Bruno Anfreas Liljefors naît en 1860 à Uppsala, au nord de Stockholm. Doué pour le dessin et pour la caricature, il bat la campagne aussi souvent que possible car il aime passionnément la nature. Ce n’est pas seulement un observateur ; il participe aussi à la fête sauvage car, comme Joseph Oberthür ou Roger Reboussin, il chasse assidûment. Il entre en 1879 à l’école préparatoire de l’Académie royale des arts de Suède qu’il quitte en 1882, car il la juge trop classique. Il lui faut d’autres horizons et le courant impressionniste – Monet, avec son célèbre tableau « soleil levant » qui l’a lancé en 1873 – l’intéresse tout autant que la peinture orientale. Le voilà à Düsseldorf pour étudier spécifiquement la peinture animalière. Il poursuit son voyage en Haute-Bavière, puis en Italie et enfin à Paris et ses environs. À Grez-sur-Loing, il retrouve une bande d’artistes nordiques et s’inspire de leur peinture en plein air et de la mode des estampes japonaises. Dans les années 1880, il fait partie du groupe suédois Opponenterna qui s’oppose à l’enseignement de l’Académie royale des arts de Suède et à son directeur, Georg von Rosen.
Il est rebelle aux schémas formels classiques mais aussi à la manière dont on peint les animaux, c’est-à-dire en portraits figés et académiques. Lui veut les saisir dans leur vie, avec leurs amours, leurs petits, leurs combats, leurs chasses, leurs jeux.
Inspirateur de Reboussin ?
C’est exactement ce que cherche aussi, à la même époque, le Français Roger Reboussin dont les tableaux se rapprochent beaucoup de ceux de Liljefors. Les deux artistes se sont-ils rencontrés ? C’est probable, d’autant que le Suédois a participé à Paris, en 1912, au premier salon des artistes animaliers. Reboussin avait alors 31 ans. Nous n’avons malheureusement aucune trace des échanges entre les deux peintres.
On retrouve chez ces deux artistes la touche « impressionniste », le refus de l’académisme et le souci de peindre sur le vif. Liljefors fait son chemin. En 1906, il devient membre de l’Académie des arts de Berlin, puis, en 1919, docteur honoris causa de l’université de Rostock.
Il a passé le plus clair de sa vie dans sa région d’origine autour d’Uppsala, avant de s’installer dans l’archipel de Stockholm au cours de l’été 1894. Avec ses forêts, ses prairies et son archipel, l’Uppland regorge de paysages variés, ce qui en fait un cadre idéal pour un naturaliste. On a ouvert au public son pavillon de chasse à Bullerön, ainsi que son atelier.
En 1932, à la fin de sa vie, il s’installe sur l’île de Kungsholmen, dans un appartement de trois étages où il rédige ses mémoires, Det vildas rike (Le royaume sauvage), publiées en 1934. Un livre à rapprocher de celui de Reboussin, « Contes de ma vie sauvage ».
À sa mort, en 1939, on l’inhuma dans le cimetière d’Uppsala.
Jusqu’au bout, il a appliqué son principe : peindre l’animal en liberté. C’est ce qui ressort des œuvres présentées à Paris comme cette martre qui saisit un tétras à la gorge, ce chat qui bondit sur un passereau ou cet autour fondant sur des tétras. On voit aussi un renard pris par des jagdterriers. Une manière de rappeler qu’il était chasseur.
Une centaine d’œuvres
Liliefors aimait la vie au grand air. Il pouvait monter un chevalet sur une barque pour aller observer les canards sur un étang ou se dissimuler de longues heures dans la forêt de sapins pour surprendre une compagnie de tétras-lyre. Excellent gymnaste, il lui arrivait même de grimper aux arbres pour aller peindre des nids.
Une grande toile représente le peintre, élégant dans sa veste de chasse, adossé à un arbre enneigé. Il paraît que le confort de son pavillon était rustique et que Anders Zorn, son ami et « portraitiste », plia bagage plus vite que prévu.
On pourra voir aussi un extrait du film Le peintre animalier Bruno Liljefors. Datant de 1917, il a été réalisé alors qu’il était déjà célèbre et vivait dans son manoir d’Österbybruck. L’artiste est entouré de toutes sortes d’animaux.
On le voit nourrir un hibou grand-duc et jouer avec un renard. Le film le montre également en train d’installer son chevalet sur une barque.
L’exposition réunit une centaine d’œuvres venues presque exclusivement de Suède. Elles nous sont présentées comme « le meilleur du travail de l’artiste » durant la première moitié de sa carrière, c’est-à-dire jusqu’à la Première Guerre mondiale. À ne pas rater.
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*Bruno Liljefors, « La Suède sauvage » du 1er octobre au 16 février 2025 – Petit Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris. Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturnes les vendredis et samedis jusqu’à 20h. – Plein tarif à 12 euros et tarif réduit à 10 euros