Comme l’ont montré les récentes interdictions de la chasse de l’alouette des champs au filet, de la tenderie aux vanneaux ou des chasses traditionnelles de la grive dans le Midi, l’Europe, résolument anti-chasse, est un rouleau compresseur. Le but est de l’asphyxier petit à petit en faisant tomber régulièrement un pan de l’édifice. C’est la stratégie dite « des dominos ». En faisant chuter une pièce, elle entraînera derrière elle tout le jeu. Les chasseurs ont leurs représentants dans les enceintes européennes et notamment la FACE qui se bat comme une diablesse. Mais que peut-elle contre des groupes majoritairement acquis aux écologistes et aux animalistes ?

Tout part des chiffres. Imaginons par exemple que les écologistes veuillent retirer de la liste des espèces chassables un oiseau d’eau. On va aller puiser dans les bases de données disponibles et s’arranger pour les tordre dans le bon sens. Chacun sait – ou devrait savoir – que les comptages sont hautement aléatoires. Impossible de poster un observateur derrière chaque oiseau. Les résultats sont donc marginaux et entachés d’un fort pourcentage d’erreurs. Mais qu’importe du moment que l’on tient des chiffres ! Les représentants des chasseurs l’ont compris et depuis quelques années se lancent eux aussi dans la bataille. Chiffres contre chiffres. Étude contre étude. Statistiques contre statistiques.

Incohérences

En juin dernier, un sous-groupe d’experts appelé Task Force for Recovery of Birds (TRFB) a examiné la « durabilité » de la chasse des oiseaux migrateurs sous l’angle scientifique, au sein d’une commission appelée Nadeg. Au sein de ces groupes, les chasseurs sont représentés par la FACE et la France par un membre du ministère.

Chacun a dégainé ses résultats « scientifiques ». Comme, en dépit de leur appellation, ils sont interprétables dans toutes les dimensions, chaque camp joue sa partition. Dans le cas particulier, la FNC et la FACE ont pointé les incohérences de leurs adversaires, la confusion entre les populations nicheuses et les hivernantes par exemple. Mais il y a mieux. D’après les comptages des adversaires, on prélèverait plus d’oiseaux que l’effectif estimé ! On tuerait donc des oiseaux qui n’existent pas. Cette énormité serait passée comme lettre à la poste sans la réaction des chasseurs. On voit là combien les chiffres sont fantaisistes et ne reflètent pas toujours la réalité.

L’analyse « scientifique » des statistiques a été confiée à l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Or, celui-ci n’a pas pris la peine d’échanger avec les représentants des chasseurs. Willy Schraen, le président de la FNC, s’en est ému : « je ne peux que déplorer que les analyses scientifiques de ce travail aient été réalisées par l’OFB, notre partenaire historique et naturel, sans qu’aucun échange avec le monde cynégétique n’ait eu lieu ».

Au cours des débats, des pressions en faveur d’un moratoire sur le milouin et le siffleur se sont manifestées. Pour la FNC, il ne s’agirait que d’intimidations écologistes. Méfions-nous quand même car elles peuvent faire leur chemin …

« Soyez assurés que la FNC suit ce dossier en priorité. L’engagement de nos partenaires scientifiques comme l’Ompo (Oiseaux Migrateurs du Paléarctique Occidental) et l’Isnea (Institut Scientifique Nord-Est Atlantique) ainsi que l’effort des fédérations et des associations cynégétiques pour récolter des données sur le terrain prend tout son sens. Les échanges avec la FACE et les représentants ministériels de la France auprès des instances européennes sont constructifs », a voulu rassurer Willy Schraen.

Pilets et souchets en pleine forme

Dans un entretien accordé à la revue « Connaissance de la chasse », Olivier Berthold, président de l’association des chasseurs de gibier d’eau – l’ANCGE – « tombait de sa chaise » devant les conclusions avancées par les écologistes. Il dispose d’un instrument fiable : les carnets de chasse des huttiers. Or, si le milouin baisse effectivement, le siffleur est stable et le souchet et le pilet ne se sont jamais aussi bien portés ! Leurs prélèvements ont plus que doublé en 18 ans !

Quant au siffleur, si l’on en juge par les carnets de prélèvements, les effectifs sont stables.

En ce qui concerne les limicoles, Olivier Berthold dit qu’il manque d’informations. En effet, les chasseurs du domaine maritime ne font pas remonter leurs prélèvements. Dès lors, certaines espèces sont en moratoire : courlis cendré, barge à queue noire. D’autres sont sur la sellette. « L’interdiction temporaire de leur chasse empêche toute source de nouvelles données. Le piège se referme et les moratoires s’éternisent », conclut-il. Et de lancer un appel aux chasseurs de gibier d’eau pour qu’ils communiquent leurs prélèvements. C’est en effet, contrairement aux élucubrations, un moyen fiable de suivre l’évolution des populations.

La discussion devait se poursuivre cet automne au Parlement européen.