C’est une échéance importante pour la filière betterave. La PPL Duplomb a entamé son parcours parlementaire avec son examen au Sénat le 27 janvier. Après avoir écrit deux rapports parlementaires depuis 2022 sur la perte de souveraineté de l’agriculture française, le sénateur et agriculteur Laurent Duplomb (LR) porte devant la représentation nationale une loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Ce texte contient six articles dont un – le deuxième – qui intéresse particulièrement la betterave. Il propose de réintroduire trois matières actives, dont l’acétamipride et la flupyradifurone, deux molécules autorisées par la réglementaion européenne, qui apportent une meilleure protection aux betteraves, contre le puceron vecteur de la jaunisse. À noter que si l’acétamipride s’utilise en pulvérisation foliaire, la flupyradifurone s’utilise en enrobage de semence.
Pas d’autorisation, mais une porte ouverte à une dérogation
Sur cet article, une position de compromis a été finalement trouvée au Sénat. L’amendement adopté conserve l’interdiction franco-française des néonicotinoïdes et substances assimilées, tout en ouvrant la voie à de potentielles autorisations dérogatoires, par voie de décret et sous conditions, après avis d’un Conseil de surveillance Phytos. Les potentielles dérogations seront soumises à trois conditions : que la filière soit dans une impasse, que la molécule concernée soit autorisée au niveau européen et qu’un plan de recherche d’alternatives ait été lancé. L’amendement adopté par le Sénat a par ailleurs recueilli un « avis de sagesse » du gouvernement, c’est-à-dire un avis ni favorable ni défavorable.
« Les filières agricoles ne peuvent se satisfaire pleinement du contenu de cet amendement. Nous déplorons que la France – nation pro-européenne – ne s’en remette pas pleinement à l’expertise de l’EFSA et de toutes les agences de santé européennes qui ont évalué et autorisé ces produits », ont déclaré onze syndicats de producteurs *, dont la CGB, dans un communiqué, tout en remerciant l’ensemble des sénateurs ayant permis ce premier pas.
De leur côté, les 5 associations spécialisées (AS) en grandes cultures (l’AGPB, l’AGPM, la FOP, la CGB et l’UNPT) se réjouissent des avancées, même insuffisantes, que pourrait apporter ce texte s’il était promulgué : « les compromis obtenus concernant les homologations des seules solutions phytosanitaires disponibles ainsi que leur priorisation selon les difficultés rencontrées dans les champs, ou encore la séparation vente/conseil, sont certes perfectibles mais vont dans le bon sens : la réalité́ du terrain est enfin écoutée ! »
Cependant, ces derniers affirment ne pas être « naïfs » : « ce texte a été négocié́ et certains points nécessiteront, dans les semaines à venir, davantage de précisions et une vigilance accrue de notre part pour nous assurer d‘un vote final à l’Assemblée nationale, conforme à son intention originelle : libérer les agriculteurs de contraintes ubuesques qui menacent notre souveraineté́ alimentaire et énergétique ».
En effet, le vote du Sénat n’est qu’une étape dans le parcours législatif. Il faut maintenant que l’Assemblée nationale mette l’examen de ce texte à l’ordre du jour au plus vite et l’approuve. Les 5 AS en grandes cultures appellent d’ailleurs l’ensemble des députés et le gouvernement, « à prendre leurs responsabilités en s’emparant de ce texte dès aujourd’hui ». Toutefois, il est fort peu probable que les betteraviers puissent utiliser de l’acétamipride ou de la flupyradifurone pour la campagne 2025.
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*Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). Fédération nationale des producteurs de plants de pommes de terre (FN3PT). Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). Association nationale pommes poires (ANPP). Coopérative unicoque et Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN). AOP Pêches et abricots. Bureau national Interprofessionnel du Kiwi, AOP. Fédération Légumes de France. Fédération nationale des producteurs de fruits. Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) et l’Union française des semenciers (UFS).
Si l’article 2 de la PPL Duplomb est celui qui intéresse le plus la production betteravière, ce n’est pas le seul qui mérite de l’intérêt. Le premier article vise à supprimer la séparation vente/conseil. Le gouvernement s’est d’ailleurs prononcé en sa faveur. La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a admis que le dispositif n’a « pas eu l’efficacité escomptée », et qu’il s’avère « beaucoup trop complexe ». Le texte voté par le Sénat supprime donc cette interdiction pour les distributeurs/vendeurs de produits phytopharmaceutiques (une coopérative, un négoce), mais pas pour les fabricants. Par ailleurs, sur incitation de la ministre de l’Agriculture, il conserve l’interdiction des remises, rabais, et ristournes (3R) sur les phytos.