Au moment de choisir ses graines, il est difficile de prévoir quelle maladie sera la plus préjudiciable. On l’a encore vu cette année avec les attaques du mildiou et de la cercosporiose, alors que la jaunisse a été contenue. Les variétés doivent donc répondre à tous ces défis.
La cercosporiose, maladie numéro 1
Même si la cercosporiose a fortement impacté les rendements cette année, les nouvelles variétés confirment leur progrès. La tolérance à la cercosporiose va être un critère de choix prioritaire dans beaucoup de zones betteravières.
KWS a lancé le label Cerco+ pour ses variétés très tolérantes à la cercosporiose, comme pour Antonica. « Les agriculteurs sont tentés de traiter moins, mais les Cerco+ doivent aussi être protégées, conseille Patrick Mariotte, directeur général de KWS France. Le but est d’apporter des tonnes en plus pour les arrachages tardifs et non pas diminuer les fongicides. »
Filiale américaine de KWS, Betaseed utilise aussi ce label Cerco+, comme pour la BTS 2620, qualifiés de « réelle avancée pour des arrachages tardifs. C’est ce type de variétés qui optimise la teneur en sucre, qui fait défaut depuis deux ans », déclare Benoît Rose, directeur de Betaseed France,
Chez SESVanderHave, les nouvelles variétés tolérantes à la cercosporiose sont estampillées Cercotech. C’est le cas des variétés Lupin et Ours pour les semis 2025. Bruno Dequiedt, directeur général de SESVanderHave, tient le même discours que son confrère de KWS : « c’est une assurance rendement pour les récoltes les plus tardives, pas pour faire des économies de produits phytosanitaires ».
Florimond Desprez arrive aussi sur le segment Cercotech, suite à l’intégration de deux variétés de Maribo dans sa gamme (voir page 16). Il s’agit de la variété Tetra et MH 4079 en cours d’inscription (2éme année de CTPS). « L’arrivée de la nouvelle technologie Cercotech nous permet de progresser sur la cercosporiose », déclare Pierre Carré, directeur marketing adjoint.
De son côté, Deleplanque fait le pari de la solidité et la polyvalence. « Nous n’avons pas les variétés les plus tolérantes du marché, mais des variétés qui passent sur quasiment l’ensemble des situations », explique Maxime Bouton, directeur commercial de Deleplanque. Emmanuel Sterlin, responsable marketing et communication ajoute : « nous avons une approche multigénique, car il y a plus de 200 souches de cercosporiose. C’est une approche plus robuste et plus durable que de s’appuyer sur un seul gène de résistance. »
La cercosporiose est devenue une maladie tellement importante que tous les semenciers déclarent qu’ils ne déposent désormais à l’inscription que des variétés tolérantes à la cercosporiose !
Jaunisse : la recherche continue
L’autre maladie très redoutée depuis la fin des néonicotinoïdes est la jaunisse. Jusqu’à maintenant, les variétés sur le marché sont issues d’un « nettoyage de la gamme » qui a consisté à éliminer les variétés les plus sensibles. Mais force est de constater qu’il n’y a pas vraiment de variétés tolérantes aujourd’hui. Les premières variétés réellement sélectionnées pour cette maladie arrivent dans le réseau d’essais du Comité technique permanent de la sélection (CTPS) pour des mises en marché prévue pour 2027. Dans ce réseau officiel, elles sont testées vis-à-vis de chaque virus individuellement, ce qui permet d’établir la carte d’identité de la future variété. Dans un deuxième temps, les essais post-inscription de l’ITB et des services agronomiques de sucreries soumettent les variétés à des pressions énormes d’un cocktail de virus de la jaunisse.
« Si on ne parle plus trop de la jaunisse en plaine, les sélectionneurs continuent de travailler », assure Hubert Loiseaux, responsable du développement chez Florimond Desprez. Comme la majorité des semenciers, le groupe français mise sur des variétés très productives plutôt que sur des fortes tolérances.
« La jaunisse reste le sujet numéro un, confirme Bruno Dequiedt, même si c’est avant tout un problème français, belge et anglais ». Les cinq semenciers qui ont participé au programme Flavie (voir BF 1135) ont réalisé un screening de leurs variétés. Tout le matériel génétique sensible a été éliminé. « Le niveau de productivité en jaunisse s’explique par la productivité de base de la variété, estime Paul Edeline, chef de produit betterave sucrière de SESVanderHave. Les meilleurs en terrain sain sont aussi les meilleures en jaunisse. »
Même son de cloche du côté du groupe KWS. « Toutes les variétés perdent entre 15 et 20 % de rendements. Les variétés les plus productives sont donc celles qui s’en sortent le mieux », confirme Benoît Rose de Betaseed. Patrick Mariotte de KWS ajoute : « on ne cherche pas une variété 100 % résistante à la jaunisse et nous aurons encore besoin des insecticides en relais pour encore quelques années. Il ne faut surtout pas désarmer sur les produits chimiques. »
Deleplanque a une approche un peu différente, puisqu’il a choisi de marquer son expertise jaunisse avec le logo « VitalY » et qu’il annonce que ce type de variétés préserve davantage leur rendement en situation des pressions de la maladie. « Dans les essais jaunisse, nous avons des variétés qui ne perdent que 10 % de rendement initial », explique Maxime Bouton, qui met en avant sa variété ST Johannesburg, offrant aussi une tolérance à la cercosporiose et aux nématodes.
