La moindre information fait trembler un marché décidément bien fébrile. Nous en avons eu un exemple édifiant la semaine dernière. Alors que le marché mondial dépassait les 19 cts/lb en début de mois, la simple annonce des autorités indiennes, le 21 janvier dernier, qu’un million de tonnes de sucre seraient autorisées à l’export, a fait plonger les cours du sucre sous les 17,6 cts/lb en séance, un niveau que l’on n’avait pas vu depuis trois ans.
Une chute à mettre en relation avec la spéculation : déjà présents sur le marché, les spéculateurs ont brutalement amplifié leurs positions à la vente, jusqu’à être vendeurs-nets de presque 7 Mt de sucre. Du jamais vu depuis cinq ans !
Et puis, presque aussi vite, le soufflé est retombé : le marché est revenu au-dessus des 19 cts/lb. Beaucoup de bruit pour rien donc ? Revenons quand même sur l’épisode : que nous dit-il du marché ?
Si les spéculateurs ont anticipé, et provoqué cette baisse, c’est que l’export indien d’un million de tonnes, n’était pas prévu. Certes, le volume est faible (rappelons que le pays a exporté 11,2 Mt en 2021-2022) ! Mais, depuis, les choses ont changé : le pays privilégie le débouché bioéthanol et le gouvernement indien, pour limiter le prix domestique du sucre, limitait donc les exports – notamment dans un contexte d’élections, en fin d’année dernière, pour limiter l’inflation. C’est désormais pour donner le change aux industriels indiens que le gouvernement a donc fait ce geste.
Mais, si le marché a ensuite récupéré, c’est que les opérateurs ont dû réaliser que ce volume, certes minime, est tout de même osé. En effet, si cette quantité de sucre sort du bilan indien, les stocks du pays tomberont, selon S&P, sous les 5 Mt fin septembre 2025 : un niveau jamais vu depuis dix ans – avec un puissant effet haussier à terme. D’ailleurs, S&P anticipe toujours une campagne mondiale à l’équilibre, et un déficit, l’an prochain, d’environ 2,7 Mt.
Alors que retenir de cette péripétie ? D’une part, que le marché est tendu : c’est un fait. D’ailleurs, ces soubresauts ne semblent pas terminés et cela peut durer jusqu’à l’ouverture de la campagne brésilienne, en avril prochain – les analystes auront alors des informations tangibles à se mettre sous la dent.
D’autre part, c’est que, finalement, le marché se tient remarquablement bien. Et en effet, alors que le réal est au plus bas, et que les spéculateurs attaquent le marché comme lors du Covid, pendant lequel le sucre brut était autour de 10 cts/la, ce dernier reste autour des 19 cts/lb. Une bonne nouvelle, finalement ?