L’été passé, la récolte de céréales a été la plus faible depuis 1983. Dans les vergers, les épisodes de gels tardifs sont de plus en plus fréquents. Si les agriculteurs ont subi des pertes très importantes et souscrit un contrat d’assurance multirisques sur récoltes, leur manque à gagner est en partie compensé par les indemnisations versées par leur compagnie d’assurance.
Sur son exploitation, Paul, céréalier, a perdu plus de 65 % de sa récolte, soit près de 77 000 € HT de chiffre d’affaires en moins. Comme il est assuré multirisques sur récoltes, sa compagnie lui versera 45 000 € d’indemnités. S’il n’avait pas conclu de contrat d’assurance, il aurait perçu l’indemnité de solidarité nationale, plafonnée à environ 5 500 €.
Contrat d’assurance ou pas, l’indemnisation est perçue dans les semaines qui suivent la survenance de ses pertes. Elle sera imposable et compensera une partie de la baisse du chiffre d’affaires de l’exercice fiscal en cours, puisque les pertes ont été réellement constatées.
Si Paul cultive une vigne en plus de ses céréales. Sa perte totale de chiffres d’affaires va être de 135 000 € HT (céréales et vin). En revanche, Paul perd de la vente de céréales sur N (77 000 € HT), mais perdra de la commercialisation de vin en N+1 ou N+2 (58 000 € HT).
Paul va percevoir 79 000 € d’indemnité (45 000 € pour les céréales et 34 000 € pour les vignes). Elle lui sera acquise ou versée en N. « Si toute l’indemnité est fiscalisée en N, cela va créer un déséquilibre fiscal, explique Patrice Villerot, expert-comptable associé, président d’Aucap-Terravea, membre du groupement AgirAgri. Grâce aux dispositions de l’art 72 B du CGI, cette indemnisation sera imposable au titre de l’exercice N pour les céréales (45 000 €) et N+1/N+2 pour les vignes, (34 000 €) puisque la perte de chiffre d’affaires sera effective lors de la commercialisation du vin après vinification. »
Récapitulons :
Année N
• Avril N : grêle
• Juin N : indemnisation acquise (ou perçue) : 79 000 €, dont 45 000 € pour les céréales et 34 000 € pour les vignes
• Exercice clos le 31 juillet N : imposition de l’indemnité de 45 000 € sur les céréales
• Comptabilisation en produits à recevoir, du solde de la créance sur l’assurance : 34 000 €
• Déduction sur la liasse fiscale : – 34 000 €
Année N +1
• Exercice clos le 31 juillet N+1 : imposition de l’indemnité de 34 000 € sur les vignes (réintégration fiscale)
Autrement dit, les modalités d’imposition de l’indemnité sont les suivantes :
– comptabilisation de son montant (79 000 € dans notre exemple) en compte « produits » et déduction extracomptable (34 000 €) pour déterminer le résultat fiscal de l’exercice (45 000 €) où l’indemnité est acquise dans son principe et chiffrable dans son montant ;
– réintégration extracomptable (34 000 €) pour déterminer le résultat fiscal de l’exercice au cours duquel la récolte perdue ou affectée aurait dû être vendue.
Ce décalage fiscal porte sur des récoltes encore sur pied et non engrangées dont l’origine des dommages est exclusivement limitée aux incidents climatiques suivants : sécheresse, grêle, excès d’eau et pluies violentes, coup de chaud ou de froid, vent, poids de la neige ou du givre et manque de rayonnement solaire. Sont par suite exclues les catastrophes naturelles et les calamités agricoles sans origine climatique, telles les maladies par exemple.
« Sans application de l’art 72 B du CGI, l’indemnisation serait imposable à 100 % lorsqu’elle était acquise, sans même avoir été perçue », souligne Patrice Villerot. Aussi, Paul aurait eu à déclarer l’indemnité de 79 000 €. Cette somme se serait alors ajoutée aux produits de l’exercice N et aurait artificiellement gonflé son résultat imposable. Et l’année suivante, la baisse de son chiffre d’affaires aurait généré un manque à gagner important.
Le dispositif exposé est applicable uniquement aux exploitants agricoles, dont les bénéfices relèvent de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles et sont soumis à un régime réel d’imposition. Les sociétés et entreprises individuelles relevant de l’IS ou du régime des micro-exploitations ne sont pas concernées.