Quelque 196 agriculteurs engagés en 2023. 220 nouveaux en 2024. Et bientôt 1 000, dès 2026. « Transition est une aventure collective où nous voulons engager le plus d’agriculteurs », a rappelé Valérie Frapier, coordinatrice du programme chez Vivenscia, le 6 novembre, à Beauvais. Le colloque rassemblait 140 personnes, majoritairement clients de la coopérative champardennaise pour un point d’étape. « Transition donne le cap vers une agriculture moins carbonée, proactive, productive, plus résiliente au changement climatique et favorable au sol et la biodiversité au service des acheteurs et des agriculteurs », résume le président de la coopérative Christoph Büren. L’originalité réside dans l’engagement des acteurs de l’agro-alimentaire clients de Vivescia qui soutiennent 90 % du programme. Vivescia, qui a reçu 1,9 M€ dans le cadre de France 2030, assure les 10 % restants. Autre point fort : le programme concerne toute l’exploitation, contrairement à des programmes filières.

Dérisquer l’agriculture

« Les agriculteurs seuls ne peuvent assurer le risque d’une transition vers une agriculture régénérative. Transition leur apporte un soutien financier et un accompagnement technique » affirme Valérie Frapier. 85 % des agriculteurs engagés vont percevoir environ 100 €/ha. Les 11 % des producteurs ayant déjà atteint un niveau de performance supérieur (niveau 2) recevront près de 150 €/ha. Une prime, estimée par Vivescia supérieure au coût des leviers agronomiques engagés.

Concrètement, les agriculteurs suivent des formations et disposent d’un accompagnement technique renforcé. À partir d’un diagnostic environnemental, des techniciens proposent un plan de progrès. Des données évaluent les émissions de gaz à effet de serre, la santé et résilience du sol (durée de couverture des sols, carbone humifié et restitué au sol) et la biodiversité (certification environnementale). La fiabilité de Transition réside dans leur robustesse (500 000 au total aujourd’hui, soit 100 données par parcelle). L’objectif du niveau de performance vise une présence des couverts de 25 jours supplémentaires par rapport à la moyenne de la petite région et un stockage de plus de 1,45 t CO2/ha/an. L’empreinte carbone doit diminuer de 15 % par rapport au niveau de référence ou être inférieure à 2,5 t CO2eq/ha/an. Pour la biodiversité, l’objectif est la certification HVE ou CE2+.

Vers la duplication à l’international

Le programme, aligné avec les standards internationaux, est l’un des plus avancés de la planète, selon Adrien Trompier, directeur agro de la société de conseil Quantis. Une nécessité imposée par Vivescia, qui travaille avec de nombreux clients internationaux. Son client Heineken participe au programme Transition depuis deux ans et envisage la duplication à l’étranger. Puratos, fournisseur d’ingrédients pour les boulangeries, pâtisseries, chocolateries, avec ses filiales dans 68 pays, s’est aussi engagé. De même que la brasserie belge Caulier. Tereos, présent dès la première heure, soutient le projet pour les betteraves et les céréales. Une autre coopérative céréalière devrait rejoindre la démarche. La société Hectar va installer un démonstrateur Transition sur sa ferme. Et une nouvelle chaire d’enseignement d’UniLassalle Beauvais est pleinement impliquée dans le programme.

Alain Deketele, agriculteur à Remicourt (Marne)

« En agriculture de conservation des sols depuis 15 ans, je cultive des couverts depuis longtemps. J’ai introduit des légumineuses comme culture principale et de plus en plus dans mes couverts. Je n’utilise que des engrais azotés solides. J’ai rejoint Transition pour le partage d’expérience collectif avec les autres agriculteurs et les techniciens de la coopérative. Trouver des solutions n’est pas si difficile que cela. Avoir des données précises me permet de quantifier. Ensuite, travailler avec les clients finaux qui utilisent mes produits donne un supplément d’âme à mon travail. De plus, ayant des rendements un peu en dessous de mes voisins, la prime de 150 €/ha va rémunérer les efforts accomplis. »

Marie Gailliot, agricultrice à Saint-Etienne-à-Arnes (Ardennes)

« Dans un projet de méthanisation avec production de biogaz depuis deux ans, je mets en place de nouvelles cultures, comme le seigle et le sarrasin. Avec Transition, je vais mieux connaître les impacts de ces cultures, mais aussi de mes apports de digestat, sur le sol et sur les gaz à effet de serre. C’est l’occasion de faire un état des lieux de nos pratiques, qui va nous aider à aller plus loin dans des pratiques vertueuses. L’accompagnement financier et technique nous aide dans ce sens. Je souhaite passer au niveau de performance HVE. J’ai besoin d’être rassurée sur la pérennité du programme, notamment l’accompagnement financier. »

Marie Grasser, agricultrice à Tagnon (Ardennes)

« Avec mon frère, nous cultivons des céréales, de la luzerne, des betteraves, du pavot et de l’œillette. Nous avons planté un verger de 25 000 pommiers. Nous venons d’entrer dans le programme. Pour nous, c’est l’opportunité de changer nos pratiques et de partir sur de bonnes bases. Nous allons prendre des risques et essayer de passer en CE 2+ et HVE. Mais nous avons beaucoup de techniques à changer. Aujourd’hui, nous employons 100 % de solution azotée. Passer à l’engrais solide nous oblige à investir dans un épandeur d’engrais solide. Avec un engrais plus cher. Nous avons aussi à progresser dans la durée de couverture du sol et dans la qualité des couverts. J’apprécie l’aspect progressif du programme. »

Une soixantaine de planteurs suivent le programme Transition

David Sergent, secrétaire général de Tereos

« Comme Vivescia, en tant que groupe international, nous partageons cette volonté de décarboner, dans l’amont et l’aval. Et ce d’une manière qui valorise les efforts faits par les agriculteurs. Nous partageons les valeurs collectives de Vivescia, de même que leur territoire. L’approche par exploitation et non par filière permet une prise en compte de l’ensemble de la rotation, avec les couverts végétaux, et la biodiversité. Tereos s’est engagé sur l’achat de blé et maïs Transition, valorisé en amidon ainsi que dans l’achat de betteraves. Elle valorise directement les surfaces betteravières de la soixantaine de planteurs Tereos suivant le programme Transition. Dès la récolte 2025, notre groupe doublera les achats de blé du programme par rapport à 2024 et ajoutera un contrat maïs. »