« Depuis les années 1990, la faune sauvage ne cesse de décliner, constate Solène Allart, de la Fédération des chasseurs de la Marne. Avec une baisse des effectifs d’oiseaux de plaine de 30 % (alouette des champs, caille des blés), des perdrix et des populations de lièvres. Si la dégradation des habitats agricoles est en cause, il y a aussi les moissons de plus en plus précoces. »
Laisser des chaumes de 25 cm
De nombreuses espèces utilisent les parcelles de céréales pour se reproduire, comme la caille des blés. Pendant la moisson, leur nidification est à son apogée. Les lièvres et certains oiseaux comme les alouettes ou les faisans nidifient et élèvent leurs petits jusqu’en septembre.
Laisser des chaumes d’au moins 20 cm, idéalement 25 cm, favorise leur survie. De même, garder quelques surfaces de chaumes sans travail du sol tout l’été, avec quelques adventices, permet de garder un habitat pour de nombreuses espèces à un moment clé de la reproduction et de l’élevage des jeunes.
Autre atout, l’alouette consomme 6 à 8 grammes d’adventices par jour, soit 4 000 à 6 000 graines (renouée faux-liserons, renouée des oiseaux, chénopodes et géranium). De plus, cela permet de garder des plantes messicoles. Le mulch issu du broyage de paille dynamise aussi la microfaune à la surface du sol, favorisant l’alimentation des espèces insectivores.
Diversifier les couverts aérés et couvrants
L’idéal est d’avoir une diversité de couverts à côté des chaumes, poursuit Solène Allart. Certaines études quantifient cinq fois plus de passereaux dans les couverts d’interculture que dans les céréales. Celui-ci doit être couvrant, aéré et diversifié. Couvrant pour protéger le petit gibier contre les prédateurs. Aéré pour favoriser la libre circulation de la petite faune. Diversifié pour offrir une ressource alimentaire à la faune et aux pollinisateurs. Il faut viser plusieurs étages de végétation.
Les couverts de légumineuses sont particulièrement attractifs pour les mammifères (lièvres, chevreuils). La destruction des couverts à l’automne se situe hors période de reproduction.
ITINÉRAIRES D’IMPLANTATION DE COUVERTS PROPOSÉS DANS LE PROGRAMME AGRIFAUNE
Sursemis de céréales
Du trèfle violet ou de la luzerne est semé en mars, à la volée, dans les céréales. Cet itinéraire se pratique surtout en agriculture biologique.
Semis à la volée lors de la récolte des céréales.
Les espèces résistantes aux conditions sèches (sorgho fourrager, vesce commune ou velue, millet, trèfle d’Alexandrie, gesse, sarrasin, crucifères, phacélie) sont à privilégier ainsi que les variétés tardives.
Agro-transfert met à disposition sur son site internet des techniques possibles pour obtenir un semis homogène, même avec des graines de taille différente (un semoir Delimbe situé sur la barre de coupe ou plusieurs sur une rampe de pulvérisateur, épandeur à engrais en enrobant les semences). Bastien Boquet d’Agro-Transfert conseille d’augmenter la densité des graines et de broyer les pailles.
Cet itinéraire maintient les chaumes en place et préserve la faune, dont les orthoptères (sauterelles, criquets…). De plus, il est rapide et économique.
Semis direct dans les chaumes de 20 cm minimum
Le couvert est semé dans les deux jours après moisson sans travail du sol, avec un semoir à dent de préférence. À éviter en cas d’adventices problématiques (datura, ambroisie…). Les espèces doivent germer en conditions sèches, avec un fort besoin en lumière et température (tournesol, niger, sarrasin, sorgho, moha, radis chinois…)
Semis tardif à partir du 15 septembre après conservation des chaumes
Cet itinéraire est plutôt conseillé dans les régions aux arrière-saisons suffisamment chaudes et ensoleillées sans problématique d’adventices. Il a l’avantage de maintenir les chaumes l’été et de limiter le risque de destruction de jeunes animaux (levraut) ou de nichée (cailles des blés). Il peut être conservé tout l’hiver. En favorisant les plantes messicoles, il favorise une chaîne alimentaire (insectes, oiseaux granivores comme la perdrix grise ou le bruant proyer). Effectué à la volée et suivi d’un déchaumage, ou au semoir, le mélange multi-espèces (avoine diploïde, féverole, moutarde AN, radis, phacélie) sera conservé tout l’hiver.
La fédération interdépartementale des chasseurs d’Île-de-France propose des semis de couverts au drone. Cette technique est utilisée en Angleterre sur les semis avant récolte. Particulièrement adaptée pour les petites surfaces aux accès difficiles pour les machines, la prestation coûte 50 euros/ha. Avantage, elle n’abîme pas les sols. Le drone ne peut, pour des questions réglementaires, dépasser les 25 kg à l’envol, batterie comprise. Soit environ 12 kg de semences. Il vole entre 3 et 6 m de hauteur. Compter 4 ha semés par heure pour une densité entre 12 et 20 kg de semences/ha. Le couvert semble plus long à s’installer, mais bénéficie ensuite d’une croissance importante. Le coût d’une telle machine atteint environ 10 000 €.
La fédération des chasseurs de l’Oise conseille d’utiliser des barres d’effarouchement pour faucher les fourrages ou détruire les couverts. Afin de la préserver la faune sauvage, elle en met huit à disposition des agriculteurs. La fédération de la Somme propose le même dispositif. La fauche doit commencer par le centre de la parcelle afin de permettre la fuite des animaux par l’extérieur. Autre conseil : réduire la vitesse de travail pour ne pas dépasser les 10 km/h et travailler de jour plutôt que la nuit.