« La catastrophe qu’on avait prévue depuis 4 ans s’est produite », se désole Thierry Descazeaux, producteur de noisettes et président de la coopérative Unicoque, le leader français des fruits à coques. La production de ses adhérents connaît une chute de près de 65% en cet automne 2024. En effet, « des attaques massives de punaises diaboliques et de balanins (vers de la noisette) ont dévasté la récolte de noisettes 2024 en parallèle d’une météo défavorable » précise un communiqué de la coopérative le 22 octobre. Et pour cause, les producteurs n’ont pas pu lutter contre ces ravageurs, faute de molécules phytosanitaires efficaces et autorisées en France, parmi lesquelles les néonicotinoïdes, et plus particulièrement l’acétamipride, interdit en 2016 par la loi Pompili. La boîte à outils des moyens de production ne contient que des pyréthrinoïdes, à l’efficacité très limitée et dépourvue de rémanence.

Faut-il sacraliser l’animal ?
Le balanin pique la noisette pour s'y nourrir et pour y pondre. ©Unicoque

Pour ne rien améliorer, l’aspect extérieur des noisettes ne permet pas de séparer les comestibles des non comestibles, explique Thierry Descazeaux. Cela limite leur accès aux marchés les plus rémunérateurs. La coopérative Unicoque se voit obligée de les orienter vers son usine afin de les casser et de les trier, ce qui engendre un surcoût.

Faut-il sacraliser l’animal ?
©Unicoque

En mars dernier, l’association nationale des producteurs de noisettes de France (ANPN) et la coopérative Unicoque avaient pourtant alerté les pouvoirs publics dans une lettre adressée au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture, mais sans solution de leur part. « La coopérative Unicoque se prépare en effet à affronter des difficultés économiques sur son exercice 2024/2025, avec un déficit projeté de plusieurs millions d’euros, premier déficit de son histoire », affirme Unicoque. Cette catastrophe n’est pas sans rappeler la catastrophe de l’année 2020 en betterave… Si l’avenir ne s’éclaircit pas, est-ce que la filière noisette française perdurera dans les prochaines années ?

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Encore un abandon de notre souveraineté alimentaire

Comme nous l’avions écrit dans le BF n° 1180, les producteurs de noisettes françaises subissent de plein fouet les distorsions de concurrence, tant entre l’Europe et les pays tiers, qu’entre la France et ses voisins européens. 80 % des noisettes consommées jusqu’alors en France proviennent de Turquie, pays qui possède plus de 200 molécules phytosanitaires pour protéger le fruit à coque contre ces 2 ravageurs, dont certaines interdites sur le territoire européen depuis plus de 20 ans. Les États-Unis, ainsi que l’Italie (qui ont accès à l’acétamipride) sont aussi de gros fournisseurs de la France. Et cette situation va encore se dégrader cette année en raison de la mauvaise récolte, tout cela, au nom de « l’écologie »…

« Nous, producteurs et salariés de la coopérative Unicoque, demandons toutes les procédures nécessaires face à l’urgence phytosanitaire qui nous emporte ainsi que l’harmonisation primordiale des règles phytosanitaires entre la France, l’Espagne et l’Italie au nom de l’égalité, de la lutte contre la distorsion de concurrence intra-européenne, de la souveraineté alimentaire et de la non-exportation des pollutions », déclare Thierry Descazeaux, en précisant que sa filière a été reconnue comme orpheline vis-à-vis des moyens de production. « Le même problème risque d’arriver à partir de l’année prochaine pour un certain nombre d’autres filières, en raison de la fin annoncée d’autres molécules », s’inquiète-t-il en évoquant notamment, le chou, la laitue, la pomme, la poire, le kiwi, la pêche et l’abricot. La betterave n’est donc pas la seule à avoir besoin d’une réautorisation rapide de molécules insecticides efficaces comme l’acétamipride ou la flupyradifurone.

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