Coquelicots, gaillets, véroniques, repousses de colza et bien sûr les vulpins ainsi que les ray-grass : toutes ces adventices peuvent très vite infester les semis de lin d’hiver. « D’abord, elles font de la concurrence pour la nutrition, causant une perte de rendements, explique Benoît Normand, ingénieur régional Hauts-de-France chez Arvalis. Ensuite, elles affectent la qualité des fibres. Ce sont surtout les adventices rampantes, très fibreuses, comme la renouée des oiseaux, le liseron et les graminées qui sont les plus préjudiciables. »

Par conséquent, le lin n’échappe pas à la règle du désherbage durable, associant les traditionnelles pratiques culturales et le désherbage chimique pour réduire le stock de semences dans le sol. Toutes se raisonnent à l’échelle de la rotation. « On recherche les ruptures de cycles pour certaines adventives avec l’introduction des cultures de printemps, complète-t-il. Cela fonctionne surtout pour les adventices qui lèvent abondamment en hiver, comme le vulpin. » Autre levier : le faux semis suivi d’un déchaumage pour réduire le stock de semences en superficie. « Cette méthode est efficace », souligne-t-il. Enfin, en enfouissant avec un labour les semences adventices, on réduit significativement le stock. Ce levier agit sur celles qui perdent assez vite leur faculté de germination (taux annuel de décroissance élevé). Quant au décalage de la date de semis, il est vivement déconseillé en raison du risque de gel.

Arrêt du triallate, mais utilisation possible cet automne

Ensuite, le programme herbicide s’envisage sur deux périodes, si nécessaire. Contre les graminées ray-grass et vulpin, même s’il est désormais interdit à la vente, le triallate (Avadex 380 à 3 l/ha) peut encore être incorporé cet automne en présemis, en cas de forte pression. Sa date limite d’emploi est fixée au 29 mars 2025. Autre option si les infestations sont précoces et/ou très abondantes : certains antigraminées foliaires Fop ou Dime. Ces herbicides sont composés de cléthodime tel que Centurion R, Foly R ou Noroit à 1 l/ha ou de cycloxydime comme Stratos Ultra à 1,5 l/ha. Ils se positionnent dès les stades 3 cm à 8 cm du lin. « On les associe à du sulfate d’ammonium pour maximiser l’efficacité, précise Benoit Normand. Toutefois, les interventions en hiver peuvent fragiliser la culture et la rendre sensible au gel. De fait, il faut s’assurer qu’il ne gèlera pas dans les 10 jours suivant le traitement. » Les meilleurs positionnements de ces produits se font en sortie d’hiver avec un lin à 10 cm et des graminées début tallage. « Dans ce cas, on obtient un meilleur résultat avec la reprise de croissance pour favoriser la systémie », relève l’expert d’Arvalis.

Une seule fois les mêmes matières actives sur la parcelle

En cas de très fortes infestations de coquelicots et autres dicotylédones, certains herbicides composés de mésotrione comme Calliprime Xpra sont aussi possibles à l’automne en pré-levée. Contre les autres dicotylédones, les passages sont surtout à réaliser en post-levée avec Allié SX à 10-15 g/ha (metsulfuron-méthyle). Il s’emploie seul ou associé à Gratil 10 g/ha (amidosulfuron) en cas de gaillet, fumeterre ou encore avec Chekker à 0,2 kg/ha (iodosulfuron-méthyl-sodium). « Cependant, Allié peut s’appliquer en situation froide, jusqu’à 0°C et agit longuement avec une efficacité intéressante », indique Benoît Normand. À noter, en termes d’homologation, Allié est à appliquer une fois par an et par parcelle. S’il est positionné au printemps au stade 10 cm du lin, la dose maximale d’utilisation est de 15 g/ha pour les applications d’automne et de 25 g/ha pour les applications de printemps. Dans tous les cas, le fractionnement n’est pas possible.

Outre ces produits foliaires, lorsque le lin atteint 7-10 cm de haut, Arvalis recommande de la bentazone contenue dans Basagran SG (0,4 kg/ha). Cet herbicide peut être associé à du MCPA avec Metiss (0,2l/ha) sur végétation poussante.

Retrouvez tous les conseils dans le webinaire Les essentiels du lin fibre 2024 sur arvalis.fr et Arvalis TV (youtube)

Date de semis du lin : gare au gel !

Le lin d’hiver est sensible aux températures négatives dès -5 à -7°C. Cependant, il résiste jusqu’à -13°C environ à condition que le froid s’installe progressivement. Dans ce cas, la plante doit être bien enracinée et mesurer au maximum 5 à 7 cm en entrée d’hiver. Si le lin dépasse 10 cm, il entre en phase d’élongation. Alors, ses cellules se gorgent d’eau et dès les gelées, il casse. Ainsi, en s’appuyant sur les dates de gel observées entre le 1er octobre et 1er mars de 2003 à 2023, Arvalis recommande deux périodes de semis. Pour les secteurs Falaise, Neubourg, Sud Eure, Picardie, Nord…, le semis est à effectuer du 25 septembre au 15 octobre car l’arrivée du gel est précoce (à partir du 15 décembre). Pour les secteurs en bordure maritime, Arvalis préconise de semer du 10 et 25 octobre.