En tant qu’avocat de la cause paysanne, j’observe avec une inquiétude croissante l’évolution des contentieux en milieu agricole au cours des dernières années. Si l’agriculture a toujours été une terre fertile pour les litiges, l’intensification des recours et l’émergence d’acteurs organisés méritent aujourd’hui notre attention.
Historiquement, les contentieux agricoles ont en effet toujours existé. « Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour savoir qu’entre la France des champs et la France des villes et des usines, l’incompréhension n’a joué que trop », rappelait Roger Blais, inspecteur général de l’agriculture, dans son livre La campagne, publié en 1939. « En telle région, ajoutait-il, elle a creusé un fossé qu’on peut encore sauter en faisant quelques efforts, dans telle autre elle planté une haie épaisse, ailleurs encore, elle a construit un véritable mur de part et d’autre ».
Toutefois, les litiges ont pris une nouvelle forme ces dernières années, avec l’émergence de recours de plus en plus complexes et souvent stratégiques, en lien avec les projets agricoles et les problématiques phytosanitaires, initiés non plus par des individus isolés mais par des acteurs associatifs organisés, financés et rompus aux procédures judiciaires et administratives.
Dans ce contexte, les agriculteurs se trouvent confrontés à des adversaires qui connaissent les rouages des prétoires et des palais de justice. Les procédures, souvent longues et coûteuses, deviennent un moyen de pression redoutable exercé sur le monde agricole, et dont l’impact va bien au-delà de la simple dimension juridique.
Face à cette situation, les syndicats agricoles – dont la CGB – et les interprofessions ont parfaitement pris la mesure de l’enjeu. Il ne s’agit pas seulement de défendre des dossiers individuels, mais de protéger un modèle agricole qui, sous l’effet de la multiplication des contentieux, pourrait être menacé. Ces organisations ont compris qu’elles doivent réorienter leur action vers une dimension plus juridique, en intervenant dans des procédures judiciaires ou administratives susceptibles d’avoir des effets sur l’ensemble du secteur agricole.
L’implication croissante des syndicats agricoles et des interprofessions en justice pour soutenir les intérêts agricoles est une première réponse salutaire dans l’évolution des contentieux. Et pour cause, derrière chaque contentieux, c’est l’ensemble de la communauté agricole qui est en jeu. L’agriculture, ce n’est pas seulement une question d’individus, mais une question collective, celle de notre souveraineté alimentaire et de la pérennité de nos modèles de production.