l’Oise qui produit du plant de peupliers depuis 2001. Son entreprise France Peupliers, située à Bury, fournit 10 % du marché français (soit 130 000 plants par an), notamment dans la moitié nord du pays. « L’objectif est d’avoir une croissance très rapide, en optimisant tous les facteurs de production ». La demande (cageots, boîtes de camembert, bourriches, encadrements de portes) augmente. Et la présence d’usines de déroulage (Thebault à Marigny-le-Chatel dans l’Aube, Garnica à Troyes, LCD à Magenta dans la Marne…) donne une vraie visibilité au marché.

Premier impératif : il faut choisir un cultivar correspondant aux besoins du marché. L’évolution variétale est très rapide, expose le pépiniériste qui multiplie 200 000 boutures pour les obtenteurs. Le peuplier est la troisième espèce au monde dont le génome a été complètement décrypté. Les Belges recherchent des plants plus tolérants aux maladies (chancre, rouilles…), les Italiens des tolérances face à la problématique des insectes.

Une création variétale importante

« Les nouveaux cultivars sont plus productifs que les anciens. Diva, par exemple, est une véritable Formule 1, commercialisable à partir de 14 ans en très bonnes conditions » s’enthousiasme le pépiniériste. Par contre, il est à éviter en sol marécageux ou acide, où Trichobel et Vesten pousseront. Taro est un cultivar tranquille, mais toujours à l’arrivée en Hauts-de-France. Il faut adapter le choix de la variété au sol : séchant, acide, argileux… La résistance aux maladies, aux insectes, à la casse au vent varie aussi selon les cultivars. De même que l’attractivité pour les cervidés (faible pour Tucano, forte pour Diva).

La date de débourrement et de la chute des feuilles est aussi importante. Dans certaines zones, notamment dans l’Aisne, des gels précoces peuvent geler les feuilles des peupliers sur les variétés au débourrement précoce. Or, moins de feuilles implique moins de photosynthèse et de croissance.

À nouveau rentable

La récolte s’effectue 15 à 25 ans après la plantation. Ce qui en fait l’essence sylvicole la plus productive. Le coût d’une plantation d’un hectare (environ 200 arbres) démarre à 2600 € (6,2 € le plant, 5,2 la plantation et 1 € la protection anti-gibier) estime Éric Vandromme. Les coûts de plantation varient de 5,20 €/pied avec le tracteur et la tarière, à 6,5 € avec une dent de sous-solage et un jalonnage. Il passe à 6,5 € dans le cas de l’utilisation d’une grue de 18 tonnes, voire 10 € si une grue redépose de la terre sur chaque tronc. Mais dans certains cas, cela peut faire gagner 4 ans de pousse, affirme le spécialiste. Utiliser les crédits carbone de certaines entreprises permet de payer la totalité ou une partie de la plantation.

Les prix de vente ont augmenté autour de 63€/ m3 et jusqu’à 110 € en cas de qualité excellente. Les troncs se récoltent à une circonférence de 1,4 m, avec plus de 1m3 par arbre, sans compter le houppier utilisable en bois énergie. Ce contexte porteur rend la populiculture à nouveau rentable pour les propriétaires.

Soigner la plantation

La plantation s’effectue en plantant des plançons de deux ans (5 à 6 m) à un mètre de profondeur. Avec le réchauffement climatique et la conservation en frigo des plants, les dates de plantation peuvent être plus tardives (jusqu’en juin). Le stockage au froid a l’avantage de stimuler la rhizogénèse (développement des racines).

Les planteurs utilisent soit une tarière, une pelle mécanique ou une dent de sous-solage, mieux adaptée aux sols compacts, limoneux-argileux. Eric Vandromme emploie aussi une planteuse Rabaud qui effectue un trou à l’avant du tracteur, pendant qu’à l’arrière le plant est enfoncé et de la terre fine ramenée sur les côtés. Il est important de ne pas laisser de poches d’air près du plant. En argile, l’expert préconise de réaliser un trou avec une minipelle de 18 tonnes plusieurs mois avant la plantation. Certains repassent avec la grue pour mettre un peu de terre sur chaque pied, ce qui permet aussi d’avoir un espace désherbé.

La concurrence avec les adventices peut être féroce. Elle doit dans tous les cas être limitée pour optimiser la pousse de l’arbre, et ce dès les premières semaines. Il est possible de réaliser un disquage en avril-mai. Après la plantation, la pose de protection s’avère indispensable contre les dégâts de chevreuil.

L’élagage reste une étape importante (souvent à 2, 4 et 6 ans). Soligo nécessite une intervention rapide. Diva, avec ses branches fines, dispose d’une facilité d’élagage. Koster fournit beaucoup de petites branches. « D’une variété à l’autre, il faut une main douce ou ferme ».