La transition vers la seconde partie de campagne sera sans tension. Les récoltes de blé ont débuté dans l’hémisphère sud. 32 millions de tonnes (Mt) de grains seront produites en Australie et 17,5 Mt en Argentine d’ici le mois de janvier prochain, selon l’USDA, l’organisme américain de statistiques agricoles.

Dans les prochaines semaines, près de 30 Mt de blé supplémentaires seront ainsi disponibles à l’export. Elles concurrenceront les céréales engrangées l’été passé, dans l’hémisphère nord, qui n’ont pas encore été commercialisées. Mais selon Sevecon.ru, la Russie livre toujours son blé à un rythme effréné (plus de 3,7 Mt en novembre).

L’Ukraine dresse aussi un bilan très positif des quatre premiers mois de sa campagne de commercialisation. En octobre dernier, le pays a encore expédié 1,6 Mt de blé et 1,9 Mt de maïs. Depuis le mois de janvier, il a exporté plus de grains et de minerais (110 Mt) que sur l’ensemble de l’année passée (100 Mt), selon UkrAgroConsult.

L’UE peu compétitive

Ces performances ont été réalisées aux dépens de l’Union européenne, peu compétitive. A la fin de la semaine 19 (close le 8 novembre), seules 8,43 Mt de blé ont été exportées depuis le début de la campagne, alors que 11,9 Mt l’avaient été un an auparavant. Hormis le Royaume-Uni qui a importé trois fois plus de blé (604 000 t versus 187 000 t en 2023-2024), toutes les destinations sont en repli. En France aussi, le bilan est sombre. Faute de grains, seule 1,6 Mt de blé a été exportée vers des pays tiers. L’Algérie boycotte la céréale française. Mais les ventes reprennent avec le royaume chérifien.

A contrario, le Kazakhstan croule sous ses stocks de blé. Sa récolte a été bien plus importante (18 Mt) qu’annoncée au début de la campagne (14-15 M), selon l’USDA. Le pays a bloqué son accès aux importations russes et il cherche de nouveaux débouchés à l’export pour écouler sa récolte de blé. Les années passées, le pays commerçait essentiellement autour de la mer Caspienne.

Pour débuter une nouvelle campagne 2025-2026 avec un marché intérieur assaini, le Kazakhstan devra exporter jusqu’à 12 Mt de blé d’ici le mois de juin prochain.

Évidemment, cette abondance kazakhe n’explique pas la diminution d’une quinzaine d’euros du prix du blé à Rouen observée ces quatre dernières semaines. Les cours des autres céréales se sont aussi repliés. À Bordeaux, le prix de la tonne de maïs est repassé sous le seuil de 200 €.

Le renfort du dollar observé depuis la réélection de Donald Trump à la présidence américaine n’a pas contrarié le mouvement de baisse.

Mais en Union européenne, les conditions anticycloniques observées depuis près de quatre semaines permettent aux céréaliers de combler une grande partie du retard pris pour emblaver leurs champs. En France, 78 % des semis de blé ont été réalisés (+16 points en une semaine). Aux États-Unis et en Russie, les précipitations sont de retour dans les plaines.

Des perspectives de négociation entre la Russie et l’Ukraine rassurent aussi les opérateurs. Mais les prix des grains, et du blé en particulier, sont « fondamentalement bas », selon la société russe Sovecon, experte en stratégies des marchés des céréales. Ils sont appelés à se redresser dans les semaines à venir pour plusieurs raisons.

La campagne de blé 2024-2025 (794 Mt) reste déficitaire de 10 Mt. La Russie n’en exporterait que 45,9 Mt d’ici la fin du mois de juin prochain puisque sa production a de nouveau été revue à la baisse (81,5 Mt ; -1,5 Mt sur un mois) rapporte la société russe. Par ailleurs, des taxes à l’export de 2228 roubles par tonne (21 €/t), instaurées depuis le 30 octobre dernier (+ 9,5 €/t en un mois), augmenteraient encore dans les prochains mois. Et de nouveaux quotas encadreront les exportations. Enfin, la rigueur hivernale réduira prochainement le trafic fluvial vers la mer Noire et, en Ukraine, les silos se vident.