Il est 18h30 à Harly dans l’Aisne, et une voiture entre dans la cour de la ferme afin de récupérer un écran plat. Bérenger est agriculteur, mais pas seulement. Il a également ouvert un point relais Agrikolis, qui est un réseau de points de retrait dans les fermes, pour des colis lourds ou volumineux. Et ce n’est pas la seule raison qui fait venir le grand public à la ferme. L’agriculteur a aussi ouvert en 2018 un magasin alimentaire qui fonctionne à 100 % avec un système de casiers. Il y vend des pommes de terre et des lentilles produites sur l’exploitation, mais aussi toute une gamme allant de la viande aux fruits et légumes, en passant par l’épicerie et les produits laitiers, qu’il achète à d’autres producteurs. « Initialement, j’ai souhaité limiter mon rayon d’approvisionnement à 50 km, mais j’ai élargi mon cercle afin de répondre aux besoins des clients ». Les clients peuvent commander en avance les produits en ligne sur le site du magasin (https://www.casiersfermiers.fr/) ou réaliser leur choix directement sur place.

Ces deux activités ont connu une croissance très importante pendant le covid. « À l’époque, je recevais un camion de colis par jour ». Elles ont repris une dynamique normale après la crise sanitaire. Le magasin est ouvert de 6 h à 23 h. « S’il ne nécessite pas de présence physique continue, son bon fonctionnement demande cependant un travail important de rechargement des casiers », explique Émeline Brasset, son épouse, qui s’occupe maintenant de cette activité. À l’inverse, l’activité Agrikolis n’est ouverte que deux heures par jour, les soirs, mais nécessite une présence et un travail physique, que ce soit pour réceptionner les colis ou pour accueillir les clients. « Mais le grand avantage de cette activité, c’est qu’elle m’a demandé très peu d’investissement », explique Bérenger Brasset. Un bâtiment inutilisé, une dalle de béton, quelques racks et un transpalette ont suffi à démarrer. À l’inverse, le magasin a demandé un investissement plus important, avec notamment l’aménagement du local, l’installation des casiers et des réserves de stockage.

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Le magasin a demandé un investissement plus important, avec notamment l’aménagement du local, l’installation des casiers et des réserves de stockage. ©Renaud d’Hardivilliers

Vers la pomme de terre d’industrie

Après avoir lancé ces deux projets, Bérenger rejoint Olivier Brasset, son père qui met en place sa succession professionnelle, et s’installe sur l’exploitation familiale. « C’est quand même avant tout l’agriculture qui me fait me lever le matin », confie-t-il. La ferme est assez classique de la région, avec un assolement principalement composé de blé, de betteraves et de pommes de terre. « Notre surface de betteraves est montée à 120 hectares, mais nous sommes redescendus à 80 hectares. Historiquement, nous sommes des betteraviers. Mais nous sommes en train de muter vers la pomme de terre. » En effet, les rendements comme la rentabilité de la betterave sont en diminution, et le spectre de la jaunisse plane dans la tête des deux agriculteurs : « si nous avions à nouveau une année similaire à 2020, nous aurions à peu près des résultats identiques puisque les solutions disponibles restent peu ou prou les mêmes », alerte Olivier Brasset.

Du côté de la pomme de terre, il s’était spécialisé dans la fécule depuis plusieurs années. Il a d’ailleurs occupé la présidence de la coopérative féculière de Vecquemont, et occupe la vice-présidence de l’UNPT, en charge de la production féculière. Mais la demande croissante sur le marché de la consommation a poussé les deux hommes à modifier leur stratégie. 20 des 50 hectares de fécule ont été remplacés par de la pomme de terre d’industrie.

Lin d’hiver et lin de printemps

Le lin a aussi fait son entrée au sein de l’exploitation en 2023, grâce à l’implantation d’une usine de teillage à Laon. Mais les débuts n’ont pas été de tout repos. « La première année a été une année noire pour cette culture en raison de la sécheresse. Et l’année suivante, le lin d’hiver a gelé, raconte Olivier Brasset. Avec cette culture, il faut compter une année sans résultat tous les 5 ans ». Ils divisent aujourd’hui leur sole entre le lin d’hiver et le lin de printemps. Le premier est sensible au gel et le deuxième aux altises et à un printemps sec. Ce choix permet de réduire le risque. Par ailleurs, le lin d’hiver peut être implanté dans des terres plus difficiles, là où son cousin du printemps ne le pourrait pas.

Deux pulvérisateurs

Au niveau de la mécanisation, Olivier et Bérenger privilégient la réparation à l’achat de matériel neuf. « Le matériel brillant, cela ne nous fait pas rêver », explique Olivier Brasset. L’exploitation est donc équipée de deux pulvérisateurs de 28 mètres ayant déjà fait un certain nombre d’heures. Quand les deux sont opérationnels, cela permet d’avoir un gros débit de chantier : « on arrive à réaliser chaque apport d’azote sur le blé en une seule journée ». Mais l’agriculteur précise que l’un des deux est parfois en panne. Dans le même esprit, la moissonneuse est une TX62 qui date de 1998 et qui est équipée d’une barre de coupe de 4,5 m. Mais deux équipes se relaient pendant la moisson pour maximiser son temps de travail.

Cette stratégie est cependant rendue possible par la présence de deux salariés dans la ferme. « Je préfère investir dans l’humain que dans la ferraille, tout en restant opérationnel », explique Olivier Brasset.

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Olivier et Bérenger Brasset privilégient la réparation à l’achat de matériel neuf. ©Renaud d’Hardivilliers