Installé en 2004 sur l’exploitation familiale, Éloi Barré vit des contraintes régulières comme en connaît plus généralement le monde agricole. Contrairement à ce que beaucoup pourraient croire, celles-ci ne sont pas uniquement liées au pôle industriel situé à deux kilomètres de son village. « Nous sommes davantage impactés par le manque d’implication des politiques dans leur prise de décision, indique Éloi Barré. Nous subissons également l’attitude navrante de la société, qui manque de tolérance et de prise de conscience des enjeux globaux du monde rural, y compris de l’agriculture. » Pour l’agriculteur, l’ensemble de ces comportements représentent de réelles contraintes qui empêchent la filière de se développer.

Le collectif face à la société

« Depuis qu’il existe, le pôle industriel de Pomacle-Bazancourt contribue à une dynamique agricole régionale, convient Éloi Barré. Le développement de ce site a généré des intérêts globaux sur notre territoire : dynamisme local, embauches, desserte logistique, etc. » Mais, un pôle industriel ça vit, ce qui suscite parfois les plaintes de la population locale. « Les dirigeants du pôle industriel l’ont bien compris, poursuit l’agriculteur. C’est pourquoi ils sont à l’écoute des problématiques et essaient de concilier les difficultés pour réduire les nuisances ». Éloi Barré regrette que certains responsables politiques manquent de pragmatisme et de réalisme. « Je souhaiterais qu’ils s’engagent davantage car une non-prise de décision cultive les oppositions sur le terrain. Cette situation politique et la réticence de la société, au-delà du voisinage, rendent difficile la concrétisation de projets, notamment lorsqu’il s’agit de développer un atelier d’élevage ou une unité de méthanisation ». Ce contexte génère parfois de la tension, voire le repli de certains agriculteurs. Pour ne pas abandonner, Éloi Barré encourage le sens collectif, c’est-à-dire l’action par le groupe (entre agriculteurs et/ou avec des organisations professionnelles) pour communiquer et résoudre les problèmes. « Le collectif est une force qui nous permet de travailler sereinement et de maintenir la dynamique de nos exploitations ainsi que le développement de projets », souligne-t-il.

Concilier agriculture et durabilité

Éloi Barré se dit prêt à se diversifier à condition que l’analyse des risques et de l’environnement local s’inscrive dans une logique économique. « La société n’est pas toujours en phase, c’est un fait. Pour autant, je saisis les opportunités pour assurer la durabilité et la performance économique de mon exploitation. Au quotidien, nous restons tous très attentifs et vigilants à la réglementation. Le respect des ZNT (zones non traitées) riverains en est une illustration. Nous respectons les droits dictés à l’agriculture et nos devoirs de production et de compétitivité. »

Une situation favorable à la betterave

L’exploitation d’Éloi Barré, gérée auparavant par ses parents, a toujours produit de la betterave jusqu’à 30 % de sa SAU. Les raisons : une proximité géographique avec la sucrerie de Bazancourt (groupe Cristal Union), des quotas importants à l’époque et la livraison directe des betteraves à l’usine qui permettait de rationaliser les chantiers d’arrachage. « Cristal Union n’offre plus cette possibilité depuis cette campagne », souligne Éloi Barré avec nostalgie. Aujourd’hui, les betteraves représentent 22 à 27 % de la SAU. « Elles produisent encore de la valeur ajoutée grâce aux efforts fournis par la génétique et à la résilience des outils industriels et des exploitations agricoles. En 2023, elles ont généré la meilleure marge de l’exploitation (sur la base 50 €/t). Toutefois, elles subissent la variabilité des marchés qui rend leur rentabilité plus aléatoire. Ce fut le cas en 2018-19-20 avec une marge proche de zéro, voire négative, et un prix à 22,50 €/t. Je ne suis pas certain que ma ferme ait à nouveau la capacité financière de revivre cette situation, le coût de production étant en augmentation et proche de 2 850 €/ha. Le point d’équilibre est à 32 €/t. »

Chats errants : toujours plus
<p>Le photovoltaïque est une diversification acceptée par la population car elle ne génère ni odeur, ni bruit et ne dénature pas le paysage. Au loin : le pôle industriel de Pomacle-Bazancourt.</p> ©Éloi Barré