Céline Vannier a repris la ferme familiale en septembre 2015 à Harcourt, près du Neubourg dans l’Eure. Mariée et maman de deux garçons de 7 et 9 ans, elle a quitté la région parisienne où elle était directrice adjointe dans l’hôtellerie-restauration pour s’installer sur la ferme de ses parents. Un virage à 180 degrés pour cette fille et petite-fille d’agriculteurs, la plus âgée d’une fratrie de trois au destin tout trouvé, tant elle a l’âme du métier de la terre.

Mais cela ne s’est pas fait tout seul. Soutenue par ses deux sœurs, elle a obtenu le BP REA (brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole) qui lui donne la capacité pour s’installer.

Son père l’a aidée à mettre le pied à l’étrier. « Je ne voulais pas que la ferme familiale disparaisse. Mon père prenait de l’âge. Je me suis dit pourquoi pas moi ? Je peux le faire. J’ai eu des doutes la première année et puis, au fil du temps, j’ai pris de l’assurance. »

Fière d’être agricultrice

Céline Vannier exploite 140 hectares en polyculture. Elle partage le corps de ferme et le matériel agricole avec son oncle Bruno Vannier, qui a une ferme tout à côté. Elle emploie un salarié à temps plein avec son oncle. Elle cultive du blé, du colza, du lin et des betteraves sucrières qu’elle livre à la sucrerie Saint Louis Sucre d’Étrépagny.

Ses premières betteraves grosses comme des carottes

Du haut de son tracteur Case ou de son arracheuse de betteraves, elle domine la plaine, la sienne, pas peu fière, comme son père avant elle du choix qu’elle a fait d’être agricultrice. La jeune femme est une battante, dynamique et ouverte aux autres. Elle va dans les écoles avec l’association Ville & Campagne et son binôme Nadège Petit, agricultrice aussi, pour expliquer aux enfants son métier, ses atouts et ses obligations en matière de respect de l’environnement. « C’est un métier proche de la nature qui est trop souvent malmené, mal compris aussi et c’est à nous d’expliquer nos pratiques, pourquoi on traite les plantes, pourquoi on utilise certains produits dans le respect des normes édictées par les autorités sanitaires », plaide Céline Vannier. « C’est compliqué parfois, mais c’est passionnant », se réjouit-elle.

« La première année que j’ai fait des betteraves sucrières, elles étaient grosses comme des carottes. On avait semé très tard et les premiers enlèvements ont eu lieu à la mi-septembre. Depuis j’ai appris. Cette année, on a semé plus tard que d’habitude et on a eu beaucoup d’eau. Résultat : ce n’est pas une bonne année à cause aussi des pucerons et la cercosporiose. Au lieu de 90 à 100 tonnes hectare, on est à 65 t/ha à 16°S, alors que je viens d’investir dans une arracheuse d’occasion utilisée avec mon oncle et chez deux autres planteurs et que Saint Louis Sucre veut baisser les surfaces et les prix », constate l’agricultrice euroise.

Elle gère toutes les cultures. Elle a semé cette année du lin d’hiver et de l’orge de printemps. Elle suit les évolutions technologiques, pratique les semis de précision grâce au GPS. « Même pour l’arrachage des betteraves, c’est plus facile ». Par ailleurs, elle a pour projet est d’investir dans une bineuse avec un écartement modulable, pour permettre de biner à la fois les semis de betteraves à 45 cm d’écartement et les autres cultures à 15 cm d’écartement. « J’ai un semoir équipé de trois trémies pour semer les couverts végétaux, la moutarde, la vesce et la phacélie et localiser les engrais sur la ligne de semis. »

S’investir dans le collectif

« Lorsque j’entends que nous faisons n’importe quoi, là je sors les griffes mais je prends mon bâton de pèlerin pour dire que la terre est nourricière et qu’il faut la protéger si l’on veut qu’elle soit fertile », déclare l’agricultrice engagée dans l’action via plusieurs organismes et associations.

Elle est conseillère municipale du village d’Harcourt, élue membre de la Chambre d’agriculture de l’Eure, adhérente de NatUp, présidente du groupe local du Ceta (centre d’étude technique agricole) pour « améliorer nos pratiques et nos techniques » avec notamment la mise en place d’essais culturaux.

La jeune femme fait aussi partie du comité régional d’orientation professionnelle pour l’institut du végétal Arvalis. Elle est enfin référente au sein du bassin d’alimentation en eau, proche d’Harcourt qui regroupe quatre agriculteurs.

Cela montre sa volonté de s’investir dans le collectif pour progresser et continuer d’apprendre pour faire aimer son métier, le défendre dans l’intérêt général. Un beau parcours pour cette jeune cheffe d’exploitation en première ligne dans une profession où les femmes agricultrices sont de plus en plus nombreuses.