Avec une mère employée et un père artisan, Rémi Jannet n’est pas issu directement du milieu agricole, même si une partie de sa famille est dans le métier. Ce Troyen de 39 ans a néanmoins suivi une formation Bepa/bac pro qui le destinait à devenir exploitant agricole un jour, avec deux cordes à son arc : la gestion d’une entreprise agricole et la mécanique.

L’Aubois entre sur le marché du travail par la petite porte en qualité de salarié agricole pendant cinq ans, en Seine-et-Marne et dans son département d’origine. Profession qu’il délaisse pour devenir préparateur et démonstrateur chez PM-Pro, concessionnaire John Deere, dans trois départements. Rémi Jannet enfile ensuite la casquette de commercial chez Clauss, John Deere et, enfin, Euromaster. Il résume cette période de sa vie en soulignant qu’il a été « plus longtemps commercial que salarié ».

Sa carrière prend un nouveau tournant lorsqu’il rencontre sa femme. « Ensemble, nous avons ouvert une poissonnerie à La Rivière-de-Corps, dans l’agglomération troyenne, en septembre 2019. » Rémi en devient « le couteau suisse » entre 2020 et 2023, y compris sur les marchés. Cette année-là, alors que la trésorerie de la poissonnerie commence à se tendre, il décide de créer sa société de prestations de services agricoles, qu’il baptise Jannet Presta Services. Cette entreprise connaîtra une existence éphémère, avec une cessation d’activité programmée fin 2024, mais elle aura permis à son président d’ouvrir un nouveau chapitre de son histoire.

L’agriculteur tire la Feve

C’est en effet grâce à son entreprise de main-d’œuvre que Rémi Jannet va se faire connaître auprès de la Safer et que celle-ci va lui proposer de reprendre les rênes d’une exploitation agricole laissée quasiment à l’abandon, à Montépreux, dans la Marne. « Les champs n’avaient pas été cultivés depuis un an, n’étaient plus fertilisés, avec même une année où les betteraves n’avaient pas été arrachées. » Acquéreur à titre provisoire de ces terres en déshérence, la Safer monte pour lui un dossier de reprise hors cadre familial et le présente à Fermes en Vie, qui en devient le nouveau propriétaire. Fermes en Vie, ou Feve, est une foncière agricole qui permet à une nouvelle génération d’agriculteurs de s’installer à moindre coût. « Les terres appartiennent en fait à des investisseurs privés, qu’il s’agisse d’entreprises ou de particuliers », précise le néo-agriculteur. L’Aubois est le premier bénéficiaire du dispositif Feve – qui est originaire de Bordeaux – dans le grand quart Nord-Est de la France.

Rémi Jannet est à la tête de 79 hectares depuis fin 2023 (1). Il loue les terres à Feve en vertu d’un bail d’une durée de vingt-cinq ans. « J’ai investi au départ 2 % du montant de l’acquisition et, au bout de sept années, j’aurai la possibilité de racheter les terres au fur et à mesure pour devenir propriétaire de mon exploitation », explique le fermier, qui a bien l’attention de lever cette option, au prix de 17 000 euros l’hectare.

Pas de bâtiments et très peu de matériel

Mais Rémi Jannet est un fermier sans ferme car les bâtiments, eux aussi en piteux état, ne font pas partie de la transaction. Rémi Jannet, qui réside à Torvilliers dans l’Aube, à côté de Troyes, à trois quarts d’heure de route de Montépreux, trouve un point de chute chez des agriculteurs amis. Il se félicite d’ailleurs du bon accueil que lui ont réservé les professionnels du coin, ravis sans doute que des terres sans maître soient enfin entretenues. L’Aubois ne vit pas l’absence de pied-à-terre dans le village comme un handicap car ses parcelles sont suffisamment grandes pour éviter des allers-retours trop fréquents entre son domicile et son exploitation.

Rémi Jannet s’est attelé à nettoyer des terres qu’il qualifie lui-même de « très sales ». « La betterave Conviso Smart Evita permet une baisse d’IFT et surtout de gérer les betteraves sauvages ». Le résultat du premier enlèvement est de 79 t/ha à 16°S : « c’est inespéré vu la pauvreté des parcelles ». Il se donne trois ans pour tout remettre en état, sachant que la charte imposée par Feve implique de convertir l’exploitation à l’agriculture biologique dans un délai de cinq ans. Au vu des difficultés actuelles du bio, il se pourrait qu’à l’avenir la certification HVE suffise. Quoi qu’il en soit, l’exploitant, qui ne possède qu’un tracteur en propre et une moissonneuse-batteuse en copropriété, peut aujourd’hui compter sur l’entraide de ses confrères – notamment avec une intégrale Ropa – et, bien entendu, sur ses « propres bras ».

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(1) À ces 79 hectares s’ajoutent près de 18 hectares qu’il loue à sa mère à Chapelle-Vallon dans l’Aube et qu’il cultive exclusivement en colza.