« Notre transformation se veut pragmatique pour aller vers une agriculture plus durable, résiliente et économiquement rentable », rappelle Jean-Jacques Pons, directeur général de BASF France division Agro. Dans cette optique, l’entreprise lançait en 2020 sa feuille de route agroécologique à l’horizon 2030.
Toutefois, pour le dirigeant, l’agriculture négocie actuellement un virage plus important qui entraîne des changements de pratiques conséquents. « Ensemble, nous devons réinventer notre modèle de performance, de marché et de gestion des risques », ajoute-t-il.
En 2024, l’Europe ne représente plus que 20 % des molécules mises sur le marché dans le monde, contre 50 % en 2000. S’il juge « urgent » de conserver la phytopharmacie, il estime que « c’est la combinaison des solutions qui, demain, fera probablement la plus grande innovation du marché ! ». Cette nécessaire diversification et association des solutions amène l’entreprise à développer, en complément des innovations dans l’agrochimie, le digital, les biosolutions, les semences et à s’engager dans la décarbonation de l’agriculture.
D’ici à 2030, 59 % du portefeuille de solutions sera constitué d’innovations. Parmi celles-ci, les produits de protection des plantes, qu’ils soient conventionnels ou des biosolutions, représenteront 46 % de l’offre totale. Un investissement de près de 900 M€ en R&D (42 % du budget) en 2023 au niveau global témoigne de cette ambition.
Cependant, pour accélérer les innovations et accompagner les agriculteurs, Lucie Meyer, directrice de l’innovation et de la durabilité, souligne l’importance de s’entourer des acteurs clés : « il est indispensable d’avoir tout le monde autour de la table. »
L’essor des biosolutions
Les biosolutions représentent un segment stratégique pour BASF. En 2023, BASF France Agro leur consacrait 13 % de son budget R&D. « Ce segment est particulièrement attendu, affirme Benjamin Gicquel, responsable agroécologie. Pour cette raison, nous avons revu notre stratégie pour devenir un des leaders de ce marché à l’horizon 2030. » D’ailleurs, BASF prépare six biosolutions, dans les cinq prochaines années, issues de sa recherche mais aussi d’accords avec des tiers.
Parmi celles récemment lancées, Limus Perform, un inhibiteur d’uréase et deux biostimulants composés de phytostérols et issus du partenariat avec Elicit Plant : EliSun-a en tournesol et EliGrain-a en céréales à paille.
Un pipeline d’innovations et le digital en appui
À court terme (2025-2026), BASF prévoit la mise en marché en grandes cultures d’un traitement de semences (Xemium) et d’un antimildiou pour pommes de terre. Sur 2026-27, BASF espère l’arrivée du Luximo, une nouvelle matière active herbicide céréale sur un marché en recomposition. Aussi, dans le pipeline, un insecticide pour betteraves avec un nouveau mode d’action, un fongicide pour céréales. Quant aux blés hybrides, ce serait pour 2028.
Côté digital, la plateforme Xarvio Field Manager propose de nouvelles fonctionnalités pour améliorer la gestion des cultures, notamment en renforçant la protection de la betterave contre la cercosporiose (voir p37). Grâce à un partenariat avec Precifield, les utilisateurs peuvent désormais consulter, modifier et exporter leurs cartes de conseil en azote, directement depuis la plateforme Xarvio. Par ailleurs, BASF teste le service innovant Xarvio Healthy Fields, qui offre une solution garantissant une protection optimisée des parcelles.
Réduction de l’impact environnemental
La feuille de route agroécologique vise à réduire l’impact des produits phytopharmaceutiques sur l’environnement et la santé. Pour une utilisation durable des herbicides à base de DMTA-P, métazaclore et de bentazone, BASF propose l’outil d’aide à la décision Pratiqu’Eau-Pratique, développé en partenariat avec les instituts techniques (Arvalis, Terres Inovia, ITB) et la distribution agricole. L’outil identifie les parcelles sensibles et les pratiques durables produites récoltées.
L’entreprise collabore aussi avec la coopérative Cérésia sur un projet pilote de décarbonation impliquant 12 agriculteurs et 600 hectares. Les pratiques bas carbone mobilisent neuf leviers agronomiques, comme l’ajustement des fertilisations azotées, l’utilisation d’inhibiteurs, ou le recours à des variétés et couverts végétaux. À l’horizon 2030, la feuille de route prévoit une baisse de 30 % des gaz à effet de serre (GES) par tonne de récoltes.