Les essais conduits en 2024 par les 24 partenaires* du réseau « Performance », coordonné par Arvalis, révèlent une perte de rendement moyenne de 23 q/ha sur la variété sensible à la septoriose, Sy Admiration. Cette perte est observée entre le témoin non protégé et la modalité avec une application fongicide unique au stade dernière feuille étalée.

Il faut remonter à 2016 pour observer un tel niveau de nuisibilité. Cependant, la gamme de solutions a évolué. Aujourd’hui, les agriculteurs disposent d’un large choix de variétés tolérantes, utilisées sur près de 60 % de la sole. D’ailleurs, le choix d’une variété tolérante est resté en 2024 un levier efficace pour se préserver des maladies. La nuisibilité mesurée dans les essais « double Performance » avec la variété peu sensible (Chevignon) est atténuée de 7 quintaux. Néanmoins, la perte élevée (16 q/ha en moyenne) traduit la forte pression maladie. La météo 2024, marquée par des pluies régulières tout au long du cycle, a constamment favorisé le développement de la septoriose.

Résistances aux fongicides sous surveillance

Depuis 2016, la situation a considérablement changé sur le front des résistances aux fongicides. Des souches de septoriose hautement résistantes à au moins un triazole (TriHR) sont rencontrées ces dernières années dans la totalité des échantillons de feuilles collectés sur les essais du réseau Performance. De plus, au sein des populations de Zymoseptoria tritici présentes sur ces parcelles, 64 % d’entre elles montrent désormais ce type de résistance TriHR, contre seulement 35 % huit ans auparavant.

Des souches résistantes aux SDHI, détectées pour la première fois en 2017, se retrouvent aujourd’hui dans 93 % des échantillons. En moyenne, 41 % des souches de septoriose françaises affichent une résistance aux SDHI (CarR), dont 19 % sont hautement résistantes (CarHR). Enfin, les résistances ciblant plusieurs modes d’action (MDR) touchent 94 % des échantillons avec une fréquence moyenne de 30 %.

Hauts-de-France, la résistance aux SDHI progresse

Les Hauts-de-France restent fortement marqués par la septoriose, près de 40 % des surfaces étant encore cultivées avec des variétés sensibles. « Cette région est également le point de départ historique de la résistance aux QoI détectée en 2003 », souligne Gilles Couleaud, ingénieur en protection des plantes chez Arvalis.

Bien que la résistance aux SDHI à l’échelle nationale soit restée stable entre 2023 et 2024 (voir encadré), une légère progression est observée dans ce secteur. En effet, 55 % des souches sont désormais résistantes contre 49 % lors de la précédente campagne. Ce niveau élevé a été identifié dans le réseau Performance : « pour douze essais, les analyses montrent des résistances supérieures à 35 % pour les souches CarR et à 10 % pour celles CarHR, ainsi qu’une intensité de la septoriose atteignant 58 %, poursuit Gilles Couleaud. Dans cette situation, l’efficacité des solutions associant SDHI et triazoles s’en trouve réduite. »

Parmi les solutions testées, le fongicide Univoq (1l/ha), composé de fenpicoxamide au mode d’action QiI, se démarque. Sans résistance identifiée, ce produit permet d’atteindre un rendement moyen de 75,9 q/ha, devant Revystar XL (0,75 l/ha) avec 70,9 q/ha et Elatus Era (0,75 l/ha) avec 69 q/ha. La double application de biocontrôle Aquicine Duo (3,5 l/ha) obtient des résultats comparables à ceux d’une application en T2 d’Elatus Era (0,75 l/ha), avec 69 q/ha.

En outre, dans les zones où la résistance est la plus marquée et si la septoriose est signalée, Arvalis préconise d’utiliser, si possible, un fongicide multisites tel que le soufre ou le folpel, aussi bien en T1 qu’en T2.

Le T2, un pivot stratégique

Dans trois essais conduits par Arvalis (44, 41 et 02), ciblant spécifiquement le T2, les programmes intégrant du fenpicoxamide prouvent leur efficacité. Dans un contexte de nuisibilité moyenne de 38 q/ha, Silvron (0,5 l/ha) associé à Jessico One (1 l/ha) apporte 51 % d’efficacité, avec un rendement de 76,7 q/ha. Questar 1l/ha, en combinaison avec Elatus Plus (0,5l/ha), affiche une efficacité de 49 % pour un rendement de 77,5 q/ha. Univoq (1 l/ha) se positionne avec 47 % d’efficacité et 73,9 q/ha.

Lorsque le T1 est absent, comme dans 14 essais du Réseau Performance, la tolérance variétale (Chevignon) démontre l’importance d’une stratégie combinée. Dans ces conditions, en application unique en T2, Univoq (1l/ha) se distingue avec une efficacité de 60 % et un rendement de 83,2 q/ha, contre 51 % pour Revystar XL (0,75 l/ha) avec 80,4 q/ha et 40 % pour Elatus Era (0,75 l/ha) avec 77,4 q/ha.

