Les résultats de la ferme Aisne pour la récolte 2024 seront très impactés par des rendements en berne pour la plupart des cultures, constate François-Xavier Thirard, du Centre de gestion CerFrance. La réunion conjoncture à Laon le 1er octobre avait pour but d’estimer les résultats issus de la campagne 2024. La récolte de blé dévisse de 25 %. Et les rendements des cultures rappellent ceux de 2016 (voir tableau). À ces hypothèses, il faut ajouter la baisse du prix des céréales due aux réfactions qualité.

Baisse des engrais et du carburant

L’estimation des charges s’avère variable selon les dates de clôtures. Le centre de gestion estime la baisse des charges en engrais et amendements à – 60 % par rapport à l’année précédente, très impactée par le conflit russo-ukrainien. C’est le seul poste de charge à diminuer avec les carburants (-15 %) et les aliments du bétail (- 8 %). Le fermage augmente de 5,3 %, les phytosanitaires, les frais financiers et les entretiens réparation de 5 %. Les amortissements et les salaires croissent de 3 %, les semences, les frais généraux, le crédit-bail et les travaux par tiers de 2,5 %. Quant aux cotisations MSA, la hausse peut atteindre de 0 à 40 % selon les cas.

Un EBE betteravier diminué de moitié par rapport à la moyenne quinquennale

À partir des hypothèses de rendements et de prix, le CER estime le produit brut obtenu par hectare à 2 290 € pour une ferme moyenne de 160 ha en système betteravier, avec 1,7 unité de main-d’œuvre. Ce résultat demeure inférieur à la moyenne 5 ans de 2 410 €/ha. Il est cependant supérieur à la moyenne 2016 de 1 664 €/ha.

Le produit brut/ha diminue à 2010 €/ha pour le quart des exploitations aux revenus les plus faibles et atteint 2 650 €/ha pour le quart supérieur. Rappelons qu’une tonne de betteraves en plus permet un gain de 11 €/ha. De même, une augmentation du prix de 1 euro par tonne de betteraves permet un gain moyen de 21 €/ha. En blé, 5 quintaux récoltés en plus augmentent les résultats par ha de 38 €. Un gain de 10 €/t l’améliorera de 28 €/ha.

L’EBE betteravier (excédent brut d’exploitation) 2024 par hectare diminue de moitié par rapport à la moyenne quinquennale, avec 350 €/ha contre 700 €/ha. Il était de 610 €/ha en 2023.

Un résultat moyen très bas de 50 €/ha, négatif pour le quart inférieur

Quant au résultat économique moyen de la ferme betteravière de l’Aisne en 2024, il atteint un niveau très bas de 50 €/ha. Soit 9 fois moins que la moyenne quinquennale de 470 €/ha et 6 fois moins qu’en 2023 (330 €/ha).

Pour le quart des exploitations aux résultats inférieurs, les résultats seront négatifs, avec – 240 €/ha pour un EBE de 140 €/ha. Pour le quart supérieur, l’EBE atteindra 720 €/ha et un résultat économique de 480 €/ha.

En termes de flux financiers, cela signifie un solde disponible négatif de 12 000 € pour les exploitations situées dans le quart inférieur. Ce solde négatif fait suite à un précédent de 3 000 € en 2023.

Pour une exploitation moyenne, le solde disponible atteint 14 100 €, soit 90 €/ha par hectare, à comparer aux 56 900 €, soit 360 €/ha de l’année précédente. Le quart supérieur disposera d’un gain de trésorerie de 92 700 €, soit 520 €/ha, contre 131 100 € et 730 €/ha.

Si les résultats économiques des betteraviers s’avèrent très faibles, ceux des polyculteurs (à dominante céréales et oléagineux) le sont encore plus. L’EBE moyen des polyculteurs chute de 42 % par rapport à la moyenne quinquennale à 38 500 €, soit 260 €/ha. Avec une annuité moyenne de 40 400 €, cela implique un solde financier négatif de 1 900 €, soit 10 €/ha.

Le résultat moyen en polyculture dans l’Aisne est négatif, avec moins 40 €/ha, contre une moyenne quinquennale de + 340 €/ha. Pour le quart inférieur, la situation avec un EBE de 0 € et un résultat de – 360 €/ha s’avère compliquée. Pour le quart supérieur, le résultat sera positif de +180 €/ha.

Une fois de plus les cultures industrielles, dont la betterave majoritairement, jouent le rôle d’amortisseur, face aux systèmes purement céréaliers.

Pour financer la mise en culture de la récolte 2025 (engrais, semences, annuités), CerFrance rappelle la possibilité d’utiliser les DEP (déduction épargne de précaution), de reporter les annuités, notamment pour les jeunes agriculteurs et/ou d’étaler les remboursements ou d’effectuer des prêts de trésorerie. Ces solutions impliquent de bien prévoir les capacités financières sur les deux ou trois années à venir. Reste la solution, quand cela est possible, d’apporter des fonds propres.

De plus, les agriculteurs doivent intégrer l’impact fiscal et social de la récolte 2022. En effet, le solde d’impôt sur les revenus 2023 (récolte 2022) est étalé sur sept-oct-nov-déc-2024. Le solde MSA sur décembre 2024 et les appels prévisionnels sur 2025. Les trésoreries vont être très tendues.

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*Champagne Nord Est Île-de-France

La culture de la betterave va permettre à certains de garder la tête hors de l’eau

Point de Vue de Guillaume Gandon, président de la CGB Aisne

« Ces prévisions du CER France dans mon département ont le mérite de confirmer un ressenti déjà très violent sur le terrain. Heureusement, la culture de la betterave va permettre à certains de garder la tête hors de l’eau. Mais je rappelle que nous n’avons encore aucune garantie sur les prix de betteraves en 2024, et il est impératif qu’ils soient robustes. Dans tous les cas, chez certains agriculteurs, la situation est vraiment catastrophique et le gouvernement doit en prendre toute la mesure. »