Associer des plantes compagnes aux betteraves sucrières est l’un des leviers testés sur le réseau des Fermes Pilotes d’Expérimentation (FPE) du Plan National de Recherche et d’Innovation Consolidé (PNRI-C), pour réduire les populations de pucerons vecteurs de la jaunisse. Une réduction des populations de pucerons vecteurs Myzus persicae est observée sur betterave grâce aux graminées en plantes compagnes, et les symptômes de jaunisse sont réduits lorsque l’intensité de la maladie est élevée. Compte tenu des faibles symptômes de jaunisse observés cette année, l’intérêt de cette technique dans le cadre d’une protection aphicide classique dans les secteurs à risque élevé, ou d’une réduction du nombre de traitements aphicides dans les secteurs à risque modéré, reste toujours à confirmer.

Des résultats acquis sur pucerons

Les graminées en plantes compagnes permettent une réduction des populations de pucerons verts Myzus persicae comprise entre 35 et 60 % pour l’avoine rude et 46 et 73 % pour l’orge de printemps (figure 1), 14 jours après le traitement aphicide soit 14 jours après l’atteinte du seuil d’intervention (fixé à 1 puceron pour 10 betteraves). Ces chiffres ont été obtenus grâce à des essais conduits entre 2021 et 2024 sans protection aphicide pour déterminer l’efficacité du levier seul. En combinant ces espèces de plantes compagnes à un traitement aphicide classique, des niveaux de réduction de pucerons intéressants sont également observés, compris entre 72 et 84 % de réduction en moyenne pour l’avoine rude et entre 59 et 81 % pour l’orge de printemps. Avec la féverole, l’efficacité est réduite puisqu’elle est comprise entre 11 et 59 %, tout comme celle des mélanges d’espèces (association d’une graminée avec une légumineuse). Enfin, la vesce ne montre pas d’effet significatif sur les populations de pucerons verts aptères. La poursuite des travaux sur ce levier consiste à mieux évaluer l’effet des plantes compagnes dans le cas d’une protection aphicide dite complète, correspondant à la conduite classique de l’agriculteur afin, à terme, de pouvoir les intégrer ou non dans le conseil.

Itinéraire technique

Plusieurs espèces de plantes compagnes ont été testées pour identifier celles qui s’intègrent le mieux à l’itinéraire technique de la betterave, et qui montrent un effet sur les pucerons et la jaunisse sans impacter le rendement. Les graminées sont les plus adaptées car elles sont globalement compatibles avec le programme de désherbage des betteraves, en particulier l’avoine rude. Le semis de ces espèces nécessite en général une intervention de semis supplémentaire, en plein ou localisée dans l’inter-rang, au moment du semis des betteraves. La densité de semis visée des graminées est de 75 grains/m² pour obtenir une population suffisamment dense afin de perturber la colonisation des pucerons. La destruction des graminées est à réaliser au stade 4 à 6 feuilles des betteraves pour les deux espèces de plantes compagnes, soit avec un antigraminées classique ou mécaniquement en cas de semis dans l’inter-rang. La période de destruction doit impérativement être respectée pour limiter la concurrence entre les plantes compagnes et les betteraves, qui peut conduire à des pertes de rendement importantes en cas d’intervention tardive.

Une efficacité sur la jaunisse qui dépend de la gravité de la maladie

Peu de symptômes de jaunisse ont été observés sur les parcelles expérimentales du réseau en 2024. Néanmoins, les observations réalisées les années précédentes ont permis de montrer que les graminées en plantes compagnes permettent une réduction des symptômes d’autant plus importante que l’intensité de la maladie dans la parcelle est élevée. En effet, lorsque la gravité en jaunisse est inférieure à 2 (soit inférieure à 20 %), l’efficacité moyenne des graminées est de 26 % avec une forte variabilité dans les résultats obtenus (figure 2). Lorsque la gravité est supérieure ou également à 2, l’efficacité moyenne pour ces mêmes espèces est de 44 %, avec trois quarts des situations pour lesquelles l’efficacité moyenne est supérieure à 25 %. Trop peu de situations avec une protection aphicide complète et des symptômes de jaunisse importants (≥ 2 de gravité) ont été rencontrées au cours de ces 4 années de recherche, ce qui ne permet pas de conclure en ce qui concerne l’efficacité de ces plantes compagnes dans des situations optimales intégrant une protection aphicide.

Une concurrence pouvant être limitée

Les plantes compagnes sont présentes en début de cycle de la betterave sucrière, et peuvent concurrencer les betteraves pour les ressources si elles sont maintenues trop longtemps. Dans le cadre du PNRI et du PNRI-C, plusieurs stades de destruction ont été testés, le stade servant à l’évaluation étant celui de la betterave. Pour les deux espèces de graminées en plantes compagnes, une perte de rendement est observée dans la majorité des essais (figure 3). Celle-ci est d’autant plus importante que la destruction des plantes compagnes a été réalisée tardivement. En effet, si une graminée est détruite au-delà du stade 8 feuilles des betteraves, la perte de rendement moyenne est de 18 %. Il semblerait toutefois qu’une destruction plus précoce permette de réduire l’impact sur le rendement des betteraves, avec une perte de 3 % pour une destruction au stade 4 ou 6 feuilles des betteraves.
Les conditions de l’année peuvent également impacter le stade de destruction choisi. Une année sèche favoriserait davantage la concurrence et une destruction au stade 4 feuilles des betteraves maximum serait à privilégier. Au cours d’une année humide, comme 2024, la destruction peut avoir lieu plus tardivement à l’appréciation de l’agriculteur, sans pour autant dépasser le stade 6 feuilles des betteraves.

Et dans le Plan d’Action 28 ?

La cohabitation entre les cultures de betteraves sucrières et de betteraves porte-graines en région Centre présente un risque accru de propagation de la jaunisse virale. Cela s’explique par la présence continue de betteraves tout au long de l’année, empêchant toute interruption du cycle épidémique. Pour faire face à cette situation, un Plan d’action a été lancé en 2024, visant à limiter la contamination par les pucerons entre les deux types de cultures. 71 parcelles de betteraves sucrières ont été suivies dans le cadre de ce plan, financé grâce au soutien du PNRI-C. Des plantes compagnes et des granulés répulsifs ont été mis à disposition des agriculteurs pour compléter leur protection aphicide. Même si cela n’a pas permis l’absence de jaunisse dans cette zone, les agriculteurs sont satisfaits de l’accompagnement et les solutions qui leur seront mises à disposition s’étofferont l’année prochaine. Des actions spécifiques sont également déployées sur les cultures de betteraves porte-graine.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Des résultats acquis avec l’avoine rude et l’orge de printemps montrant une efficacité sur pucerons dans une situation sans protection aphicide ou limitée à un traitement. Une efficacité sur la jaunisse est observée. Elle est d’autant plus forte que les symptômes sont importants dans la parcelle. Les travaux doivent se poursuivre pour déterminer si les plantes compagnes ont un intérêt dans une stratégie de protection aphicide.