C’est un drôle d’anniversaire que ce 17 octobre. Cela fait tout juste un an qu’il n’arrête pas de pleuvoir. On dépasse les 1 000 mm en un an ! Comme pour les autres productions, la météo n’est pas sans conséquence sur la betterave : la richesse moyenne frôle les 17°S en ce début de campagne. Elle est encore plus faible que l’année dernière à la même époque, alors qu’elle était déjà qualifiée d’« historiquement basse » en 2023.
Les pluies sont en partie responsables de ce faible taux de sucre. Le bulletin mensuel de Météo France ne titrait-il pas : « Septembre 2024, un début d’automne remarquablement arrosé et maussade » ? Et de préciser que ce mois de septembre accuse un déficit d’ensoleillement de 23 %
La richesse stagne, mais les situations sont très hétérogènes selon les sucreries. Les usines des Hauts-de-France et de Champagne enregistrent des taux proches de 17°S, tandis que celles du sud de Paris et de Seine-et-Marne restent à 16,3°S. En Alsace, les richesses sont encore en baisse.
« La déception est importante dans l’Eure où il y a parfois des silos à 14,5 °S, constate Benoît Carton, directeur de la CGB Normandie. Une richesse à 15°S, c’est 9 % de poids-valeur en moins. Pour une betterave payée 40 €, cela fait une perte de 3,6 € par tonne. »
L’inquiétude se confirme sur les rendements
Cette faible richesse a un effet mécanique sur le rendement à 16°S. L’estimation de rendement début septembre se situait pourtant entre 80 et 82 t/ha à 16°S en moyenne mais, vu les premiers arrachages, on sera au-dessous des chiffres de 2023. Certes, le potentiel est correct en Champagne, mais il n’est pas bon en Normandie, en Île-de-France et dans les Hauts-de-France.
« Le rendement moyen français à 16°S approche 73 t/ha à ce jour : c’est 4 tonnes de moins qu’en 2023 à la même date, note Jean-Jacques Fatous de la CGB. Cette moyenne masque des écarts entre régions. Mais de façon générale, on relève de fortes disparités entre planteurs et parcelles d’un même secteur ».
Ghislain Malatesta, directeur de l’expérimentation et de l’expertise régionale de l’ITB voit aussi des parcelles très hétérogènes : « il y a de très bons rendements à plus de 100 tonnes et de très mauvais à seulement 30 tonnes ».
Difficile de prévoir le rendement final, qui dépendra bien sûr de la météo à venir. Il sera probablement moins bon que les 83 t/ha à 16°S de l’année dernière, mais dépassera-t-il les 77 t/ha à 16°S de 2022 ?
Pouvait-on s’attendre à de tels résultats ? Malheureusement oui, répond le président de l’ITB, Alexandre Quillet : « c’est peut-être une mauvaise surprise pour certains agriculteurs, qui ne s’y attendaient pas. Mais l’ITB a vu venir ce problème depuis le 1er août. La betterave fait la plus grande partie de son rendement avant le 31 juillet. Or les prélèvements à cette date montraient une année bien en dessous de la moyenne ».
De multiples causes
Les causes seraient multifactorielles : semis tardifs, forte pression de cercosporiose, sols humides, forte minéralisation de l’azote, températures fraîches et manque de luminosité.
Une dizaine de critères pourraient impacter le rendement betteravier.
Les semis décalés de 3 semaines ont sans doute été déterminants. La betterave n’a pas eu assez de temps pour grossir. Les 20 jours manquants pèsent sur les premiers arrachages, surtout avec ce mois de septembre plutôt frais.
« Les anciens disaient que la betterave a besoin de 180 jours du semis à la récolte, explique Benoît Carton. Quand on sème le 15 avril et que l’on récolte début septembre, cela fait seulement 150 jours. On ne peut pas tout demander à nos betteraves ! »
Ghislain Malatesta cite aussi « les préparations de sol très moyennes, qui ont entraîné des betteraves fourchues, des phénomènes de battance et des attaques de limaces, des fontes de semis et de l’aphanomyces ». Résultat : les populations sont hétérogènes.
Maladies foliaires
Heureusement, la jaunisse est peu présente. Seul le secteur au sud de Chartres se démarque cette année encore avec des infestations fortes, atteignant parfois 100 % de la surface parcellaire (voir le bilan de l’ITB page 15).
En revanche, les maladies foliaires ont un certain impact. Il y a parfois de fortes attaques de cercosporiose : on observe une différence entre les zones à risque historique et celles situées en bordure maritime. « La maladie est beaucoup plus présente à l’est et au sud de la zone betteravière », précise Ghislain Malatesta. À noter que même des variétés connues pour leur aptitude à tolérer la cercosporiose ont du mal à tenir sur les parcelles les plus impactées.
Les conditions climatiques de ce printemps, très pluvieuses, ont aussi été favorables à l’infestation du mildiou. Certaines parcelles sont touchées à plus de 50 %. « Je pense que nous avons sous-estimé l’impact du mildiou, qui est présent depuis le 15 juin, explique Benoît Carton. Les racines sont longues, fines et étranglées. Le feuillage a été attaqué et maintenant, avec les pluies, les betteraves font de nouvelles feuilles et perdent du sucre. En Seine-Maritime, il y a moins de mildiou que dans l’Eure et les rendements y sont actuellement plus élevés. Certaines parcelles sont fortement touchées par la cercosporiose. Il y a aussi de l’aphanomyces sur les sols hydromorphes ou trop tassés. Cela a aussi pour conséquence des racines allongées et crevassées. »
Des arrachages perturbés par les pluies
Les fortes pluies ont un impact sur la récolte. Les arrachages sont très tendus, le stock en plaine est faible, mais les sucreries ne manquent heureusement pas de betteraves.
Toute la France betteravière a été touchée par les précipitations apportées par la tempête Kirk, les 9 et 10 octobre. Elles ont atteint jusqu’à 120 mm en quelques jours à Saint-Quentin et même jusqu’à 180 mm à Orléans ! Le niveau de tare terre est certes supérieur de 3 % à celui de début octobre 2023, mais il reste satisfaisant à 9 % (en cumulé) depuis le début de la campagne.
Enquête rendements auprès des planteurs
Alors que 30 % des betteraves ont été arrachées mi-octobre, il était temps de mieux comprendre ces premiers résultats décevants. La CGB a donc lancé une enquête auprès de ses adhérents, avec 8 questions qui aideront à en déterminer les causes : date de semis et d’arrachage, maladies (mildiou, cercosporiose, jaunisse), grêle… Les planteurs concernés par des rendements anormalement bas peuvent donc se rapprocher de leur syndicat betteravier pour trouver des réponses à ce problème de richesses faibles.