Le bilan carbone d’un système doit s’établir sur ses deux piliers, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’augmentation du stock de carbone dans le sol (a minima le redressement d’une trajectoire de déstockage). L’efficacité d’un levier est un équilibre entre ces deux grandeurs ; une pratique peut avoir des effets contradictoires. Le cas du système Syppre en Champagne montre la difficulté de réduire les émissions de GES tout en assurant le stockage de carbone.
Le système innovant Syppre-Champagne, démarré en 2016, compare un système innovant (10 cultures) à un système de référence conventionnel optimisé (5 cultures)*.
Les leviers appliqués en système innovant
Avec quelques adaptations au fil du temps, les axes d’amélioration du bilan sont : l’intégration de légumineuses en culture et associées en couverts d’interculture pour restituer de l’azote à la culture suivante, la diversification par des cultures à des besoins limités en azote (tournesol, puis chanvre, légumineuses), la conduite ajustée des doses d’azote, la simplification du travail du sol. Aucun produit organique n’est disponible. L’ augmentation du stockage ne peut reposer ici, au-delà du choix des cultures, que sur la contribution des couverts. Pour maintenir des périodes de désherbage post-moisson, les couverts d’intercultures courtes ne sont pas systématiques. En intercultures longues, la durée des couverts est maximisée grâce à des implantations précoces (début août), voire très précoces (courant juillet) en cas de précédents récoltés tôt, comme l’escourgeon (figure 2).
Résultats d’évaluation d’impact carbone
Le système innovant est évalué sur 4 années, en comparaison avec le système de référence de l’année 2018, et sur la base des données de conduite des cultures et des productivités mesurées des couverts et des cultures. Le bilan de Syppre est donc établi avec rigueur et sur la base de données exactes, par l’application de la méthode labellisée « Bas Carbone Grandes Cultures ». Il amène deux constats (figures 1 et 3) : les émissions de GES sont bien réduites (- 366 t eq CO2 sur 4 ans). En revanche, le sol du site est en trajectoire de déstockage de carbone, et le système innovant tend à accentuer cette tendance, venant contrarier le bénéfice obtenu sur les émissions. Globalement, le bilan est favorable, mais pas satisfaisant (-35 t eq CO2 sur 4 ans, ramené à 180 ha). Les leviers de stockage jouent insuffisamment, des rendements sont ponctuellement trop faibles pour assurer un retour suffisant de carbone des résidus des cultures. Deux conclusions peuvent être tirées : le stockage de carbone reste globalement plus difficile à obtenir que la réduction d’émissions de GES. Et il faut optimiser les productions des cultures et maximiser celles des couverts si ce sont les seuls leviers disponibles pour améliorer ce volet du bilan.
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* Pour des éléments descriptifs, se référer au numéro 1168 du Betteravier français ou au site internet https://syppre.fr
• L’insertion de légumineuses est une solution pour limiter les émissions de GES.
• Dans un système multi-performant, l’augmentation de stockage de carbone est plus difficile à atteindre que la réduction d’émissions de GES.
• Des implantations précoces et des associations d’espèces favorisent la productivité des couverts.
• Les couverts d’interculture restent un levier prioritaire pour apporter du carbone.