Débordé par les attaques à l’arme blanche, le gouvernement Attal a concocté dans l’urgence une nouvelle réglementation. Depuis le 17 avril 2024, il a instauré une amende forfaitaire délictuelle concernant le port d’une arme de catégorie D, à Bobigny, Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Pontoise, Rennes, Saint-Étienne, Toulouse et Paris.

Qu’est-ce qu’une arme de catégorie D ? La réponse est simple : tous les couteaux, les petits, les grands, les pliants, les droits, ceux qui servent en cuisine, ceux qui servent à cueillir les champignons, ceux qui coupent les cors aux pieds, bref tout ce qui possède une lame tranchante.

La sanction est de 500 euros, ou de 400, si vous payez dans les quinze jours.

Le texte précise que le couteau doit être porté « sans motif légitime », ce qui ouvre des horizons infinis. En principe, le chasseur qui porte un couteau à la ceinture en action de chasse est dans les clous. Mais s’il va casser la croûte au bistrot du coin ? Entre le moment où il quitte le territoire et celui où il passe la porte de l’estaminet ?

L’automobiliste qui a un couteau pliant dans le vide-poche de sa voiture est-il un bon vivant ou un délinquant ?

Tout dépend de l’agent verbalisateur

Pour bon nombre de citoyens, porter un canif ou un petit couteau pliant sur eux fait partie de leur mode de vie. Dans son excellent livre, « la première gorgée de bière », consacré aux menus plaisirs de la vie, Philippe Delerm lui consacre un chapitre : « avoir un couteau dans sa poche ».

On s’en sert pour ouvrir une bouteille, couper du pain ou une ficelle, ouvrir une enveloppe, décapsuler, trancher du saucisson, que sais-je encore ? Oubliez la référence à la lame dont la longueur ne doit pas dépasser la paume de la main. C’est une légende qui n’a aucune valeur juridique.

Ces passionnés du couteau, depuis le dispositif Attal, semblent eux aussi dans le collimateur.

Tout dépendra quand même de l’agent verbalisateur. Il faut d’abord qu’il vous contrôle, puis qu’il vous fouille. Or il n’a aucune raison de s’en prendre à Monsieur-tout-le-monde. Et la fouille est une procédure qui ne peut s’appliquer que dans certaines circonstances bien définies. En dehors de tout événement sportif ou culturel, elle n’est autorisée qu’en cas de menaces graves envers la sécurité publique. Elle doit alors être effectuée par une personne du même sexe, avec l’accord de l’intéressé.

Il est certain que porter un poignard ou un couteau papillon dans une manifestation n’est pas recommandé. Mais quelle personne sensée le ferait ? De même, il ne viendrait pas à l’idée de porter un couteau de chasse à la ceinture en ville. En revanche, avoir sur soi un canif, un petit couteau pliant ou un couteau de sommelier ne semble pas relever d’une attitude délictuelle.

Ne jamais payer l’amende forfaitaire

La nouvelle réglementation pourrait toutefois être détournée par des agents publics trop zélés qui voudraient, par exemple, nuire aux chasseurs. Un contrôle inopiné entre deux battues ou lorsque le chasseur regagne sa voiture pourrait alors donner lieu à verbalisation.

Faut-il alors payer l’amende forfaitaire de 400 euros dans les 15 jours ? Certainement pas ! En effet, en payant, vous entérinez l’infraction. Dès lors, vous serez inscrit au fichier des traitements des antécédents judiciaires et donc inscrit au Fichier national des personnes interdites d’acquisition d’armes (Finiada). Cela entraîne l’obligation de restituer les armes, et vous interdira de valider votre permis de chasser et même d’obtenir certains visas étrangers.

Il est préférable de contester et d’être convoqué au tribunal d’instance pour vous expliquer. Les cas portés devant les juges ont créé une jurisprudence. Ainsi, les couteaux pliants (couteaux de poche) ne sont pas considérés comme des armes blanches, mais comme des couteaux à usage alimentaire courant. Les magistrats soulignent leur caractère « traditionnel et culturel ».

Selon les experts du barreau « si la procédure coûte un peu d’argent, les avocats gagnent largement ces affaires-là. » Le couteau sera considéré comme un outil et pas comme une arme par destination. C’est vrai pour le chasseur se rendant au bistrot, qui n’a pas la moindre pensée belliqueuse et le prouvera facilement et aussi pour Monsieur-tout-le-monde qui a son canif dans la poche. Le « motif légitime » peut-il être « la passion du couteau », chère à Philippe Delerm ? Si le « contrôlé » n’a pas d’antécédent judiciaire et qu’il présente tous les aspects du « bon père de famille » le tribunal comprendra.

En règle générale, répétons-le, la police n’a aucune raison de fouiller l’honnête citoyen. Si celui-ci, pris dans un mouvement de foule, venait malgré tout à l’être, gageons que les forces de l’ordre ne le verbaliseraient pas en trouvant sur lui un couteau pliant. Si malgré tout certains faisaient du zèle, la règle est simple : plaider et ne pas payer.

La nouvelle réglementation Attal ne dissuadera pas les voyous, mais elle a pu créer une certaine inquiétude chez les amateurs de couteaux. Rassurons-les : les risques sont faibles.