Syndrome des basses richesses
Les semenciers, qui sont aussi présents sur tous les autres marchés mondiaux, travaillent sur le SBR. Le semencier allemand KWS est bien sûr sur ce créneau, puisque la maladie touche surtout le sud de l’Allemagne. « C’est un vrai sujet peut-être plus international que la jaunisse, annonce Bruno Dequiedt de SESVanderHave. Nous proposons plusieurs variétés, la plus connue est Fitis avec son label tolérant au SBR, qui a conquis une bonne part de marché dans le sud de l’Allemagne. » Enfin, Deleplanque observe aussi qu’une partie de son pool génétique se comporte bien en Allemagne, en Suisse et en Serbie ; trois pays touchés par cette maladie bactérienne transmise par les cicadelles.
Les sociétés SESVanderHave, Florimond Desprez et Deplanque annoncent que leurs semences seront traitées avec le Scenic Gold de Bayer, en complément du traitement de semences habituel Tachigaren pour les protéger contre l’aphanomyces et la fonte de semis liée au fusarium. Les substances actives sont la Fluopicolide (200g/l) et la Fluoxastrobine (150 g/l). La dose d’utilisation est de 20 ml/unité. Cette opération sera sans surcoût pour le planteur.
LES VARIÉTÉS SMART SE DÉVELOPPENT FORTEMENT
Pour la première fois, une betterave Smart a été inscrite au catalogue français. Les variétés Smart se rapprochent des performances des variétés standards, notamment sur le créneau des tolérantes aux nématodes.
C’est un segment de marché qui explose ! Alors qu’il ne représentait que de 3,4 % pour les semis 2024, soit 14 500 ha, « le marché pourrait être multiplié par 2 ou 2,5 l’année prochaine. On devrait atteindre les 30 à 40 000 ha en 2025 », estime Patrick Mariotte, directeur général de KWS France.
La France rattrape ainsi son retard sur les autres pays où cette technique est déjà largement adoptée. En Europe, les betteraves Smart représentent 700 000 ha !
« Depuis 3 ans que les variétés Smart sont disponibles en France, les agriculteurs apprécient la facilité du désherbage. Les voisins des agriculteurs qui les utilisent sont impressionnés par les résultats spectaculaires. Visuellement, il y a moins d’effet de phytotoxicité », s’enthousiasme Patrick Mariotte. « En Alsace, ce sont les variétés Smart tolérantes à la cercosporiose qui ont permis de regagner des hectares de betteraves », poursuit le directeur de KWS. Car progressivement, tous les segments du marché intègrent le gène de résistance à l’herbicide inhibiteur de l’ALS : des variétés tolérantes à la forte pression rhizomanie, aux nématodes, au rhizoctone brun ou encore à la cercosporiose sont déjà disponibles dans le pool génétique KWS, indique le semencier.
Mais la nouveauté de cette année est l’inscription, pour la première fois, au catalogue français d’une variété tolérante au Conviso One : Smart Evita en juin 2024. Rappelons que l’arrivée en France de ce type de variété n’a été possible que grâce à la volonté de la filière betterave sucre, qui a inscrit dans les accords interprofessionnels la possibilité de semer des variétés inscrites au catalogue européen.
Si le groupe KWS (avec sa filiale Betaseed) est le leader sur ce créneau, les autres semenciers arrivent également, notamment SESVanderHave qui a vendu 2 500 unités cette année (soit 18 % de ce marché). Pour 2025, il proposera une gamme complète avec des betteraves tolérantes aux nématodes, à la cercosporiose et à la FPR.
Florimond Desprez prévoit « une première année de vraie commercialisation avec 1 000 à 2 000 unités », indique le directeur marketing, Rémi Henguelle.
Deleplanque est pour le moment le seul sélectionneur à ne pas développer une betterave tolérante à l’herbicide inhibiteur de l’ALS, un choix réalisé quand la société familiale française a intégré le semencier Allemand Strube il y a 6 ans. L’arrivée du nouvel actionnaire RAGT, qui développe par ailleurs ce type de technologie avec le tournesol Clearfield, changera-t-elle la donne ?