« L’État français veut multiplier par cinq la production d’électricité solaire française d’ici 2050 », a rappelé Guillaume Rautureau, conseiller énergie de la chambre d’agriculture de l’Aisne, lors du Solar’agri Day à Laon, le 20 novembre dernier. Passer de 20,1 GW aujourd’hui, contre 100 GW prévus en 2050, donne des opportunités de diversification.
Mais le projet doit être bien étudié pour optimiser la rentabilité. La quantité d’énergie produite et le mode de vente (autoconsommation totale, partielle ou vente en intégralité) déterminent des prix de vente de l’électricité différents.
Autoconsommer ou pas ?
« Pour l’autoconsommation, il faut caler au maximum la production d’électricité et les besoins, poursuit le conseiller. Ce qui est loin d’être facile, vu l’absence de production nocturne, la saisonnalité de la production et sa variabilité selon le climat. Certaines activités s’y prêtent mieux : robot de traite, atelier de transformation fromagère ou de découpe, stockage de pommes de terre… Il faut anticiper les évolutions (taille du bâtiment ou de l’activité) ».
Autoconsommer permet d’économiser certaines taxes sur sa facture d’électricité (utilisation du réseau). En revanche, en cas de vente partielle dans la tranche 9-100 kWc, le prix de vente du surplus d’électricité à EDF est moins intéressant (7,61 ct€/kWh) que pour les projets de vente totale (10,52 ct€/kWh). Avec une puissance supérieure à 100 kWc, le tarif de vente du surplus est identique à celui de la vente en totalité. Il est donc parfois intéressant d’inclure des toitures moins bien exposées afin de maximiser le prix de vente.
Exemples de rentabilité photovoltaïque en agriculture
Cas concrets réalisés en Hauts-de-France à l’appui, les conseillers énergie de la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, Fabien Dutertre et Marc Antoine Bonvoisin, ont présenté la rentabilité possible de projets photovoltaïques. Ils intègrent les coûts d’installation, de raccordement et de fonctionnement (assurance et maintenance), mais pas l’aspect fiscal et social. Le prix de rachat d’électricité est celui du 1er novembre 24 au 31 janvier 2025. Attention : les valeurs de rachat de l’électricité et le coût des centrales changent très rapidement.
– Un agriculteur dispose d’un petit bâtiment. Il investit dans des panneaux sur une toiture de 180 m2, soit 36 kWc, en vente totale. Avec un investissement de 45 000 € (centrale et raccordement), la production annuelle est estimée à 38 000 kWh vendus à 0,1302 €/kWh. Avec un retour sur investissement prévu de 11,1 ans, la rentabilité des capitaux est de 6,1 % et l’excédent de trésorerie calculé sur 20 ans de 33 900 €.
– Un éleveur investit dans un bâtiment d’élevage neuf de 1 100 m2 (60 vaches allaitantes). Il installe 800 m2 de panneaux solaires, soit une centrale de 160 kWc. Le tarif d’achat réglementé est de 10,52 ct€/kWh. Le coût de la centrale photovoltaïque atteint 130 000 € et celui du raccordement (variable selon les situations) 15 000 €. Dans l’hypothèse d’un financement total (145 000 €) à 3,8 % sur 15 ans, le retour sur investissement est de 11 ans. La rentabilité des capitaux investis s’élève à 6,1 %. Le gain net de trésorerie sur 20 ans est de 109 600 €. Le surcoût du bâtiment dû aux panneaux photovoltaïques représente 44 % du projet bâtiment, hors subvention.
Le taux des frais financiers influe sur la rentabilité. Une variation de +/- 0,1 % de taux d’intérêt a pour conséquence une augmentation de +/- 0,1 % sur la rentabilité, soit 1 400 € de gain net au final dans le cas précédent. Un apport de 10 000 € permet une rentabilité supplémentaire de 0,6 %, soit 13 600 € de gain net au final.
– Un éleveur opte pour un projet de 36 kW en autoconsommation pour un robot de traite. Sa consommation électrique annuelle est de 84 000 kWh (coût actuel 21,21 ct le kWh). La puissance au compteur est de 36 kWA. Son installation photovoltaïque produira 34 000 kWh par an. 24 000 kWh seront utilisés en autoconsommation et 10 000 kWh vendus en surplus. L’économie sur la facture d’électricité atteint 5 500 € par an. La vente du surplus rapporte 780 € annuels. Les 36 000 euros d’investissement permettent un retour sur investissement de 6 ans. Soit un gain de 78 000 € en 20 ans. Et ce grâce à un bon dimensionnement de la part autoconsommée.
– Un producteur de pommes de terre décide d’investir dans une production photovoltaïque avec autoconsommation partielle pour son stockage. La puissance au compteur est de 66 kWa et la consommation annuelle 62 000 kWh. La simulation du projet solaire avec une puissance de 190 kWc (exposition est/sud-est, pente 17 %) donne une estimation de production de 180 000 kWh/an. Soit 25 000 kWh en autoconsommation et 155 000 kwh en surplus vendus 10,52 ct€/kWh (16 000 € de vente par an). L’autoconsommation réduit la facture annuelle d’électricité utilisée pour le stockage des pommes de terre de 5 000 €. Résultat : l’investissement de 161 000 € (133 000 € pour la centrale et 28 000 € pour le raccordement) permet un gain de trésorerie de 166 000 € en 20 ans (avec un tarif de rachat fixe). Le retour sur investissement est de 10 ans.
Seules les charpentes supportant une surcharge de 15 kg/m2 (modules et fixations) peuvent recevoir des panneaux photovoltaïques. Les toitures en fibro-ciment amianté ou en fibro-ciment de plus de 10 ans sont à exclure. Consulter son assureur au préalable évite par la suite de mauvaises surprises. Souvent les bâtiments de stockage de paille ou de lin ou encore d’élevage nécessitent quelques précautions. L’estimation de la production photovoltaïque se fera à partir de la latitude, de l’inclinaison et de l’orientation du toit (optimum 35 ° au sud), des ombrages potentiels et de la surface de pose de panneaux.