La campagne pour les Chambres d’agriculture est beaucoup plus intense qu’il y a six ans. En 2025, les élections se tiennent sur fond de manifestation et de crise agricole encore non résolue. Comment la colère va-t-elle se traduire dans les urnes ? L’alliance FNSEA-JA restera-t-elle majoritaire ? Les abstentionnistes, qui étaient 54 % en 2019, seront-ils tentés de s’exprimer ? Cela profitera-t-il à la FNSEA et aux JA, qui ont encadré les grandes manifestations de l’hiver dernier, ou à la Coordination rurale (CR), qui est devenue plus visible sur le terrain avec les actions parfois musclées de ses bonnets jaunes ? Quant à la Confédération paysanne, elle a été moins présente dans les manifestations agricoles et a plutôt choisi de lutter contre les « méga-bassines » aux côtés des organisations écologistes. Les agriculteurs valideront-ils cette ligne politique ?

« C’est très difficile de faire des estimations, puisqu’il s’agit d’une élection départementale avec une concurrence très variable d’un département à l’autre », a très prudemment déclaré Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France, le 15 janvier, premier jour du vote. Le scrutin s’achève le 31 janvier et les résultats seront publiés au plus tard le 8 février.

Eddy Fougier, politologue, chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, attend de voir si la Coordination rurale « va faire ou non une percée ». Car c’est de ce côté-là que pourrait venir la surprise.

L’alliance FNSEA-JA dirige 97 Chambres sur 101

Le précédent scrutin de 2019 avait confirmé une certaine stabilité de la représentation syndicale. L’alliance FNSEA-JA avait obtenu 55,55 % des voix, lui permettant de diriger 97 Chambres sur 101. Avec 21,5 %, la Coordination rurale préside trois Chambres (Lot-et-Garonne, Vienne et Haute-Vienne). Juste derrière, avec 20 % des voix en 2019, la Confédération paysanne dirige une seule Chambre, Mayotte.

Arnaud Rousseau et Pierrick Horel, les présidents de la FNSEA et de JA, affichent des objectifs clairs : « conforter, si ce n’est maintenir, notre score national de 2019 et reprendre les Chambres que nous avions perdues aux dernières élections ». Cela dit, le président de JA estime qu’il sera difficile de reprendre la Chambre du Lot-et-Garonne, département où la CR est bien stabilisée.

Revendiquant une hausse importante des adhésions, la CR espère emporter entre 15 et 20 Chambres et la Confédération paysanne une dizaine. Les deux syndicats minoritaires dénoncent un mode de scrutin qui favorise l’alliance FNSEA-JA en attribuant à la liste arrivée en tête la moitié des sièges (9 sièges sur 18) ; l’autre moitié étant répartie à la proportionnelle entre toutes. À noter que le Modef a déposé des listes dans 17 départements, qui ne sont pas betteraviers.

Ce scrutin met en lumière des visions différentes de l’agriculture. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau dit « s’engager avec les hommes et les femmes qui ont le goût d’entreprendre et qui sont fiers de produire ». Si la FNSEA et la CR s’accordent pour demander l’accès à des produits phytosanitaires aujourd’hui interdits en France, mais autorisés par l’UE, la Confédération paysanne plaide pour un soutien accru de l’État à la transition agroécologique. Selon Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, la CR serait finalement « très proche » de la FNSEA dans son approche de l’agriculture, avec la défense d’un « modèle productiviste et contre les normes ».

Ce scrutin porte aussi un enjeu financier, puisque la clef de répartition du financement des syndicats agricoles (à hauteur de 14 M€ au total) dépend à 75 % du nombre de voix et à 25 % du nombre de sièges. Ce mode d’attribution avantage donc le premier syndicat arrivé premier au détriment des seconds. Les syndicats arrivant en tête aux élections professionnelles obtiennent également la majorité des sièges dans les interprofessions ou dans les instituts techniques agricoles.

Peser sur les décisions politiques

Les élections aux Chambres ont un impact direct sur la définition des politiques agricoles et la mise en œuvre de stratégies agricoles sur le terrain, grâce à ses 8 400 collaborateurs et son budget de 950 millions d’euros (en 2023), tiré de la taxe sur le foncier non bâti.

Le principal défi sera donc de passer sous la barre des 50 % d’abstention pour que les agriculteurs puissent faire entendre leur voix… Et surtout passer cette barre donnera une forte légitimité aux Chambres pour peser sur les décisions politiques concernant l’agriculture.

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Les 2,2 millions d’inscrits (agriculteurs actifs ou retraités, salariés, propriétaires fonciers) ont jusqu’au 31 janvier pour voter en ligne ou par voie postale au niveau de chaque département. Le vote en ligne s’effectue sur : www.jevote2025.chambre- agriculture.fr

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Les programmes des principaux syndicats

Le 13 janvier, la chaîne LCP a organisé un débat entre les leaders des principaux syndicats agricoles candidats. Le débat entre Arnaud Rousseau, Pierrick Horel, Véronique Le Floc’h et Laurence Marandola peut être vu en replay sur LCP.fr et sur YouTube.

La FNSEA et Jeunes Agriculteurs s’engagent pour renouer avec le goût d’entreprendre. Le président des JA, Pierrick Horel veut « des agriculteurs nombreux sur le territoire », en renforçant l’accompagnement des futurs agriculteurs tout au long de leur carrière. Le syndicalisme majoritaire veut « redonner leur pleine compétitivité aux exploitations ».

Cela suppose que les agriculteurs puissent bénéficier d’un accès garanti aux moyens de production essentiels (intrants, eau…) ». Le 15 janvier, le président de la FNSEA a demandé au Premier ministre la mise en route d’un « Varenne » des normes et des contrôles avant le prochain Salon de l’agriculture. Ce chantier consisterait à « réunir l’ensemble des services de l’État pour déterminer où sont les problématiques et de quelle nature elles sont », avant de prendre des « décisions réglementaires ». La FNSEA et JA demandent un soutien massif à la recherche et la levée des freins à l’innovation pour « booster » les démarches de progrès et les énergies renouvelables d’origine agricole. Et enfin, « une juste et saine concurrence au sein de l’union européenne et des clauses miroir dans les accords internationaux. »

La Confédération paysanne veut établir des prix minimums garantis, défendre les revenus des agriculteurs face aux industriels et à la distribution, dénoncer les accords de libre-échange et militer pour une transition écologique, notamment en interdisant les produits phytosanitaires les plus toxiques. La Conf’ dénonce « les dérives de la production énergétique sur les terres agricoles », milite pour l’accès équitable au foncier, à l’eau, aux semences et aux aides publiques. Elle veut « une PAC qui soutienne davantage l’humain. »

La Coordination Rurale s’affiche comme le défenseur de l’agriculture familiale. « Des fermes familiales, libres et indépendantes, vivables, transmissibles », explique sa présidente Véronique Le Floc’h. Elle appelle à un allègement des normes alignées sur les réglementations européennes, des contrôles ciblés davantage sur les importations que sur les exploitations agricoles, mais aussi un allégement des charges financières à travers, notamment, un bouclier énergétique et une exonération totale de taxe sur le foncier non bâti.