Lors des visites d’essais de ce printemps, le désarroi pouvait se lire dans les questions des agriculteurs tant les parcelles sont très sales. À l’image de cette situation que partageait un visiteur de Terres Innovation, événement de la coopérative Cérèsia qui s’est tenu à Chambry (02) les 14 et 15 mai : « je suis en techniques culturales simplifiées, ma parcelle de blé est infestée de ray-grass à un point tel que je ne sais plus quoi faire ! ».

Retrait du flufenacet et restrictions

Certes, les difficultés de désherbage rencontrées cet automne et les pluies qui ont joué les prolongations au printemps aggravent les situations. Néanmoins, Guy Turlin, responsable du pôle agronomie de Cérèsia, relie les cas d’impasses à un stock semencier dans le sol qui s’accroît à chaque campagne et à une phytopharmacopée qui se réduit. Le s-métolachore est retiré cette année ; le triallate sortira en 2025. Quant à la possible interdiction en 2026 du flufenacet, elle est au cœur des inquiétudes. La substance active de prélevée est l’un des piliers du désherbage d’automne. Enfin, pour le responsable agronomique, d’autres restrictions d’usage pourraient apparaître dans les prochaines années. Selon lui, la mobilisation de tous les leviers de désherbage ne sera plus une option. « D’autant que les solutions qui arrivent ne font pas mieux que celles actuelles », partage-t-il. L’urgence est aussi de préserver le potentiel du peu qui reste. Si Guy Turlin note que le message sur le rôle clé des leviers agronomiques est passé sur le terrain, leur concrétisation est moins évidente, car « c’est complexe à réaliser ». D’où le programme Adventurh (2020-2024) qui se déroule dans les Hauts-de-France (voir p. XX) sous la houlette d’AgroTransfert Innovations pour évaluer de nouveaux itinéraires techniques et mieux connaître la biologie des adventices. D’ores et déjà, Guy Turlin estime que « l’allongement significatif des rotations avec les cultures de printemps, orge, pois et maïs est efficace pour casser le cycle biologique des adventices ». Autre exemple, le tournesol qui, en plus de casser la rotation, résiste mieux que le maïs à la sécheresse.

Nouvelles molécules et formulations en attente

Effectivement, le levier rotation est celui que préconise Pascal Lacoffrette, animateur agronomique chez Axereal. En optimisant cette mesure, les programmes herbicides expriment ensuite tout leur potentiel sur un stock de semences affaibli. Il conseille même d’enclencher un tournesol derrière une orge de printemps. En complément, l’animateur recommande de décaler la date de semis du blé de quinze jours, voire de 3 semaines, et de pratiquer un labour tous les trois ou quatre ans : « ponctuellement, c’est une bonne arme. Surtout, il ne faut pas revenir avec un chisel pour remonter les semences ». Par ailleurs, dans le cadre des Rencontres agronomiques d’Axereal organisées à Villemaury (Eure-et-Loir) le 14 juin, une vitrine se consacrait aux essais avec des herbicides candidats à l’homologation. Sur les 12 programmes présentés, seuls 4 seront conservés. Les autres herbicides sont abandonnés car ils comportent du flufenacet. Quant aux produits qui restent en lice, « ils ne seront jamais utilisés seuls », indique Pascal Lacoffrette.

Ainsi, FMC devrait se positionner en 2027 avec une nouvelle matière active, le bixlozone, issu de la famille des clomazones. Gowan travaille à une autre formulation et application du triallate en post-semis prélevée sur blé.

BASF arrive avec une nouvelle famille chimique, la cinmethylin, que le service agronomique d’Axereal teste depuis 4 ans. « L’efficacité ressort équivalente à Mateno », partage l’agronome.

Pour l’heure, sur une population de 470 vulpins/m2, Mateno puis Defi révèlent les meilleurs résultats avec plus de 92 % d’efficacité. Contre le ray-grass, les produits avec les plus forts dosages en aclonifène agissent aussi efficacement. De son côté, Bayer indique avoir un projet à base d’aclonifène et de DFF, « qui présente une bonne efficacité en programme ou associé, en prélevée sur blé tendre d’hiver et orge d’hiver. Il devrait être homologué pour l’automne 2025 ».

Mix désherbage avec le travail mécanique

Face à cette perte de molécules, le mix désherbage apparaît comme une alternative pour maintenir un niveau satisfaisant d’efficacité. Exemple : un programme herbicide à l’automne puis un binage aux stades tallage à épis 1 cm. « Dans un essai mené en 2021 avec 78 ray-grass/m2, après un passage de bineuse, on a diminué de 82 % la population. En effet, il en reste sur la ligne de semis », témoigne Pascal Lacoffrette. La herse étrille, tributaire du climat (sol sec), s’avère être un bon compromis en prélevée. Selon l’animateur, « avec deux passages, elle rend la combinaison chimique et mécanique acceptable pour une efficacité à 95 % ».

Cependant, le désherbage mécanique des céréales d’hiver n’est malheureusement pas possible dans tous les types de sol et avec toutes les conditions météorologiques. Et c’est sans compter son coût plus élevé. Par ailleurs, il faut noter qu’en affinant le sol avant l’hiver, une herse étrille amplifie la battance.

Enfin, la tolérance des blés au chlortoluron est à considérer davantage dans les choix variétaux pour ne pas se priver d’une molécule.