NatUp : une moyenne de cinquante essais en grandes bandes chaque année

Depuis deux ans, la coopérative NatUp travaille davantage les biosolutions. « Notre objectif est de nous approprier le fonctionnement de ces produits, de les catégoriser et d’obtenir un mode d’emploi au champ le plus précis afin de mieux les positionner, indique Corentin Dépréaux, responsable technique au sein du service agronomique. De plus, ces dernières années, nous avons eu d’importants problèmes climatiques, donc nous mettons l’accent sur les biostimulants améliorant la croissance des plantes, notamment en lin et pommes de terre. Par exemple, en début de cycle, le lin réagit bien à un programme associant le zinc et les extraits d’algues. » D’ailleurs, il note depuis 2020 un vrai intérêt sur ces produits de la part des agriculteurs et des techniciens ainsi qu’une offre en plein essor. Conséquence, la coopérative a augmenté la phase de screening : « nous visons le meilleur retour sur investissement car la marge de manœuvre des agriculteurs est limitée », complète l’agronome.

Alors, pour se forger un avis et retenir les biosolutions les plus pertinentes, les essais en micro-parcelles servent de premier filtre. Les meilleurs candidats passent l’épreuve de ceux en grandes bandes. Dans ce cadre, les évaluations sont menées chez les agriculteurs membres du réseau Explor’ créé par la coopérative. « Ainsi, on éprouve les différentes solutions dans plusieurs environnements agronomiques via quinze groupes d’agriculteurs, commente Corentin Dépréaux. Ils choisissent les thèmes. Chaque année, cela correspond en moyenne à une cinquantaine d’essais en bandes. Toutefois, ce printemps 2024, nous avons un peu réduit la voilure et mis l’accent sur les produits de biocontrôle en raison du climat très pluvieux ». Confronter ces produits à une forte pression maladie, « cela permet de mieux cerner la performance technique et économique des programmes fongicides. » Dans tous les cas, ces biosolutions s’emploient toujours associées pour ne pas prendre le risque de dégrader le rendement. « Par exemple, le phosphonate est efficace contre le mildiou de la pomme de terre, indique-t-il. En cas de forte pression, nous préférons l’associer à un fongicide conventionnel car nous visons zéro contamination. Le programme se justifie aussi sur le blé car on doit gérer plusieurs maladies. Or, les produits de biocontrôle ciblent uniquement la septoriose. » Dans tous les cas, les essais 2024 montrent que la part du biocontrôle dans le programme dépend de la météo : « le 100 % biocontrôle en année très humide et de forte pression ne suffit pas », observe-t-il.

Cérésia : évaluation du retour sur investissement

Baptiste Belloy, responsable du marché des oligo-éléments et biostimulants chez Cérésia, confirme l’intérêt croissant des agriculteurs pour les biosolutions. « Le marché est en plein essor, explique-t-il. Les grandes entreprises de l’agrobusiness investissent d’ailleurs massivement dans cette catégorie de produits. »

Les agriculteurs sollicitent en premier lieu leurs conseillers techniques pour mieux comprendre un marché des biostimulants marqué par une offre abondante et variée. Ensuite, leurs questions portent surtout sur le positionnement optimal de ces produits en fonction des spécificités agronomiques de leur exploitation. « Lorsqu’ils souhaitent effectuer des essais, la coopérative les accompagne pour sélectionner ceux qui correspondent le mieux à leurs terroirs et pratiques », ajoute-t-il.

Cérésia a commencé des essais en micro-parcelles dès 2019, en testant 15 produits différents. Ces expérimentations visent à améliorer les performances des cultures face aux stress climatiques (sécheresse, gel, excès d’eau dans les sols, températures élevées…), nutritifs (carences ou meilleure disponibilité des nutriments) ou chimiques (comme la réduction de la phytotoxicité des herbicides sur le blé). L’objectif est aussi de mieux cerner la composition et le fonctionnement des biostimulants, et de déterminer les conditions optimales pour exprimer leur potentiel.

« Pour qu’un biostimulant soit retenu, il doit offrir un meilleur rendement au moins huit années sur dix, avec un retour sur investissement favorable par rapport au témoin, précise Baptiste Belloy. En conditions limitantes, il doit préserver le potentiel de production, tandis que dans des conditions favorables, il doit permettre d’augmenter le rendement. Nous poursuivons l’acquisition de références agronomiques pour définir les critères d’utilisation optimaux et les indicateurs économiques les plus pertinents. »

Groupe Carré : les biosolutions sont incontournables en blé, pommes de terre et betteraves

