C’est l’effet battement d’aile de papillon sur la destinée des prix des graines de colza. Les portes d’une écluse installée sur la Moselle en Allemagne se sont disloquées, bloquant toute navigation et notamment les péniches qui transportent des graines de colza à destination des ports français de Metz, Thionville-Illange et Frouard. 70 navires seraient bloqués. Les prix physiques dits « Fob Moselle » – « Free on Board », c’est-à-dire « franco à bord », se fixent dans ces ports quand la marchandise y est parvenue. Le 17 décembre, les cours du colza Fob Moselle affichent 543 €, mais atteignent 555 € la tonne à l’annonce de l’incident, Euronext décidant de suspendre l’échéance de février 2025 de son contrat graine de colza…
D’autres événements que celui de l’écluse alimentent la hausse. La chute du régime de Bachar Al-Assad en Syrie a provoqué une hausse des prix du pétrole, qui a entraîné une partie des oléagineux dans son sillage. Le prix de la graine de tournesol a même atteint 660 €/t, son plus haut niveau de l’année. De plus, d’après les industriels de la trituration en Europe, celle-ci est très dynamique, et serait en hausse de 4 % depuis le début de la campagne de 2024.
Sur le plan international aussi, il y a des facteurs de hausse. Le prix du canola australien grimpe en lien avec l’augmentation des importations de l’Europe. Le canola canadien voit ses volumes disponibles fondre. StatCan a ainsi revu son estimation de production de canola canadien à 17,8 Mt pour 2024, contre 19,2 Mt pour la récolte précédente. Enfin, l’effet des menaces de Donald Trump d’appliquer des droits de douane de 25 %, qui avait fait glisser les prix, s’est estompé, même si les politiciens locaux rivalisent de propositions appelant à la résistance face au président américain, s’il met ses menaces à exécution.
À l’inverse de ce qui se passe pour le colza et le tournesol, sur le continent européen, les prix de la graine de soja restent toujours stables, à un niveau faible – autour de 360 $/t – selon la cotation de la graine à Chicago. Le marché reste très lourd en raison d’une production très abondante aux États-Unis, de 131 Mt selon la dernière livraison du département américain de l’Agriculture, même si la trituration et les exportations auraient des tendances favorables. L’Argentine, en pleine restructuration financière, va triturer environ 40 Mt sur les 53,5 Mt de production, essentiellement pour son marché domestique.
Enfin, au Brésil, la Conab – le ministère de l’Agriculture brésilien – vient d’estimer la production en cours à 166 Mt, mais la plupart des analystes tablent plutôt sur 170 Mt. Les conditions météo sont bonnes et les semis en cours d’achèvement. Les volumes à venir sont donc énormes, et bloquent les hausses de prix, d’autant que la Chine réduit ses importations, les stocks étant au plus haut.