Une vraie prouesse, à mettre directement en lien avec la position des spéculateurs. En effet, depuis l’ouverture de la campagne cannière brésilienne, en avril, ils pariaient à la baisse sur le marché, anticipant une campagne abondante – peut être autant que la précédente, qui avait été record. Mi-septembre, ils étaient encore vendeurs-nets de plus d’un million de tonnes de sucre, et le sucre brut stagnait autour de 18 cts/lb. Quinze jours après, ils sont acheteurs-nets de plus d’1,6 Mt, et le sucre brut dépasse les 22,5 cts/lb.

Comment en est-on arrivé là ? C’est avant tout un effet de « weather market » : une petite annonce, souvent d’ordre climatique, fait trembler un marché sous tension. Côté sucre, ces tensions touchaient les fondamentaux, que ce soit du Brésil ou d’Inde. D’une part, la campagne brésilienne qui avait commencé très fortement, ralentit finalement aussi vite ; elle ne devrait donc pas être aussi prometteuse que certains pouvaient le croire. D’autre part, on estime toujours que la campagne indienne, qui ouvre en ce moment, ne permettra pas au pays d’exporter sur le marché mondial. Quant à la campagne européenne en cours, elle ne sera pas fabuleuse ; loin de là.

Dès lors, d’ici l’ouverture de la prochaine campagne brésilienne, au printemps 2025, la tension à l’œuvre devrait durer, et permettre une bonne tenue des cours… C’est dans ce contexte que l’élément déclencheur – des feux de canne à sucre au Brésil – a provoqué leur flambée.

On pourrait trouver l’évènement finalement un peu léger : 250 000 hectares de cannes brûlées, sur les 8 à 9 Mha du Centre-Sud, c’est peu de chose. D’autant que, dans encore beaucoup de régions du globe, on brûle la canne avant de la récolter : elle pourra donc être transformée. Mais, 250 000 ha, cela représente tout de même l’équivalent de la moitié de la surface française, et le traitement de cette canne, dont le brûlage n’a pas été fait à bon escient – c’est-à-dire à maturité et en concertation avec l’usine pour un traitement immédiat – impactera forcément les rendements. Résultat : plus personne n’anticipe que le Centre-Sud produira 40 Mt de sucre cette année, contre plus de 42 Mt l’an dernier.

Par ricochet, le marché du spot européen, dans le nord de l’Italie, a lui aussi pris 30 €/t dans la semaine. C’était devenu suffisamment rare pour être relevé ! Alors, ce retournement des cours : un feu de paille, ou une évolution durable ?