Un T1 qui a pesé, un T2 incontournable et un T3 rentable !

En 2024, le modèle Septo-LIS recommandait un T1 dans 86 % des situations (panel de 565 cas type sur variétés moyennement sensible). De fait, ce traitement précoce a permis de limiter les pertes, avec un gain moyen de 4,9 q/ha sur 10 essais en variétés sensibles et de 3,1 q/ha en moyenne sur 4 essais en variétés plus tolérantes. « Toutefois, le T2 reste le pivot des programmes de protection, offrant en moyenne un gain de 19 q/ha avec une application unique en T2 », précise Jérôme Thibierge, ingénieur R&D chez Arvalis.

Fallait-il aussi un T3 ? « Assurément, surtout dans le Nord », affirme-t-il. Par exemple, avec Wasan (0,8 l/ha) + Joao (0,4 l), le rendement grimpe de 7 q/ha après un T2 effectué avec Revystar XL (0,75 l) et un T1 Juventus (0,5 l) + Faeton SC (3 l). Sans T1, le gain se limite à 3,2 q/ha, « le potentiel étant déjà amputé en raison des attaques précoces », complète l’expert Arvalis. En intégrant ce T3, la marge brute s’élève à 385 €/ha, contre 313 €/ha pour un programme sans T3, sur la base d’un prix du blé de 230 €/t.

Efficacité confirmée du biocontrôle

Face à l’augmentation des résistances, le biocontrôle s’impose comme une solution complémentaire. En 2024, deux essais démontraient l’efficacité de solutions à base de soufre et de phosphonates de potassium appliquées en T1. Ces traitements, suivis d’un T2 avec Kardix, permettent des gains de rendement compris entre 3,2 et 4,4 q/ha, avec une marge brute supplémentaire de 25 à 55 €/ha (blé à 190 €/t, coût de pulvérisation à 10 €/ha).

Deux autres essais comparaient plusieurs solutions appliquées en T1 : Aquicine Duo (1,5 l/ha ou 2 l/ha), Heliosoufre S (3,5 l/ha), et une combinaison Pygmalion (2 l/ha) + Heliosoufre S (3,5 l/ha). Les efficacités observées de 66 % à 74 % se révèlent comparables à celle de Juventus composé de metconazole (67 %). La meilleure performance technique (79 % d’efficacité) concerne deux applications successives d’Aquicine Duo (T1 et T2). En termes de rentabilité, le soufre seul en T1 ressort en premier.

Dans tous les cas, pour la campagne 2025, une approche équilibrée de la protection fongicide, alternant les modes d’action et intégrant des outils d’aide à la décision, reste essentielle pour préserver la rentabilité des cultures et l’efficacité des traitements.

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* Le réseau « Performance et double performance » rassemble des distributeurs agricoles, les chambres d’agricultures et les fournisseurs.

Sept chiens de chasse dans le top 20 des acquisitions
Pression de la septoriose en 2016 et 2024 ©SEDA
Nouveaux fongicides céréales : autorisations 2025 et projets

Cinq nouvelles formulations fongicides pour céréales sont disponibles en 2025. Adama lance Forapro (fenpropidine 250 g/l + prothioconazole 175 g/l), Avastel (fluxapyroxade 75 g/l + prothioconazole 150 g/l) et Maxentis (azoxystrobine 200g/l + prothioconazole 150 g/l). LifeScientific introduit LS Protim (metconazole 48g/l + prothioconazole 100 g/l) contre la septoriose et les rouilles du blé. BASF recevait en décembre l’autorisation de sa formulation Yanila à base de méfentrifluconazole 50 g/l + prothioconazole 95 g/l). Par ailleurs, Syngenta attend une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un fongicide composé de difénoconazole 125 g/l+ azoxystrobine 125 g/l).

Pourquoi le niveau de résistance ressort-il globalement stable entre 2023 et 2024 ?

En 2024, le niveau de pression maladie est exceptionnel. Il se caractérise même par un record de précocité des contaminations dès la sortie des dernières feuilles, d’intensité et de régularité. En effet, sur la station de Vievy-le-Rayé (41), 45 contaminations ont été enregistrées par le modèle Septo-LIS d’Arvalis sur la F2 contre 20 en 2023 et 30 en 2016 ! Toutefois, selon Gilles Couleaud d’Arvalis, ce nombre tellement élevé de cycles de contaminations dilue celui des souches résistantes, ce qui explique cette tendance. « C’est lors des années à faible pression du pathogène que l’on mesure mieux la progression des résistances », indique-t-il.

Les Hauts-de-France restent fortement marqués par la septoriose, près de 40 % des surfaces étant encore cultivées avec des variétés sensibles.