Drôle d’ambiance sur le marché mondial du sucre. Bien que les spéculateurs soient largement nets-vendeurs, de quelque 6,7 Mt de sucre, le marché résiste, et l’échéance de mars prochain, qui expire bientôt, reste proche des 20 cts/lb pour le sucre brut. La demande semble donc bien robuste, ce que confirme la prime de blanc – la différence entre le sucre raffiné et le sucre brut – qui revient autour de 90 $/t : un niveau que l’on n’avait pas vu depuis l’entrée en campagne 2025-2026. Dès lors, cette position des spéculateurs deviendrait-elle désormais un des principaux facteurs de hausse ?
Pour l’Union européenne, la Commission européenne vient de diffuser la dernière valeur du sucre qui a quitté les usines dans la grande région de l’Ouest européen (France, Allemagne, Belgique et Pays-Bas) en décembre dernier : 570 €/t. C’est une chute de 33 % par rapport à l’an dernier, à la même époque – et une baisse de 6 % depuis l’entrée en campagne 2024-2025. On l’attendait : cette baisse n’est que le reflet de négociations antérieures, qui ont principalement eu lieu l’été dernier, alors que les stocks européens débordaient de sucre ukrainien. Et il est d’ailleurs possible que la baisse de ces valeurs se poursuive, en raison du décalage entre la négociation et la livraison. Mais cela ne reflétera pas le marché actuel, celui du spot, qui continue à montrer des signes de reprise.
En effet, selon S&P, le sucre spot a gagné 50 €/t depuis l’entrée en campagne. Deux choses peuvent expliquer cette remontée, qui ressemble à une anticipation de hausse à venir…
La première, c’est l’anticipation des semis : il semble clair que les surfaces de betteraves semées en mars seront inférieures à l’an passé : autour de -3 à -5 % sur l’Union à 27. Depuis que les Britanniques savent qu’ils n’auront pas de dérogation pour l’utilisation de néonicotinoïdes, ce chiffre pourrait même baisser encore davantage en y incluant les surfaces du Royaume-Uni…
La seconde vient une nouvelle fois d’Ukraine : les importations d’Ukraine resteront cette fois encore limitées, et la profession entend bien réduire le contingent actuel de 262 000 tonnes, dès juin prochain, lors de la révision de l’accord commercial.
Dans ce contexte plutôt haussier, le marché mondial reste scruté : quel sera son niveau lors de l’été prochain, quand ouvriront les négociations pour la campagne sucrière 2025-2026, donc celle qui correspond aux betteraves à semer le mois prochain ? C’est la question que tous les opérateurs tentent d’anticiper, mais il sera difficile d’y voir clair avant l’ouverture de la campagne brésilienne, en avril prochain !
Timothé Masson, CGB