Depuis dix ans, au sein de la ferme pilote en agroécologie du groupe Carré, située à Gouy-sous-Bellonne (62), des essais en biosolutions sont menés en grandes parcelles. Ce terrain d’expérimentation de 190 hectares, dédiés aux cultures des Hauts-de-France, inclut une superficie importante de betteraves (15 %), de pommes de terre (15 %) et de blé (80 %). « Nous avons été pionniers dans ce type d’essais et nous sommes aussi membre du réseau de fermes pilotes Étamines géré par notre centrale d’achat Actura, explique David Boucher, responsable agronomie de l’entreprise. Par ailleurs, nous collaborons avec des partenaires tels que McCain, Bonduelle, Tereos et divers acteurs pour les cultures industrielles. Aujourd’hui, nous avons une longueur d’avance car nous sommes en mesure de partager des valeurs avec les agriculteurs. Mais pour y parvenir, il a fallu adapter nos protocoles, notamment pour les biostimulants. Par exemple, pour les bactéries fixatrices d’azote, mesurer l’azote fixé sur une betterave recevant déjà 100 unités d’azote pour une dose bilan à 50 unités n’a pas de sens ! En cas de surfertilisation, la plante perd en richesse au profit du feuillage. »

Les essais avec des produits de biocontrôle et des biostimulants sont plus exigeants. Ils incitent à une meilleure compréhension du fonctionnement de la plante pour optimiser l’application des produits. « Un biostimulant positionné avant ou après la période de tubérisation de la pomme de terre ne donne pas le même résultat ! », prévient David Boucher. Avant d’étendre ces tests à grande échelle, le service agronomique a préalablement évalué 57 biostimulants sur une centaine rien qu’en 2022, pour finalement n’en retenir que quatre. Les principes actifs testés ciblent la résilience au stress abiotique (hydrique, température, phytotoxicité) et l’amélioration de la production. Il s’agit d’extraits d’algues (ascophyllum nodosum), de la glycine bétaïne, des acides aminés, ainsi que des acides fulviques et humiques.

Un gain net en pommes de terre de 200 €/ha

Les essais en grandes bandes montrent déjà des résultats concrets : pour la pomme de terre, un gain de 2 à 3 tonnes est observé pour 2 à 3 applications de biostimulants (acides fulviques et humiques à l’implantation ; ascophyllum et acides aminés à la tubérisation et pendant le grossissement). « En 2024, malgré seulement deux semaines de stress climatique, nous constatons plus d’une tonne en pomme de terre fécule et un point de richesse supplémentaire pour une densité à 21 », se réjouit David Boucher. Le coût de programme est de 60 €/ha, le gain supplémentaire de 200 €/ha.

Et pour la betterave ? « Avec l’ascophyllum nodosum, nous observons une réponse positive face au stress hydrique », affirme le responsable agronomique. En septembre 2023, marqué par une semaine de températures exceptionnelles, la glycine bétaïne a également amélioré les rendements d’environ 5 tonnes par ha. Par ailleurs, les acides aminés se révèlent efficaces pour réduire la phytotoxicité des herbicides. Concernant le recouvrement rapide de l’inter-rang, les essais sont encore trop récents.

Association biocontrôle et génétique

Du côté du biocontrôle, plusieurs produits montrent une très bonne efficacité. Contre les limaces, les performances de certains granulés de phosphate ferrique égalent celles du métaldéhyde. « C’est vraiment une stratégie de remplacement », note David Boucher. Il rappelle que la révision des seuils de nuisibilité est nécessaire car l’effet du phosphate ferrique intervient dans les 48 heures, contrairement à l’effet « choc » du métaldéhyde. Pour le blé, le tandem variété tolérante et biocontrôle donne d’excellents résultats pour contrôler la septoriose. Il emploie de la laminarine, du phosphonate de potassium et du soufre. « Toutefois, en cas de rouilles, un fongicide conventionnel reste nécessaire en association dès le T1 », prévient-il. Le raisonnement est identique en betterave : « le cuivre homologué fongicide donne de très bons résultats pour contrôler la cercosporiose sur des variétés tolérantes, mais si la rouille ou l’oïdium se développe, il faut un fongicide conventionnel qui agisse aussi sur ces pathogènes. »

Sur la pomme de terre, le phosphonate de potassium s’avère efficace en complément d’une stratégie fongicide classique contre le mildiou. Ce biocontrôle est également recommandé soit pour réduire les IFT une année de pression mildiou « normale », soit pour optimiser le programme lors d’une année exceptionnelle comme 2024.

Bien que le coût des programmes fongicides intégrant le biocontrôle soit supérieur aux produits conventionnels, David Boucher reste optimiste : « les écarts de prix devraient se réduire à mesure que le biocontrôle s’implante durablement sur le terrain. Des ajustements sont déjà constatés. »